mardi 31 juillet 2018

Pour une contrerévolution catholique

Pendant que les derniers catholiques dorment (de toute façon, combien en reste-t-il en Québec ?), la Révolution s'active. Les prévisions pour  le reste de cette année annoncent un Québec toujours plus déshumanisé et contre-naturel. Faut-il s'en étonner ? Après tout, c'est la marche irrésistible de la Révolution qui suit son cours, tel une boule de neige qui grossit en dévalant la montagne. Depuis que le dernier verrou politique s'est éteint un 7 septembre 1959, il n'y a plus aucun pouvoir temporel pour s'opposer à la Révolution. L'Eglise catholique, laquelle nous avait permis de survivre, de nous maintenir et de croître extraordinairement (voir Le Canada-français missionnaire du chanoine Groulx), s'est éclipsée de notre société suite au funeste concile Vatican II.

Le mal de notre époque, celui dont plusieurs gens ressentent les soubresauts et les excès, se nomme la Révolution, c'est-à-dire le renversement de l'ordre naturel. Cette idéologie déteste au plus haut point tout ce qu'elle n'a pas créé elle-même, tout ce qui l'a précédé. Cette Révolution, intellectuelle et religieuse d'abord, politique et morale ensuite, tient ses origines dès le 15ème siècle. Elle débuta dans les idées avec l'Occamisme, du franciscain Guillaume d'Occam. Elle fit ses débuts dans la religion avec le moine apostat Martin Luther et le protestantisme. Elle s'incarna dans le monde sous système politique avec la Révolution dite française. Enfin, dernière étape, elle pervertie la morale avec les mœurs relâchés, conséquences moribondes héritées des précédentes étapes de la Révolution. Bref, tout cela pour en arriver à notre capharnaüm moderne. Et la marche de la Révolution n'est pas encore sur le point de s'achever.

Si, arrachant le masque à la Révolution, vous lui demandez : Qui es-tu ? Elle vous dira : "Je ne suis pas ce que l'on croit. Beaucoup parlent de moi, et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme qui conspire dans l'ombre, ni l'émeute qui gronde dans la rue, ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d'une dynastie à une autre, ni le trouble momentané de l'ordre public. Je ne suis ni les hurlements des Jacobins ni les fureurs de la Montagne, ni le combat des barricades ni le pillage, ni l'incendie ni la loi agraire, ni la guillotine ni les noyades. Je ne suis ni Marat ni Robespierre, ni Babeuf ni Mazzini, ni Kossuth. Ces hommes sont mes fils, ils ne sont pas moi. Ces choses sont mes oeuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers, et moi je suis un état permanent."Je suis la HAINE de tout ordre religieux et social que l'homme n'a pas établi et dans lequel il n'est pas roi et DIEU tout ensemble ; je suis la proclamation des droits de l'Homme contre les droits de DIEU ; je suis la philosophie de la REVOLTE, la politique de la REVOLTE, la religion de la REVOLTE ; je suis la négation armée ; je suis la fondation de l'état religieux et social sur la volonté de l'homme au lieu de la volonté de DIEU ! en un mot, je suis l'anarchie ; car JE SUIS DIEU DÉTRÔNÉ ET L'HOMME A SA PLACE. Voilà pourquoi je m'appelle REVOLUTION ; c'est-à-dire renversement, parce que je mets en haut ce qui, selon les lois éternelles, doit être en bas, et en bas ce qui doit être en haut.
Mgr Gaume - La Révolution, recherches historiques. 

À la naturelle distinction des sexes, la Révolution opposera son transgenre hybride (et plus encore...). À une économie locale, la Révolution opposera le mondialisme. À la croissance naturelle d'un peuple via sa démographie, la Révolution imposera les idéologies de mort (avortement, contraception) et par le fait même soutiendra l'immigration massive. À l'attachement à sa culture maternelle (tel l'amour de sa propre mère), la Révolution opposera la haine de soi et de son passé. Etc. etc...

