lundi 24 décembre 2018

Le Noël oublié

Une nostalgie bien légitime

À cette époque de l’année, il m’arrive d’être triste, non pas de mourir d’ennuyance mais d’être
« L'adoration des bergers » de de Charles-André Van Loo.
chagrin. Gardien farouche du patrimoine et de la tradition au Québec, je n’ai pas cherché dans le présent article à ressusciter le vieil art épistolaire, mais à remuer des souvenirs par un choix de mes meilleures lettres puisées dans mes archives personnelles, documents à connotation familiale.

Par le biais de ces missives, je me suis attardé à recréer le vécu, les soucis, les observations, les espoirs, les doléances de parents et de grands-parents.

Beaucoup d’êtres chers ne sont plus, mais par les souvenirs tangibles, ils restent, dans le creuset de mes pensées, les plus ancrés dans mon esprit.

Avec de vieux amis, je songe souvent à ces souvenirs d’autrefois, bons et moins bons; nous attisons les cendres encore tièdes du passé pour mieux réchauffer, semble-t-il, notre cœur qui se fait grelottant.

Autrefois ce n’est pourtant pas si loin…à peine soixante-dix ans, à peine soixante, mais c’est quand même ‘’autrefois’’ et … en ce moment de recueillement, nous éprouvons le besoin de vous parler de ces Noël de jadis qui ont marqué notre enfance.

Les hommes sont bien méchants s’ils méprisent le passé et se moquent éperdument des traditions qui ont donné à notre vie familiale, à notre vie nationale un charme qui fut un moment de notre histoire et l’une de ses raisons d’être.

Les premiers Canadiens-français ont su tenir et maintenir le flambeau de l’espoir. On vivait de peu; on se contentait de peu. On espérait, on attendait et pour eux la fête de Noël, c’était l’étoile de Bethléem, une étoile d’espérance dans un ciel d’une pureté sans mélange. Voilà de quoi nous sommes émus et voilà ce que nous voulons vous écrire.

Des hommes rudes au cœur d’or


Nous avons connu plusieurs de ces hommes durs, de ces hommes rudes au cœur d’or. Et lorsque nous parlons de cœur d’or, nous ne voulons pas dire qu’ils étaient sans défaut et sans péché, nous voulons dire que le moment venu, au milieu de toutes les épreuves, au milieu de toutes ces misères vécues ensemble, les Canadiens-français s’entraidaient; ils avaient un sens de l’humain et du chrétien qui est en train de disparaître de nos jours.

Pour ces gens simples, le soir de la messe de minuit, comme on disait dans le temps, marquait une étape franchie; marquait pour eux une joie commune capable à elle seule d’effacer toutes les épreuves d’une année.

Je me rappelle, et ma mémoire en est toute remplie, de clartés d’aurore : je veux dire de la première nuit de Noël où je fus jugé assez sage pour accompagner mes parents chez mes grands-parents à Saint-Gérard Magella et de là, on m’amènerait en traîneau à la messe de minuit.

C’était maintenant l’hiver qui s’annonçait. Une épaisse couche de neige recouvrait la terre. Les chemins en étaient encombrés. Pour indiquer les pistes, on bordait le sentier des traîneaux de branches d’arbres plantées dans la neige. C’était beau de voir ces routes blanches s’en allant en zigzag entre deux haies de jeunes sapins. De temps en temps on voyait un traîneau s’aventurer dans cet étroit passage. L’hiver, les passants entendaient une musique vibrante; c’était beau à entendre, lorsque les chevaux au petit trot faisaient sauter sur leurs croupes la bande sonore des grelots.

Ma première messe de minuit


Cette première messe de minuit, cette longue route deux fois parcourues au son des grelots, à une heure inaccoutumée, cette veille de Noël, cette soirée d’hiver est restée dans ma mémoire chargée de lumière et d’étoiles !

Par Edmond-Joseph Massicotte.
C’était une belle nuit limpide et froide, cette soirée du 24 décembre. Les étoiles scintillaient dans le ciel. La neige grinçait sous le traîneau et miroitait comme une nappe diamantée. Nous partîmes de bonne heure pour aller à l’église. Le chemin qui y conduisait, était long de près de trois milles, et la parenté qui voulait communier devait aller, dans la soirée, attendre longtemps et avec dévotion son tour d’entrer au confessionnal.

J’allais enfin voir, à l’heure nocturne où il revient mystérieusement dans sa crèche, l’Enfant-Dieu, tout habillé de lin et de dentelles, l’Enfant-Jésus dont le nom seul passe comme un câlin dans l’imagination des petits.

L’humble église rayonnait de toute la clarté de ses cierges. Et nous écoutions chanter les voix qui clamaient la venue du Messie. Trois cents voix entonnaient d’une voix forte et vibrante tous les beaux refrains des noëls d’antan, dont l’origine se perd dans le passé, « Ça bergers, assemblons-nous, Il est né le Divin Enfant, les Anges dans nos campagnes, Nouvelle Agréable, Adeste Fideles », tous ces cantiques et tous ces airs nous étaient depuis longtemps familiers.

Le Réveillon


Après la messe, la joie était dans tous les cœurs. Le Christ Sauveur est né. Il nous apporte un message d’amour et de partage, semblaient dire toutes les lèvres. Et pendant que les chevaux trottaient sur les routes durcies et que les grelots carillonnaient gaiement, on pensait au réveillon bien chaud qui nous attendait chez grand-mère. Elle avait mis le couvert avant la messe de minuit. En arrivant, elle servit un ragoût d’un fumet surprenant, des pâtés de viande dont la croûte fondait délicieusement, des croquignoles tressées, entortillées d’un goût d’amande, des tartes aux petites fraises des champs sucrées comme du miel. Après le plantureux repas, c’était le réveillon et les conteurs des Belles histoires des pays d’en Haut.

Un tournant radical


Alors qu’auparavant nous vivions d’une façon réfléchie à des besoins culturels et spirituels qui avaient façonné le Québec, de nos jours l’anticléricalisme déguisé sous le clinquant de la laïcité, s’oppose à l’enseignement de l’Église.

Une République laïciste fidèle à son idéologie dite « laïque » refuse toutes références au Noël chrétien qui célèbre depuis des millénaires la nativité de Jésus, représentée traditionnellement par la crèche.

La mémoire religieuse est estampée par un déferlement païen illustré par de stupides Pères Noël joufflus, affligés de gros rires gras et démentiels, se tenant à l’entrée des nouveaux temples de la (sur)consommation. Les mentions de « Joyeuses Fêtes » (quelles fêtes?) s’étalent triomphale-ment en lieu et place du « Joyeux Noël » d’antan qui signifiait la joie de fêter le Verbe fait chair, né de la Vierge Marie et couché dans sa pauvre mangeoire entre le bœuf et l’âne, les deux seuls témoins de la création entière avec Marie et Joseph.

Soyons lucide


Il faut bien le dire puisque c’est la vérité. La grande industrie et le modernisme avec tout son confort et le progrès bruyant nous dévorent, et ce qu’il y a de plus anti-chrétien a commercialisé et paganisé nos fêtes religieuses.