Le pape Pie X, canonisé en 1954.
À ces idées infernales relevant peu à peu la tête, les catholiques peuvent brandir l'étendard Sacré de Jésus-Christ. Comme le nom l'indique, la Contrerévolution est contre la Révolution. Toutefois, son existence ne tient pas simplement dans le fait d'être "contre". La Contrerévolution est l'opposé de la Révolution. Elle entend défendre les conceptions naturelles du monde (la famille traditionnelle, la paix sociale, le respect de la propriété privée, la morale saine, etc.). Décrivant les novateurs (révolutionnaires), le pape saint Pie X décrit les traditionalistes (contrerévolutionnaires) :

Qu’ils soient persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d’hier ; que de tous temps l’Église et l’État, heureusement concertés, ont suscité dans ce but des organisations fécondes ; que l’Église, qui n’a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances compromettantes, n’a pas à se dégager du passé et qu’il lui suffit de reprendre, avec le concours des vrais ouvriers de la restauration sociale, les organismes brisés par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien qui les a inspirés, au nouveau milieu créé par l’évolution matérielle de la société contemporaine : car les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires, ni novateurs, mais traditionalistes

Pape saint Pie X - Encyclique E Supremi Apostolatus, 4 octobre 1903.

Nécessité d'une élite militante pour encourager ses congénères : Sursum corda !

Notre patrie a désespérément besoin d'une nouvelle élite, d'une nouvelle noblesse de cœur. Celle-ci doit porter au plus haut les aspirations du Canada français, être prête à toute les vexations et injures pour faire avancer la cause de Dieu et de la patrie. Car, être pour Dieu, c'est être pour la patrie (c'est-à-dire créé par Dieu). Il est nécessaire de rebâtir la société par la base : de bonnes familles. Dieu créé les familles et ces dernières assemblées créent la patrie (d'où le motto Dieu Famille Patrie). En déformant l'image de l'homme et de la femme, la Révolution vise la base de la société afin de l'avilir et, au final, d'en avoir un contrôle total, via la division que l’idéologie entraîne (sans cesse) dans la société. La Contrerévolution s'oppose à cet ordre contre-naturel du monde.

En voulant s'attaquer au domaine dit politique (voir la vraie définition de la politique par Aristote), tout en vivant comme des patachons, nous ne pourrons rien changer en profondeur. Imaginons que par une intrigue, un parti réellement catholique serait élu, il lui serait quasi impossible de durer plus de quelques jours. Pourquoi ? Si la population n'est pas revenu au catholicisme, au gros bon sens, aucun régime authentiquement catholique ne pourra s'imposer durablement. Jésus-Christ doit d'abord reconquérir les familles et les individus.

Mgr Ignace Bourget, second évêque de Montréal et chef de file des antilibéraux en Canada français, laissa à ses prêtres, dans son dernier mandement, les mots de saint Grégoire de Nazianze :

Mes enfants, gardez le dépôt sacré des traditions, souvenez-vous de mes labeurs.
-Mgr Ignace Bourget, second évêque de Montréal. 

Notre-Dame-du-Saguenay.
Ces mots doivent résonner aux oreilles de tous les fils du Canada français. Cette demande de conserver le dépôt, n'est-ce pas là tout ce que nous avons nommé la Survivance ? N'est-ce pas là l'écho des paroles du Sauveur (Celui qui a Mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui M'aime.) à ses apôtres ? Se conserver, se maintenir... demeurer catholiques et français.

C'est ainsi que nous devons tous interpréter notre devise : Je me souviens.

La société s'éloigne de ses origines et dépéri. Pour retrouver sa vie, sa vigueur, elle doit revenir à la source de ses origines. Revenir à ses origines, c'est reprendre vigueur en ce souffle qui muait nos fondateurs. Formez-vous intellectuellement (saine philosophie, histoire du Canada française, histoire sainte), renouez avec votre passé, renouez avec le catholicisme. Non pas ce pseudo catholicisme vide et dénaturé qu'on identifie encore - à tort - comme catholicisme, mais bien avec celui de vos aieux, communément appelé le catholicisme traditionnel : la messe en latin, les catéchismes traditionnels, le thomisme, etc. Redevenez qui vous êtes : des Canadiens français, descendants de Dollard des Ormeaux, de mgr Bourget, de Marguerite d'Youville, de Pierre Boucher, de Champlain et de Duplessis.

Vous l'aurez compris, le remède au mal moderne tient dans ces mots : Pour une Contrerévolution catholique.



-Frère Ignace de la Croix, T.O.F.

vendredi 27 juillet 2018

Visite missionnaire du 27 juillet au 7 août 2018 de m. l'abbé Dutertre

Samedi 28 juillet: Messe à 11h00 à Lévis.
Dimanche 29 juillet:
  • Solennité de Sainte Anne, Patronne de la Province de Québec, à 9h30 à Beaumont (à la salle paroissiale, 58 Chemin du Domaine, Beaumont, QC, G0R 1C0).
  • Messe du Xè dimanche après la Pentecôte à 17h30 à Montréal.
Lundi 30, mardi 31, mercredi 1er et jeudi 2: Messe chaque jour à 8h à Montréal.
Vendredi 3 août, premier vendredi du mois: Messe à 18h30 à Lévis, suivie du Salut du Saint-Sacrement.
Samedi 4 août, premier samedi du mois: Messe le matin à 8h à Lévis.
Dimanche 5 août, XIè dimanche après la Pentecôte:
  • Messe à 9h30 à Montréal.
  • Messe à 17h30 du côté de Québec (lieu exact à déterminer, probablement à Beaumont).
Lundi 6 et mardi 7: lieux et horaires de Messe à déterminer.
Pour connaître l’adresse exacte des lieux de Messe, ou pour tout autre renseignement, n’hésitez-pas à contacter l’abbé Dutertre via le formulaire de contact de ce site internet. Les messages envoyés arriveront directement sur son téléphone.

mardi 3 juillet 2018

Pèlerinage Sainte-Anne-de-Beaupré 2018


Cliquez sur l'affiche pour agrandir.


Le samedi 14 juillet 2018, aura lieu notre pèlerinage annuel à Sainte-Anne-de-Beaupré.



Vive sainte Anne

Refrain [2 fois]
Vive sainte Anne elle est notre patronne
Puissante au ciel elle exauce nos voeux
Pour ses enfants elle est toujours si bonne
Invoquons-la, nous la verrons aux cieux. 
(bis)


Ici, chrétiens, la fervente prière
Obtient santé, pardon, grâce et bonheur
Jamais la foi, dans ce doux sanctuaire,
Ne vit sainte Anne insensible au malheur.


Au ciel, là-haut, par ton enfant , Marie,
Un grand pouvoir pour nous te fut donné
Le pèlerin qui t'aime et qui te prie
Ne se verra jamais abandonné.

lundi 2 juillet 2018

Pour en finir avec Friedrich Nietzsche

Friedrich Nietzsche (1844-1900) est l'auteur de la « philosophie du Surhomme » qu'il a fondée toute entière sur une valeur dont il cherche le principe dans son propre « moi ».

Fils d'un Pasteur protestant, il passa sa jeunesse dans la pratique fidèle de sa religion ; mais, au moment de choisir sa carrière, il se détacha de toute croyance pour suivre l'attrait de sa puissante personnalité. Il étudia la philosophie qu'il professa brillamment à Bâle (1869-1879) ; heureux cependant, lorsque la maladie lui permit de se libérer de son enseignement pour se donner tout entier à sa « mission » philosophique. Luttant contre son mal avec une inépuisable énergie, il obtint quelques années de répit et écrivit une oeuvre considérable qu'une crise de folie interrompit en 1889 ; il ne retrouva plus la raison jusqu'à sa mort (1900).

Du "surhomme".
La philosophie de Nietzsche est essentiellement individualiste ; elle est le reflet de sa personne et Or, l'expérience qu'il nous raconte a la grandeur pitoyable de l'orgueil insensé d'un homme de génie qui se met soi-même, consciemment, à la place de Dieu ; il nous dit en effet comment il a rendu, grâce à son instinct vital, un sens à son existence, après avoir, selon son expression, « tué Dieu » dans son cœur. Son exposé d'ailleurs n'a rien de systématique ; il garde l'attrait d'une oeuvre d'art littéraire, lyrique, vivante, imagée, harmonieuse, dramatique comme un poème. De plus, le philosophe a varié parfois de sentiment et ses premières œuvres louent sans réserve Schopenhauer et Wagner qu'il attaque ensuite à outrance. Cependant, quelques idées maîtresses, en germe dès le début, s'épanouissent dans les œuvres de sa maturité et font l'unité de sa doctrine. On y distingue deux parties, l'une négative, l'autre positive. comme l'histoire des expériences de sa vie intérieure. Son auteur, en nous l'exposant, n'a point pour but de nous convaincre, mais de nous apprendre à nous découvrir nous-mêmes ; et si elle pouvait avoir un principe fondamental, ce serait: « Sois toi-même, sans faiblesse, logiquement et jusqu'au bout! » Ce fut pour suivre ce mot d'ordre que Nietzsche changea son premier enthousiasme pour Schopenhauer en une critique acerbe, et brisa sans hésiter son amitié avec le musicien Wagner, dès qu'il s'aperçut que son idéal ne cadrait plus avec le leur,