Ce qui avait été jadis notre fierté et notre joie de vivre, de vivre une vie simple, unie et tranquille, de vivre une vie de famille, tout cela est disparu. Deux guerres mondiales atroces, celle de 1914 et celle de 1939, ont contribué à relâcher les liens qui consolidaient, qui maintenaient notre force et notre survivance. Il y a toujours un peuple canadien-français. Cette bonne race n’a pas encore accepté de mourir. Mais il faut admettre tout de même que notre abandon progressif des traditions qui composaient le principe même de notre originalité, et parmi ces traditions, des belles fêtes d’autrefois, nous a fait perdre quelques plumes.

Certes encore, nous tentons de continuer ces traditions de Noël, du Jour de l’An et des Rois. Mais nous croyons que ces fêtes ont perdu de leur puissance d’attraction spirituelle et fraternelle.

On passe les fêtes dans des bars et clubs de nuit le plus souvent, ou dans des établissements de grand chic. On y fait beaucoup de bruit et les bibelots inutiles coûtent de plus en plus cher. Le modernisme nous dévore et nous tue. Le snobisme aussi ! C’est avec tristesse que nous écrivons ces vérités.

On nous traite de passéistes en ce sens, que nous attachons une importance capitale au passé et à certaines traditions que nous voudrions voir renaître comme le feu qui reprend dans ses cendres.

Une lueur d’espoir


« L'adoration des mages » de Charles-André Van Loo.
Lors de la naissance de Jésus, il y avait à Bethléem, des Anges dans le ciel, au dessus des collines. Ces Anges éclatants de lumière emplissaient d'aurore la nuit froide et ils annonçaient aux bergers la naissance de l'Enfant-Jésus; et ils chantaient : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux; Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »

De nos jours, les Anges reviennent près des crèches de Noël, et je sais qu'autour des crèches de nos églises, il y a encore des Anges qui prennent des formes gracieuses et souriantes; ils sont vêtus de blanc; ils ont des yeux clairs et pétillants; et parfois des boucles blondes ou noires encadrent leurs petites têtes éveillées.

Ils prient avec les mains jointes sur leurs petits cœurs fervents; et ils chantent en chœur dans la nuit, « Les Anges dans nos campagnes ». Vous les connaissez bien, vous aussi, chers enfants de chœur, puisque c'est vous-mêmes. Vous devez être bien heureux de prendre, tout près du petit Enfant-Jésus, la place des Anges du ciel !

Approchons-nous chers enfants ! Les clochers, cette nuit pendent du ciel comme des lis, et le son des cloches est suave comme un parfum. Approchons-nous ! Rentrons dans l'église ! Et que j'amène avec moi ce pauvre abandonné qui pleurait là, au coin de la rue, dans sa honte et son dénuement. Et que je lui dise : « Viens-t'en, mon petit frère ! Car c’est la nuit de la naissance de notre Sauveur à tous. »



-LL

vendredi 21 décembre 2018

La Crèche de retour sous l'arbre à Saguenay



Pendant que le diable s'installe lentement dans nos institutions, les canadiens-français fiers de leurs traditions n'hésitent pas une seconde à se réapproprier l'espace public!

Encore une fois cette année, Tradition Québec s'est chargé du culte populaire, dans la ville de Saguenay, pour honorer la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Joyeux Noël de la part de nos militants!

mercredi 19 décembre 2018

Entrevue d'Alexandre Cormier-Denis (Nomos-TV) avec Etienne Dumas (Tradition Québec).


Nomos-TV : « Quel est l'objectif du Mouvement Tradition Québec ? »


Tradition Québec : 
Tradition Québec est une organisation, un mouvement catholique visant à la promotion de l’idéal du Canada français. Nous voulons représenter le Canada français tel qu’il devrait l’être encore aujourd’hui. 
Beaucoup veulent combattre les écarts et torts du mondialisme, fort bien. Mais s’opposer seulement à l’immigration, est-ce la source réelle du problème? L’argument classique à l’immigration est le bas taux de natalité. Pourquoi donc? Parce que la population s’est fait matérialiste. « eux qui font leur Dieu de leur ventre » dit saint Paul. Elle s’est détourné des biens de l’autre monde, en recherchant les biens d’ici bas. C’est le consumérisme. La source du mal moderne est religieux. C’est ce que nous voulons rappeler.

L’heure est à la formation, à la préparation. Il faut renouer avec nos racines, avec notre identité catholique. Elle est garante de notre survie en tant que nation – je crois que ça l’a été assez bien démontré que l’Église catholique nous a permis de résister à l’assimilation.  
Tradition Québec se place dans cet objectif de formation. Mensuellement, nous faisons une journée de formation, sous forme de cercle de lecture militant. Nous étudions en groupe et nous faisons profiter les autres de ce que nous avons appris – de pertinent – depuis la dernière séance. Entre temps, il y a des articles. Parfois des actions, comme dans le cadre du crucifix à l’hôpital Saint-Sacrement (hiver 2017) de Québec, où un de nos militant est allé remettre un crucifix. C’est petit, anodin, - ça nous a valu les critiques du pelleteux de nuage à Bock-Côté, lequel ne fera jamais rien d’autre que d’écrire des articles ne menant à rien de concret - mais je pense que cela a eu un quelconque impact sur la décision finale de remettre le crucifix. Il faut cesser de subir.

Léon XIII disait dans son encyclique Rerum Novarum :

« À qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines. La perfection de toute société consiste, en effet, à poursuivre et à atteindre la fin en vue de laquelle elle a été fondée, en sorte que tous les mouvements et tous les actes de la vie sociale naissent du même principe d'où est née la société. Aussi, s'écarter de la fin, c'est aller à la mort ; y revenir, c'est reprendre vie. »

Nomos-TV : « Votre rapport avec l'Église actuelle ? »


Tradition Québec :  
Plutôt inexistant. Il est certain que quand que nous regardons ce qui s’est fait au concile de Vatican II, ainsi que ce qui s’est fait depuis, on se demande si cette chose qui se revendique comme catholique l’est réellement. Les notes de la l’Église catholique sont : Une, sainte, catholique et apostolique. Considérant cela, il nous est impossible d’accepter cette contre-Église comme étant l’Église catholique. Vatican II est, après tout, aux dires de Ratzinger « Benoit XVI » un contre Syllabus, document du pape Pie IX condamnant les erreurs modernes. Enfin, on voit qu’à chaque semaine, à chaque jour, Bergolio/François dit et fait des choses contraires à la morale catholique. De plus, il s’est fait l’allié objectif du mondialisme. Ceci étant dit, nous nous référons volontiers au magistère catholique, inchangé, de saint Pierre à Pie XII. Donc l’ancienne messe en latin, les catéchismes, la morale contraignante. Ce que plusieurs nomment « la crise de l’Église » est du jamais vu depuis l’arianisme. Saint Jérôme a écrit, à l’époque, « le monde s’est réveillé arien ». Il en est de même aujourd’hui, avec le modernisme, cette hérésie du XXème siècle condamné par saint Pie X en 1907. Cette erreur, que le pape a nommé « l’égout collecteur des hérésies », car celle-ci tient en son sein toutes les autres erreurs du passé. C’est ce qui prévaut à Rome depuis le concile de Vatican II. Nous en tirons un devoir strict, pour tous catholiques, de se tenir à l’écart, car si l’on suit Bergolio dans son enseignement, c’est la ruine. Ce qui est présenté actuellement comme le « catholicisme » est en fait une nouvelle religion née de Vatican II. Elle n’a plus rien de catholique, au regard des siècles derniers. Nouvelle ecclésiologie, œcuménisme, réforme des sacrements, nouvelle messe, etc. Plus rien n’est pareil. C'est donc qu'il est impossible pour un catholique, sous péril de schisme et de coopération à l’hérésie, d'être en union avec cette « Église conciliaire ». Nullam partem.