1) La partie négative est une critique radicale de la culture ou civilisation du XIXe siècle qu'il résume en un mot: le « nihilisme européen ». Toute culture suppose une table des valeurs, c'est-à-dire un certain nombre de biens considérés comme meilleurs, vers lesquels tend l'organisation sociale comme vers un idéal. Or, selon Nietzsche, la détermination de cette table n'est que le reflet du caractère, ou même du tempérament physique, des hommes qui l'adoptent ; d'où, les deux grandes catégories: d'un côté, la culture des dégénérés et des esclaves ; de l'autre, celle des maîtres pleins de santé et de vitalité ; et, à son avis, toutes les valeurs adoptées par notre civilisation sont caractéristiques de la culture des dégénérés. Elles ont leur origine dans le peuple juif, peuple d'esclaves. Elles se résument dans le triomphe du christianisme, avec son affirmation de l'au-delà qui fait oublier le monde présent, seul réel ; - avec ses dogmes de Dieu Créateur et Juge de l'âme immortelle, dogmes antiscientifiques, mais nécessaires pour fonder l'espoir en l'autre monde ; - et surtout avec sa doctrine du péché, oeuvre d'une volonté libre illusoire, mais déclarée responsable, en sorte qu'on exige pour le réparer, en union avec le sacrifice du Dieu-Messie, la patience, la résignation, l'humilité, l'obéissance ; tout cela, selon Nietzsche, n'est que manifestation de faiblesse et de dégénérescence, que le prêtre transforme en vertu pour maintenir sa domination sur le peuple des petits et des esclaves en leur faisant accepter volontiers la misère présente dans l'espoir d'un au-delà réparateur.

L'aristocrate décadent et le fou allié.
Il y a là, dans l'oeuvre nietzschéenne, des pages dirigées contre le christianisme, et surtout contre l'Église catholique et ses prêtres, d'une virulence inouïe et d'une profonde injustice ; car ce que Nietzsche attaque, ce n'est pas le prêtre tel qu'il existe, mais tel que lui le crée dans son imagination, supposant sans preuve que les grandes vérités établies par la philosophie du bon sens concernant Dieu et l'âme, ne sont que des illusions, sinon des dogmes inventés avec plus ou moins d'astuce ou d'inconscience par les prêtres assoiffés de domination. Il déclare, il est vrai, que ses opinions ne sont peut-être pas plus vraies que celles qu'il combat, car ce qui l'intéresse, ce n'est pas la vérité objective, mais l'épanouissement et la victoire de son « moi » ; mais il parle en même temps comme si sa doctrine seule était l'infaillible vérité.

D'ailleurs, il n'est ni plus juste ni plus tendre pour les efforts civilisateurs des savants modernes. Ceux-ci, pourtant, imbus de positivisme, semblent les ennemis de l'idéal chrétien ; mais en fait, selon Nietzsche, ou bien ils s'inspirent du même idéal, se contentant de mettre la « Science » à la place de Dieu, ou bien ils ne sont que des médiocres, incapables de renouveler la table des valeurs ; car, s'ils rejettent le christianisme, ils s'installent commodément dans une société fondée sur la démocratie, le libéralisme, la recherche des aises et des richesses ; autant de symptômes de dégénérescence, à l'égal de la foi religieuse.

C’est pour enlever beaucoup de brebis du troupeau que je suis venu. Le peuple et le troupeau s’irriteront contre moi : Zarathoustra veut être traité de brigand par les bergers. Je dis bergers, mais ils s’appellent les bons et les justes. Je dis bergers, mais ils s’appellent les fidèles de la vraie croyance.
In Ainsi parlait Zarathoustra - Friedrich Nietzsche

Un titre sans équivoque.
2) Il faut donc, conclut Nietzsche, briser cette table des valeurs et revenir à la culture des maîtres : c'est la partie positive de sa doctrine que son sosie, le prophète Zarathoustra résume en sa proclamation: « Je vous enseigne le SURHOMME (Übermensch) ». Mais d'abord, il faut noter que cette nouvelle table ne s'adresse pas à tous, mais à quelques êtres d'exception en qui l'humanité trouve sa fin et sa meilleure expression et dont l'apparition exige le travail d'innombrables hommes de condition inférieure, faibles, serviteurs, esclaves en un sens, et par conséquent, malheureux ; pour ces derniers, il convient de garder les consolations de la morale religieuse. Au-dessus de cette foule, les hommes supérieurs se rendent compte de leur situation dans une culture de dégénérés ; et le meilleur moyen pour eux de surmonter leur dégoût est de vivre à plein leur vie pour préparer l'avènement du Surhomme.