Nomos-TV : « Qu'est-ce qu'être Contre-révolutionnaire? »

Tradition Québec : 
Comme l’indique le mot, contre-révolutionnaire c’est être contre la Révolution, telle qu’incarné sous forme politique depuis la Révolution française de 1789. Celle-ci tiens ses origines de la Renaissance, puis de la Réforme protestante. C’est les fameux trois R. La Révolution, pour résumer, c’est « L’homme en haut et Dieu en bas ». La Contre-Révolution est « Dieu en haut et l’homme en bas ».

Être « contre » n’est pas la raison d’être. C’est affirmer l’ordre naturel du monde (l’homme naît, l’homme meurt) soutenir le bien commun. « l’ordre naturel est celui qui découle de la nature des choses, telles qu’elles ont été créées ».

Le contre-révolutionnaire soutien l’autorité légitime des parents sur les enfants; le révolutionnaire bafoue cette conception (c’est ce que nous avons constaté dans les régimes révolutionnaires, où les enfants appartient à l’État). La contre-révolution tient dans ces conceptions. Pour élever des enfants, les parents sont les plus disposés, c’est indéniable. Il y a des exceptions, mais celles-ci restent des exceptions.

« La Contrerévolution, c’est le contraire de la Révolution ».


Nomos-TV : « Qui est Rumilly ? »


Tradition Québec :
Robert Rumilly est un français, né en Martinique (son père était officier) en 1897 et mort à Montréal en 1983. Il a habité l’Indochine française. Il fut camelot du roi à l’Action française, en France. Il a émigré en Canada français en 1928. Selon ses propos, il s’est fait canadien-français, embrassant notre histoire et nos aspirations nationales de l’époque – un peu comme Jules-Paul Tardivel né aux États-Unis. Il a beaucoup écrit, et cela va sans dire. Des monographies, des biographies, des livres d’histoire. Il a écrit une colossale histoire de la province de Québec, de 1867 au second gouvernement Duplessis, en 41 volumes. En somme, c’est un auteur de l’école contre-révolutionnaire.

Nomos-TV : « Pourquoi rééditer le livre aujourd'hui ? »

Tradition Québec : 

En effet, on se demande ce qu’a a nous apprendre un livre datant de 1956. 62 ans dans la vie d’un peuple, c’est peu. Toutefois, considérant tous les bouleversements qu’a connu notre nation, c’est beaucoup. En fait dans ce livre, Rumilly décrit la genèse de la Révolution tranquille. Comme toute Révolution, elle n’est pas né le jour de la mort de Maurice Duplessis. Elle a été d’abord préparé dans les intelligences. Rumilly montre, preuves à l’appui, comment le gauchiste – on pourrait dire la révolution – s’est installé chez nous. Comme aujourd’hui, elle a joui de l’apport des syndicats, des « artistes », de professeurs, des médias, et même de religieux tel le père Georges-Henri Lévesque, les abbés Dion et O’Neill. Les gens cités, aujourd’hui décédés, ont des rues, des collèges, des ponts à leur honneur. La revue Cité libre, socialisante et moderniste, Pierre-Elliot Trudeau, Pierre Laporte, le journal le Devoir, Radio-Canada, etc. La Révolution tranquille est la référence ici, le point de départ, comme 1789 en France. Comme en France, il n’y avait qu’une poignée de vrais révolutionnaires à l’époque. Cependant, ils ont placé leurs cartes, infiltré les institutions, puis, peu à peu, placé leurs gens. Dans ceci, ils ont été aidé par l’élément anglophone, dans un optique de « placer des gens éclairés » afin de déchristianiser le Québec. Il y a aussi l’apport, non négligeable de la franc-maçonnerie.

Nomos-TV : « Est-ce que le Canada français a été victime d'un complot ou simplement d'un changement de mentalité de ses élites ? »

Tradition Québec :  
Un peu des deux à la fois. Il y a une conjoncture ici. C’est la résultante de l’installation du libéralisme catholique au Québec, ainsi que de l’hérésie moderniste, condamné par le pape Pie X. Le libéralisme est un fanatisme de la liberté, en tout et partout. Il érige en pseudo dogme « Il a une vérité, c’est qu’il n’y en a pas. » L’énoncée est évidemment contradictoire. Le libéralisme « canadien » voulait être catholique à la maison, neutre en public. Comme s’il y avait une différence réelle entre les deux. Par comparaison, à la maison je ne mentirai pas, mais au travail je mentirai sans arrêt. Et ça le libéralisme, c’est un poison mortel pour l’intelligence. Il n’y a plus rien de vrai, le principe de non-contradiction est inexistant. Une fois que vous en êtes infecté, vous pouvez adhérer à tout, comme les gens d’aujourd’hui qui rejettent le catholicisme, mais qui soutiennent le new age, le yoga, le bouddhisme et qui viennent se créer quelque chose d’intrinsèquement contradictoire. Comme par exemple, Philippe Couillard peut dire « allah akbar », tout en allant à Rome demander à Bergoglio/François de venir au Québec. Quoique ce dernier, libéral lui aussi, est capable de faire pareil (pensons à Karol Józef Wojtyła/Jean-Paul II qui a embrassé le coran). 
Le modernisme, quant à lui, tient ses racines dans le protestantisme. Il a pour fond l’agnosticisme. Il a pour père le kantisme et la philosophie moderne, surtout allemande. Il prône l’immanence. Dieu est dans l’homme, Dieu est une émanation de l’homme. Dieu existe car c’est un besoin pour l’homme. Le modernisme n’use pas des causes de l’existence de Dieu par st Thomas, comme la preuve par le mouvement. Le modernisme résolument anti-thomiste. La religion, la vraie - pour le moderniste - n’est qu’expérience du divin. Celle-ci est intérieure.

Saint Pie X dit dans son encyclique Pascendi, daté de 1907 : « Ils se cachent et c'est un sujet d'appréhension et d'angoisse très vives, dans le sein même et au cœur de l'Eglise, ennemis d'autant plus redoutables qu'ils le sont moins ouvertement. […] imprégnés au contraire jusqu'aux moelles d'un venin d'erreur puisé chez les adversaires de la foi catholique, se posent, au mépris de toute modestie, comme rénovateurs de l'Eglise »

On voit ici que les deux se rejoignent. Quelqu’un qu’on a présenté comme le père de la Révolution tranquille, le père Georges-Henri Lévesque, dominicain, fédéraliste, fondateur de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, était parmi ceux de ces courants d’idées. Sa faculté des sciences sociales étaient dans ce courant. Il faut le dire, ça plaisait bien aux prétentions d’assimilation des anglais, car tout ceci avait pour fin réelle de désarmer le Canada français. Le père Lévesque en soutenant la non-confessionnalité des coopératives, sous le principe qu’on éloigne ce faisant des gens qui pourraient être intéressés, par exemple les protestants ou juifs dans la coopération économique – nuisant au bien commun, car on se prive d’apports supposément bénéfiques -, déclare qu’il n’est pas toujours opportun de manifester le caractère catholique, afin de ne pas choquer, troubler l’ordre social, le bien commun. En affichant une étiquette catholique, on frustrerait les rapports économiques des coopératives. C’est « s’abstenir d’afficher extérieurement tout signe d’appartenance religieuse tout en adhérant intérieurement à la foi »

La revue Cité Libre allait dans le même sens, dès son numéro 1 : « Nous voulons d’un Québec chrétien mais chrétien par le dedans — ce qui est bien plus difficile — et non d’un État politico-religieux qui brime les consciences et caricature, aux yeux des voisins et de ses propres enfants, un catholicisme qui transcende l’Histoire et les régimes politique. Nous demandons un redressement des définitions. Nous demandons que le religieux se nomme le religieux, que le politique se nomme le politique. »
On voit ici la conjoncture. Le père Lévesque revendique ainsi des espaces publics étrangers au catholicisme, donc à notre caractère national de l’époque. Tout ceci arrive à l’époque de l’avant concile Vatican II, où ce qu’on nomme la « nouvelle théologie » avait apparu (retour du modernisme). Évidemment, tout ceci va se concrétiser à Vatican II. Sous ces principes, on évacue le caractère catholique canadien-français (que les Lévesque, abbés Dion et O’Neill, Trudeau et Laurendeau détestent profondément).

Ça nous donne notre Québec moderne. Tout cela, ce n’est qu’un seul élément de toute cette problématique. On peut aussi mentionner la mainmise par les gens de ces idées sur l’Action catholique, laquelle devait nous former une élite catholique, issue de la jeunesse canadienne-française. Fait à noter, le p. Lévesque a eu 3 procès à Rome pour hérésie. Son protecteur romain n’était nul autre que mgr Montini, futur « Paul VI ». Celui qui a fait la « Révolution en chape et tiare », selon les mots de la Haute Vente italienne (franc-maçonnerie). 
Par ailleurs, peut-on voir les premiers balbutiement du multiculturalisme ici ? On oublie qui nous sommes, au profit de qu’est l’autre ? Il y a une même identité entre modernisme et multiculturalisme.


 
Nomos-TV : « Quelle a été l'influence de la revue Esprit au Qc ? »

Tradition Québec :  
La revue Esprit d’Emmanuel Mounier a eu une influence considérable. La revue Cité Libre se faisait surnommé la petite sœur d’Esprit. Cette revue prône le personnalisme, dont je crois que tu as récemment parlé lors d’une vidéo. Elle a aussi influencé le journal le Devoir, l’ex-journal nationaliste fondé par Henri Bourassa. Elle a aussi influencé Radio-Canada, car les gens de Cité Libre, du Devoir et de Radio-Canada étaient à peu près les mêmes, s’invitant tour à tour. Une petite clique gauchiste, se lançant des éloges mutuels. Le personnalisme veut mettre la personne avant l’intérêt commun, le bien commun de la société. Esprit était lu par le père Lévesque et tous les révolutionnaires de l’époque.


Nomos-TV : « Le Devoir semble au centre des préoccupations de Rumilly. Pourquoi ? »

Tradition Québec : 
Effectivement, le journal le Devoir est au centre dans le premier livre. Celui-ci était aussi au centre de la contestation anti-duplessis, prônant des liens étroits avec les régimes socialistes ou communistes. Il était aussi allié avec les dénigreurs officiels de la province de Québec, lesquels versaient leur fiel dans les revues anti-Québec comme le McLean’s de Toronto. Le Devoir tissait les liens les plus forts avec la revue Esprit, afin de faire pénétrer ici les idées « nouvelles. » Le Devoir servait de relais et était beaucoup lu, même dans les presbytères, à cause que ce journal fut le journal nationaliste d’Henri Bourassa.

Nomos-TV : « Qu'est-ce qui a changé depuis la parution du livre? »

Tradition Québec :  
Le Canada français a cessé de lui-même de suivre son idéal de toujours, lequel était d’amener les gens d’Amérique à la connaissance du vrai Dieu. Nous avions aussi un rôle civilisateur, comme la France, fille aînée de l’Église l’a fait avant nous.

La foi catholique a quasiment disparu, en même temps que s’est installé (et maintenant que disparaît) la nouvelle religion issue de Vatican II.

Ce que Rumilly nommait le gauchiste – que nous appelons la Révolution – a pris le contrôle de tous les aspects de la vie en Canada français. Elle a pris le contrôle des institutions. Evidemment, par soucis d’enterrer une fois pour toute le Canada français, elle a nous a légué une histoire biaisée basée sur la haine anti-religieuse.

Au fond, le gauchisme nous a donné une nouvelle identité. Celle-ci, c’est l’anti-Québec, l’anti-Canada français,


Nomos-TV : « Assiste-t-on à un retour d'un autonomisme « de droite » contre une centralisation « de gauche » comme à l'époque de Duplessis ? »

Tradition Québec :  
Semble-t-il que nous retournons à cela. L’autonomisme de Duplessis, c’était le respect intégral du pacte de 1867. L’autonomisme aura été l’anti-chambre de l’indépendance, à mon avis.
Je pense qu’il y a une volonté de faire respecter les droits et intérêts du Québec. C’est bien, mais quels sont ces intérêts? Être plus à gauche que toutes les provinces? Être plus décadent?
Concernant l’immigration, il est juste qu’un territoire puisse contrôler qui rentre et combien vont rentrer. C’est le droit d’un état souverain.
Pour revenir complètement à cette époque, il faudrait revenir à quelque chose de plus précis. Car, ce que nous sommes devenus, ressemble à ce qu’on est un peu partout dans la modernité. Il n’y a pas de spécificité. Il y a la langue, mais pour combien de temps ?Autrement oui, la gauche veut recommencer a saisir le pouvoir fédéral pour contrer les législations du Québec (bonnes ou mauvaises). 