Celui-ci ne sera pas, semble-t-il, un être d'une essence nouvelle. « On peut définir le Surhomme, dit Lichtenberger, l'état auquel atteindra l'homme lorsqu'il aura renoncé à la hiérarchie actuelle des valeurs, à l'idéal chrétien, démocratique ou ascétique qui a cours aujourd'hui dans l'Europe moderne, pour revenir à la table des valeurs admises parmi les races nobles, parmi les Maîtres qui créent eux-mêmes les valeurs qu'ils reconnaissent au lieu de les recevoir du dehors ». Il a déjà existé avant la décadence de l'Europe actuelle, parmi les races conquérantes et dominatrices de l'antiquité, les grecs, les romains, les germains ; mais le Surhomme futur profitera de toutes les conquêtes de la science pour dominer la nature elle-même ; et Nietzsche le voit déjà, muni du privilège de la lévitation, parcourant en un clin d’œil ses domaines.

Il y a distinction radicale entre lui et les hommes inférieurs ; ses règles de moralité sont totalement diverses : il a réalisé la « transvaluation de toutes les valeurs (Umwertung aller Werthe) ». Il a pour unique loi l'épanouissement de sa « Volonté de Puissance », c'est-à-dire de cet instinct vital qui tend irrésistiblement en tout être, s'il est sain et vigoureux, à imposer le plus possible sa domination autour de lui. Tout ce qui favorise sa force vitale est par définition vrai et bon. Mais pour suivre cette voie, il doit s'attendre à de grandes douleurs, à une lutte sans trêve contre la foule dont il fait son instrument ; car les petits, par leur nombre ou leur ruse, peuvent très bien parfois vaincre le héros qui tente l'aventure du Surhomme ; sa devise sera donc: « Vivre dangereusement ». Son unique but étant la victoire, il s'interdit comme une faiblesse toute pitié pour les malheureux ; parce qu'il résume en lui l'humanité, il la domine sans remords, et trouve sa joie suprême à triompher. Enfin, il fixe pour jamais sa destinée en acceptant de revivre sans fin sa vie héroïque, suivant la doctrine du « Retour éternel ». Cette hypothèse, Nietzsche l'accueillit d'abord avec effroi ; mais il y vit la conséquence nécessaire de l'immense complexité des événements de notre monde, et il conçut même le dessein - qu'il ne put réaliser - de l'appuyer sur des études scientifiques ; alors, fasciné par ses grandioses perspectives, il l'adopta comme seule digne de répondre au vouloir-vivre du Surhomme.

« Le christianisme nous a frustrés de l’héritage du génie antique, il nous a frustrés plus tard de l’héritage de l’islam » - Friedrich Nietzsche

Il est difficile d'apprécier philosophiquement une doctrine qui se donne comme un « message », une sorte de Révélation. En tant qu'elle met toute la valeur de nos jugements et de nos théories dans leur aptitude à favoriser notre vitalité, elle se rattache au pragmatisme et ne peut en dépasser l'étiage intellectuel assez médiocre. Mais en tant qu'elle proclame la morale inconditionnée du Surhomme, elle illustre par son excès même la tendance foncière de la philosophie moderne à mettre la personne humaine à la place de Dieu en lui transférant tous les droits de l'Être suprême. Une telle hypothèse d'ailleurs ne résiste pas aux premières réflexions du bon sens qui se refuse obstinément à identifier notre pauvre conscience humaine avec l'incomparable Sagesse de Dieu. La valeur littéraire des œuvres de Nietzsche masque peut-être, mais ne détruit pas cette irrémédiable contradiction.




-P. François-Joseph Thonnard, A.A. Précis d'histoire de la philosophie. Desclée de Brouwer. 1966. Pp. 989-992.