Nomos-TV : « Êtes-vous séparatiste ? »

Tradition Québec :  
Je préfère le terme indépendantiste. Oui, nous le revendiquons, par égard pour notre histoire, notre culture et notre religion. L’expérience nous a démontré que l’union des deux peuples anglais et français, ne peut tenir. Si nous voulons demeurer qui nous sommes, c’est la seule voie possible. 
C’est d’ailleurs une idée qui a germé sous l’hospice du catholicisme, pensons à Jules-Paul Tardivel et à son journal la Vérité. Il a écrit un roman patriotique, intitulé Pour la Patrie, lequel met en scène le Canada français qui doit faire un choix entre renouveler le pacte fédératif de 1867, lequel va assimiler les Canadiens-français à plus ou moins longue échéance. L’autre choix qui se propose est de créer un état catholique sur les rives du Saint-Laurent, l’État de la Nouvelle-France. Sa description fait d’ailleurs penser au fameux discours de l’abbé Groulx : « Notre état français, nous l’aurons ». Cet état se veut résolument enraciné. Pôle dynamique pour toute l’Amérique française. État français portant son âme sur son visage.

mardi 11 décembre 2018

La centralisation fédérale soutenue par les réseaux gauchistes

Voici un extrait du cahier no. 3 de Robert Rumilly, Les socialistes dominent le réseau gauchiste (1959). Si Dieu veut, cet ouvrage sera réédité en 2019 aux Éditions de la Vérité.

-Tradition Québec


La Cour Suprême du Canada.
La démission sinon la trahison nationale des gauchistes se produit à un moment crucial. Car
l'offensive centralisatrice continue, régulière, méthodique, acharnée. C'est à la vie même du Canada français qu'on en veut.

La Cour Suprême joue un rôle important dans cette vaste manœuvre.

La Cour Suprême est une création fédérale, qui date de 1875. C'est le gouvernement libéral d'Alexander Mackenzie - le premier gouvernement libéral occupant le pouvoir à Ottawa depuis la Confédération - qui a réalisé cette première grande mesure centralisatrice. Il porta ainsi la première atteinte à l'autonomie des provinces.

La Cour Suprême est un tribunal fédéral, siégeant à Ottawa, à deux pas des ministères fédéraux, dans une atmosphère éminemment centralisatrice.

J'ai vécu à Ottawa pendant treize ans. Il y a peu, il y a très peu de fonctionnaires qui échappent à cette ambiance centralisatrice. Les hauts fonctionnaires sont les plus facilement emportés par le courant, pour cette raison que la centralisation fédérale augmente leur influence, leur pouvoir, le véritable contrôle qu'ils exercent sur toute la vie du pays. Le simple esprit de corps conduit les fonctionnaires fédéraux, consciemment ou inconsciemment, à désirer la puissance de leur administration, et partant la centralisation fédérale. La Cour Suprême, tribunal fédéral, siège à Ottawa, dans la serre chaude de la centralisation.

Est-il surprenant que la Cour Suprême semble - appliquer à démolir notre législation provinciale, à ébranler le prestige et la force de l'État québécois en abrogeant ses décisions ?

Les exemples abondent depuis quelques années. Ils se multiplient sur un rythme inquiétant. La Cour Suprême a cassé le règlement municipal exigeant l'observance des fêtes d'obligation par les magasins. La Cour Suprême, à la demande de l'avocat socialiste Jacques Perrault, président du Devoir, a brisé la Loi du Cadenas, gênante pour les seuls communistes. La Cour Suprême donne gain de cause au « Témoin de Jéhovah » Roncarelli contre le premier ministre et procureur général de la province. (Et l'abbé Gérard Dion l'approuve et s'en réjouit !) La Cour Suprême casse la décision de la Cour Supérieure qui déclarait la formule Rand - retenue obligatoire des cotisations syndicale - illégale dans notre province parce que contraire a l'esprit de notre Code civil.

La plupart de ces décisions de la Cour Suprême sont prises malgré la dissidence de ses membres canadiens-français. Tout se passe, répétons-le, comme si la Cour Suprême, puissant instrument d'assimilation, s'appliquait à démanteler l'État canadien-français de Québec.

Et nos gauchistes applaudissent. Ils poussent même la Cour Suprême à intervenir, ils la sollicitent d'intervenir. Nos gauchistes s'acharnent contre l'État provincial. comme s'ils voulaient briser les cadres dans lesquels et grâce auxquels les Canadiens français ont conservé leur originalité de peuple. Répétons, car c'est important, que Marcel Rioux, dans Cité Libre, reproche à « l'idéologie clérico-nationaliste » sa thèse favorite, qui est « de renforcer le gouvernement provincial du Québec ». Hier Jacques Perrault faisait abroger la loi du Cadenas. Aujourd'hui - fin avril 1959 - Antoine Geoffrion, l'avocat libéral de gauche qui a remis la Presse entre les mains de Jean-Louis Gagnon, demande l'abrogation de la loi québécoise donnant existence à la Cour des magistrats. L'oubli d'une formalité juridique oblige Antoine Geoffrion à renoncer, au dernier moment. Mais comment n'a-t-il pas honte de son geste !

Mgr Jean-François Hubert, évêque de Québec.
La manœuvre centralisatrice est presque aussi directe et tout aussi dangereuse, voire davantage, sur le terrain de l'éducation.

Le gouvernement libéral. ayant accaparé des sources de revenus qui devraient revenir aux provinces, a distribué des subventions aux universités et créé le Conseil canadien des Arts, pour s'occuper de matières réservées aux provinces par la constitution. Le gouvernement conservateur n'a supprimé aucun de ces empiétements. Il a même augmenté les subventions aux universités.

Le Conseil canadien des Arts, dans l'esprit des centralisateurs. n'est que le noyau, l'embryon d'une très grosse machine. Le Dr B. S. Keirstead, professeur à l'Université de Toronto, demande la création d'une université nationale à Ottawa.

Si l'on me permet de le rappeler, j'ai écrit il n'y a pas si longtemps dans L'infiltration gauchiste au Canada français :

« Nous revenons donc au fameux projet d'institution royale, qui apparaissait au fanatique Ryland, selon ses propres termes, comme « un moyen très puissant de modifier graduellement les sentiments politiques et religieux des Canadiens français ». Nous revenons même un peu plus en arrière, avec le projet d'université nationale, fort analogue au projet de l'évêque anglican Inglis, que Mgr Hubert fit échouer en 1789. Les centralisateurs et leurs instruments ou complices nous ont fait reculer de plus de cent cinquante ans.
« Si un grand sursaut ne secoue pas l'opinion canadienne-française, si nous continuons à glisser sur la double pente du gauchisme et de la centralisation, les étudiants d'aujourd'hui verront, avant la fin de leur carrière, l'instauration d'un ministère de l’Instruction publique à Ottawa. [NDLR : Rumilly visait juste, car ce ministère fut créé et se nomme le Ministère du patrimoine canadien] J'espère que les recteurs, professeurs et étudiants savent ce que cela impliquerait à plus ou moins longue échéance. »

Il y a deux ans que je faisais cette prédiction.

Or il circule aujourd'hui à Ottawa un projet de création d'un ministère de la Culture. Le Droit, bien placé pour savoir ce qui se passe à Ottawa, le signalait dès le 20 décembre dernier. Ce ministère engloberait Radio-Canada, le Conseil des Arts, le Musée National, l'imprimerie Nationale, le Conseil des Recherches et l'Office National du Film. Pour atténuer le coup, ou si vous voulez pour dorer la pilule, le premier titulaire de ce ministère serait un Canadien français. On mentionne Léon Baker ; on cite même Noël Dorion, ce qui est le comble de l'adresse puisque Noël Dorion passe à la fois pour l'un des plus brillants et des plus patriotes parmi nos députés fédéraux.

Le projet ne se réalisera peut-être pas tout de suite. Mais il est dans l'air. Il y a un peu plus de dix ans maintenant que j'en avertis les Canadiens français, mes compatriotes : le but ultime des centralisateurs est de s'emparer de l'éducation. Le jour où ils y réussiront, on pourra sonner le glas dans toutes les paroisses de Québec.

Les milieux atteints par le gauchisme cessent de combattre le mouvement centralisateur. Les gauchistes les plus effrontés le soutiennent. Mon confrère avait-il tort de déceler une trahison nationale ?



-Robert Rumilly, Les socialistes dominent le réseau gauchiste. Montréal. 1956. P. 149-153.

jeudi 6 décembre 2018

Seul un ordre chrétien peut s'opposer à la Révolution

Fait par les soins de Louis-Michel.
Par ses membres les plus lucides, la majorité silencieuse voit plus haut. Elle déplore, ô combien, les triomphes de la Révolution marxiste en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique latine; mais elle sait aussi que ces triomphes n'ont été possibles qu'en raison de la tare libéraliste des politiques [canadiennes] française, « européenne » et « atlantique » ; elle pleure sur les génocides et les assassinats légalisés ; elle s'indigne des projets criminels fomentés par les « internationales » à la solde de la finance « mondialiste » ; elle tremble en suivant, pas à pas, l'avance des forces soviétiques sur l'échiquier du monde ... Mais elle sait que tout cela, toutes ces horreurs ne sont que des conséquences auxquelles on pouvait évidemment s'attendre; car elles ont une seule et même cause : notre propre abandon des valeurs de notre Civilisation et par conséquent le triomphe évident des idéologies ennemies de cette Civilisation.

Certains croient faire leur maximum parce que leur sollicitude dépasse les contingences de la vie courante. Ils contribuent, par exemple, aux secours pour le Cambodge, le Laos, le Biafra, l'Afghanistan ... ; c'est très bien et très utile, mais il faut qu'ils comprennent que leurs gestes charitables ne s'appliquent là qu'à des effets secondaires. En effet, la Révolution, cause de toutes les injustices, misères et tueries, et contre laquelle ils ne font rien directement, n'en continue pas moins à progresser. Ce n'est pas ainsi que l'on pourra réduire les embrasements déjà allumés localement par les violences, les haines, les guerres, et empêcher le monde de devenir un enfer terrestre. Préparons-nous à pire encore... et encore à pire plus tard ... car RIEN NE SERA FAIT tant que les [Canadiens] Français s'abandonneront à leur déroute spirituelle... sur le chemin qui conduit aux goulags.


« À qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines. La perfection de toute société consiste, en effet, à poursuivre et à atteindre la fin en vue de laquelle elle a été fondée, en sorte que tous les mouvements et tous les actes de la vie sociale naissent du même principe d'où est née la société. Aussi, s'écarter de la fin, c'est aller à la mort ; y revenir, c'est reprendre vie. »
-Léon XIII - Encyclique Rerum Novarum


L'ESSENTIEL, le véritable coup d'arrêt contre la Révolution ne sera frappé que lorsque les valeurs fondamentales de notre Civilisation seront en progrès dans les esprits. Quand des laïcs, des non-chrétiens, des « mécréants» auront le bon sens et le courage de revendiquer LEUR civilisation chrétienne en adoptant ses bases morales pour eux-mêmes en même temps qu'ils en feront le fondement de notre société, alors seulement le danger s'écartera.

La concrétisation civique de notre refus de l'anti-civilisation marxiste ou libéraliste sera alors la conséquence de notre accrochage définitif au fondement même de notre civilisation.

Voilà ce que, chacun en son Pays et chacun dans son milieu naturel, nous avons le devoir d'imposer par nos options civiques à tous ceux qui ont une responsabilité sociale, à commencer par ceux qui nous gouvernent.

Un pas en avant - cela est toujours possible - pour faire connaître la vérité, et le second pas sera déjà plus facile; et nous continuerons, à la grâce de Dieu qui sera avec nous, même si, parmi nous, certains ont des difficultés à y croire.



-Colonel Pierre Chateau-Jobert, La Voix du Pays réel. Nouvelles éditions latines. Paris. 1981. P. 116-118.

lundi 3 décembre 2018

La montagne de Gelboé

Cet article, traduit en français par les bons soins de la revue Sodalitium, date de 1994. Le lecteur pourrait croire qu'il a été écrit plutôt récemment, car il est toujours d'actualité.

Nous dédions le texte suivant, extrait de la revue
Sodalitium, à monsieur l'abbé François Pivert (R&R), lecteur assidu - quoique secret - de notre site. Que Dieu lui donne la force d'assumer.
-Tradition Québec


A la fin du Premier Livre des Rois, on peut lire la terrible défaite de l’armée israélienne après une bataille désespérée contre les Philistins. Leur roi Saül était distrait par une obsession de longue date, tuer David, et ce pour la simple et unique raison que David l’avait défait au combat. Prise au dépourvu, l’armée israélienne fut massacrée; Saül, mortellement blessé, se suicida en se laissant tomber sur son épée. Tout cela se passait sur la montagne de Gelboé. Cependant les Philistins combattaient contre Israël; et les hommes d’Israël s’enfuirent devant les Philistins, et tombèrent morts sur la montagne de Gelboé (I Rois, XXXI, 19).
David qui n’avait pas pris part à la bataille fut submergé par le chagrin. Il pleurait Saül son persécuteur parce que c’était son roi. Il pleurait Jonathan son plus cher ami. Il pleurait les hommes valeureux d’Israël tombés sur la montagne. Les illustres, ô Israël, ont été tués sur tes montagnes: comment des forts sont-ils tombés (II Rois, I, 19)?
Le compositeur George Hændel a mis en musique cette scène dramatique de l’Ancien Testament dans l’oratorio intitulé Saül. Ces paroles aux sombres accents d’hymne funèbre, pleurent la perte de la vaillante jeunesse d’Israël:
Pleure Israël, pleure ta beauté perdue
Le meilleur de ta jeunesse fauché à Gelboé!
Tes plus beaux espoirs évanouis!
Quel amoncellement de puissants
guerriers sur la plaine!
Chaque année, en juin et juillet, le prêtre en lisant son bréviaire récite à plusieurs reprises la complainte de David sur les événements de Gelboé:
Montes Gelboë nec ros nec pluvia veniant
Super vos, ubi ceciderunt fortes Israël.
Montagnes de Gelboé, que ni pluies ni rosées ne viennent sur vous, là où sont tombés les braves d’Israël.
La Montagne de Gelboé
Là où sont tombés les braves d’Israël
Lorsque l’on considère qu’Israël dans l’Ancien Testament est la préfiguration de l’Eglise Catholique dans le Nouveau, et que les Philistins, ennemis de longue date des Israélites sont une préfiguration des ennemis de l’Eglise, il est difficile de ne pas faire la comparaison avec notre époque.
Jamais l’Eglise n’a été aussi harcelée par ses ennemis; jamais avec autant de succès. Jamais auparavant l’Eglise n’avait mené un combat aussi décisif contre ses ennemis. C’est vraiment pour elle la montagne de Gelboé.
La bataille est féroce. Les Philistins sont les modernistes naturellement. Les Israélites sont les catholiques fidèles à leur sainte Foi. Là les Philistins s’étaient réunis en une force terrible pour répondre à l’humiliation subie avec le meurtre de Goliath; à notre époque ce sont les modernistes, humiliés sous le règne de Saint Pie X, qui ont assailli l’Eglise avec une vigueur nouvelle.
Cependant les braves d’Israël – les Catholiques fidèles – tombent peu à peu, massacrés dans ce funeste combat.
La constitution d’une grande armée
Un dimanche de novembre 1964, au retour de la Messe dominicale, je me rappelle avoir été sérieusement démoralisé. C’était le premier dimanche de l’Avent, et les premiers changements opérés par Paul VI avaient été introduits dans la Messe. Plus de prières au bas de l’autel, plus de dernier Evangile. La Messe dialoguée avait été introduite, et quelques hymnes aux consonances protestantes avaient résonné à nos oreilles. Toutes choses qui ont été largement dépassées par les standards actuels d’aberration liturgique; mais instinctivement, je me rendis compte alors que quelque chose de profond n’allait vraiment pas dans l’Eglise Catholique. Magré mes quatorze ans, je sentis que la religion protestante s’était infitrée dans l’Eglise Catholique.
Ma vie ne devait plus jamais être la même. Le désarroi intérieur provoqué en moi par les changements ne fit qu’empirer avec le temps. Les changements s’ajoutaient les uns aux autres; l’Eglise – ou ce qui semblait l’être – était toujours plus protestantisée.
En 1967 j’entrai au séminaire diocésain pour suivre mes études secondaires. Naïvement j’avais pensé que le séminaire serait un paradis d’orthodoxie et de conservatisme par rapport à la paroisse libérale. En fait, à ma grande tristesse, je découvris dès le premier jour que c’était tout le contraire. Je me rappelle avoir été horrifié en entendant des séminaristes plus âgés réclamer le mariage pour les prêtres entre autres changements libéraux.
Vers 1970 je compris que je ne serais jamais capable de tenir une fonction dans le contexte de Vatican II, de sa religion du futur. Je me rendis compte alors de ce qu’allait devenir la religion du Novus Ordo – exactement ce qu’elle est maintenant. Les séminaristes libéraux de cette époque sont maintenant prêtres ou évêques, et il faut s’attendre à bien davantage encore de leur part.
Saul attaquant David.
Avec quelques autres séminaristes nous nous sommes mis à la recherche de diocèses plus conservateurs. En ce temps-là tout ce que nous recherchions ou espérions était un certain conservatisme, un petit abri où résister à la tempête du libéralisme. Presque tous les conservateurs pensaient que l’orage serait bientôt passé, à partir du moment où le Saint-Père, Paul VI à l’époque, aurait réalisé ce que tramaient les méchants libéraux, et les aurait châtiés. Nous pensions tous: Le Saint-Père ignore tout de ce qui se passe – voilà quelle est la raison du libéralisme. – Chaque année le séminaire devenait plus libéral; et tous les ans je me disais, “C’est pour l’an prochain, ça va craquer”. Ca n’a jamais craqué.
Dans la tête de tout conservateur il y avait toujours l’idée implicite que les libéraux étaient de vrais catholiques, mais qu’ils se laissaient entraîner. Une fois qu’ils auraient vu que les changements n’allaient pas, ils feraient marche arrière.
C’est au cours de ces années-là qu’avec d’autres séminaristes, nous nous mîmes à fréquenter la Fordham University dans le Bronx pour écouter les conférences du Dr von Hildebrand sur les changements.
Je fus introduit par le Dr William Marra, bien connu aujourd’hui. Je lisais également le magazine Triumph et toutes les publications traditionnelles ou conservatrices sur lesquelles je pouvais mettre la main.
Mais rien n’y faisait. Tout allait de mal en pis.
Finalement, fin 1970, un de mes camarades séminaristes eut l’idée d’écrire à The Voice, journal traditionnel publié dans le nord du comté de New York, pour demander si quelqu’un aurait entendu parler de l’existence d’un séminaire traditionnel quelque part dans le monde. La lettre fut publiée. Un prêtre du nom de Father Ramsey répondit. Il disait ne rien connaître de valable aux Etats Unis, mais il avait entendu parler d’un petit séminaire tout récemment fondé, en Suisse, par un Archevêque français. En outre, cet Archevêque devait venir aux Etats Unis au printemps prochain.
Intéressé évidemment, j’écrivais à cet Archevêque et, assez rapidement, recevais une aimable réponse. Il venait en mars et serait heureux de me rencontrer ainsi que d’autres séminaristes intéressés. Cette rencontre avec Mgr Lefebvre eut lieu à New York le lundi 15 mars 1971. Encore une fois ma vie prenait un tournant décisif.
Cette conversation avec Mgr Lefebvre contenait en germe toutes les forces et tous les problèmes qui seraient le partage du mouvement traditionnel dans le futur.
Son Excellence était en chemin pour Covington, Kentucky, où elle devait rencontrer un autre membre de la Congrégation du Saint-Esprit, l’Evêque de Covington.
L’Archevêque entama la conversation en nous montrant l’approbation qu’il avait obtenue du Diocèse de Fribourg pour la Fraternité. Il était donc clair qu’il avait l’intention de travailler à l’intérieur de la structure du Novus Ordo. A l’époque aucun d’entre nous n’aurait jamais pensé agir diversement – nous cherchions seulement un refuge, un endroit où pouvoir être catholique et nous occuper de nos propres affaires.
Dans la suite de la conversation cependant, Monseigneur Lefebvre expliqua qu’il était nécessaire dehaïssais la Nouvelle Messe, l’idée de conserver la traditionnelle me troublait. Considérant que Paul VI était le Pape, ce que nous pensions tous à l’époque, comment pouvais-je lui résister sur ce point? Je me rappelle que l’un des séminaristes lui souleva cette objection. L’Archevêque donna une vague réponse concernant sa légalité, et il insista davantage sur la nécessité de conserver la Messe traditionnelle pour sauvegarder la Foi. Il avait évidemment raison mais la question de la légalité demeurait, déconcertante et troublante.
conserver la Messe Latine exclusivement, et que c’était la messe en usage dans son séminaire. Quoiqu’heureux à l’idée de retrouver la Messe Latine traditionnelle, car je 
Cette conversation faisait présager tous les événements qui se dérouleraient par la suite. Le désir de collaborer avec le Novus Ordo allait finalement entrer en conflit avec la résolution de maintenir la Messe traditionnelle et la Foi Catholique en général. L’Archevêque, et avec lui la Fraternité, allait passer vingt-cinq ans d’agonie à essayer de marier ces deux éléments contradictoires: le Novus Ordo et la Foi Catholique. Et parce que le Novus Ordo est promulgué par le “pape”, l’Archevêque et la Fraternité chercheront une voie moyenne impossible entre reconnaître en lui l’autorité du Christ et résister en lui à l’autorité du Christ.
Ces deux tendances contradictoires de Monseigneur Lefebvre, travailler avec le Novus Ordo d’un côté et de l’autre préserver la Foi Catholique, seront à l’origine des deux factions qui prendront naissance à Ecône: la ligne des mous, les libéraux qui préféreront le compromis avec la Foi Catholique dans le but d’obtenir l’approbation du Novus Ordo, et la ligne des durs qui préféreront abandonner tout espoir d’approbation de la part du Novus Ordo plutôt que de compromettre la Foi.
Comme je le disais il y a dix ans dans un article intitulé The Crux of the Matter, Monseigneur donna aux deux factions des motifs d’espérance. Certaines déclarations et certains actes se rangeaient du côté des mous, d’autres du côté des durs. Le résultat fut que chaque parti pouvait se vanter d’être l’interprète des idées et des tendances de Monseigneur.
En fait celui-ci suivait une voie qui n’était ni celle de l’un ni celle de l’autre parti. La méthode qu’il préconisait pour résoudre la crise de l’Eglise consistait à mettre sur pied une grande armée de prêtres traditionalistes qui seraient envoyés partout dire la Messe; par leur Messe et leur apostolat ils auraient attiré les catholiques. Le Novus Ordo périra faute de vocations, pensait-il, et rapidement le Vatican et les évêques devront capituler devant le fait que les seuls prêtres à demeurer seront traditionalistes. Bon gré mal gré ils devront retourner à la tradition. Par ailleurs, Monseigneur sentait qu’il était absolument nécessaire de préserver la doctrine catholique, la liturgie et la pratique et par conséquent de résister à l’autorité du Novus Ordo, c’est-à-dire, en particulier à Paul VI.
De ce double propos naquit la seule solution possible: “le filtrage”. Reconnaître l’autorité du Novus Ordo comme l’autorité catholique, mais passer au filtre ses doctrines, ses lois et sa liturgie pour retenir ce qui est catholique et rejeter ce qui ne l’est pas.
Aussi Monseigneur Lefebvre chercha-t-il à former des séminaristes qui acceptent cette solution et, bien entendu, regardent la Fraternité – c’est-à-dire lui – comme l’autorité habilitée à jouer ce rôle de “filtre”. C’est ainsi que prit naissance le “culte de Monseigneur”. Incapables de résoudre le problème de l’autorité, les séminaristes considéraient Monseigneur Lefebvre comme le porte-parole exceptionnel de Dieu dans cette crise. Rome n’était plus un problème du moment que Monseigneur était là pour en interpréter la pensée et pour nous conduire entre les divers obstacles modernistes qu’elle suscitait.
De 1970 à 1975, ces trois courants, ligne des durs, ligne des mous et ligne de Monseigneur se développèrent parallèlement et n’eurent que de rares accrochages d’ordre mineur. Les “durs” faisaient connaître ouvertement leurs opinions sédévacantistes vis -à-vis de Paul VI. Ils ne voyaient pas non plus la nécessité de cacher leur allégeance au Bréviaire et aux rubriques de Saint Pie X , et partout dans le séminaire, on pouvait voir des séminaristes avec ces bréviaires.
En classe, les “durs” bataillaient contre les professeurs de tendance moderniste; un certain anglais bien connu, maintenant évêque, menait la troupe. Les “mous” défendaient les professeurs et harcelaient les “durs”. Monseigneur Lefebvre restait généralement en dehors.

De ce double propos naquit la seule solution possible: “le filtrage”. Reconnaître l’autorité du Novus Ordo comme l’autorité catholique, mais passer au filtre ses doctrines, ses lois et sa liturgie pour retenir ce qui est catholique et rejeter ce qui ne l’est pas.
En 1974, le Vatican décida d’effectuer une enquête sur Ecône et envoya des Visiteurs interviewer enseignants et séminaristes. Prévoyant que le rapport serait mal reçu, Monseigneur Lefebvre fit sa fameuse Déclaration qui plut beaucoup aux “durs” et fut un coup pour les “mous”. Un an plus tard, en mai 1975, Paul VI interdisait la Fraternité. Monseigneur Lefebvre décida de résister et maintint ouvert son séminaire d’Ecône. Les “durs” jubilaient, pleins d’enthousiasme pour cette nouvelle guerre ouverte avec le modernisme plus particulièrement localisé au Vatican. Ils n’avaient rien à faire de l’interdiction, considérant les actes de Paul VI comme nuls et non avenus.
Pour les “mous” c’était la tempête. Beaucoup quittèrent Ecône. Ceux de la ligne de Monseigneur se turent et continuèrent loyalement à le suivre.
Les événements, de 1975 à 1978, firent présager le triomphe des “durs”. Monseigneur semblait abandonner tout espoir, et même tout désir de se réconcilier avec le moderniste Montini. Il parlait de l’église de Vatican II comme d’“une église schismatique” et de la nouvelle Messe comme d’une “ Messe bâtarde”. A ce moment-là il semblait que la dichotomie du Monseigneur Lefebvre des années précédentes se soit résolue avec la décision logique et cohérente de poursuivre la guerre avec le Novus Ordo. La Fraternité aurait été la grande armée de l’Eglise Catholique face à ses ennemis modernistes, les Philistins, à l’intérieur des murs, les murs du Vatican principalement. Elle aurait attiré les vocations du monde entier, les aurait formées selon l’esprit de l’Eglise catholique et anti-moderniste pour les renvoyer ensuite sur les champs de bataille de tous les coins de la terre. Le futur s’annonçait brillant, sûr, glorieux.
C’est alors qu’eut lieu un événement qui fit la joie de beaucoup de gens: Paul VI cessa de vivre. C’était le 6 août 1978.

L’embrassement fatal
Les quelques jours concédés à Luciani étant écoulés, c’est l’actuel et apparemment immortel Wojtyla qui fut élu, en octobre 1978, comme troisième “pape” de Vatican II.
Monseigneur voulut voir le nouveau “pape”. La rencontre eut lieu peu de temps après l’élection de Wojtyla. Au cours de cette conversation historique, Wojtyla déclara à Mgr Lefebvre qu’il pouvait continuer tout en “acceptant le Concile à la lumière de la tradition”, formule que Monseigneur avait toujours utilisée jusqu’alors dans sa tentative de coexistence avec “le Novus Ordo”. Cela signifiait: pour Monseigneur, évaluer le Concile pour en retenir seulement ce qui était catholique; pour Wojtyla, avoir une autre couleur dans le spectre des idées. Pour Monseigneur Lefebvre c’était la reprise des espoirs, nourris avant le pontificat de Paul VI, de recevoir l’approbation de la part du Novus Ordo ; pour Wojtyla, c’était le moyen de réintégrer les traditionalistes dans une “High Church”. Pour Mgr Lefebvre c’était l’espoir d’obtenir une chapelle latérale traditionaliste à l’intérieur de la cathédrale moderniste; pour Wojtyla également.
Cet espoir de réconciliation les ayant réunis, Wojtyla donna à Monseigneur une accolade fatale. La guerre était finie.
Du moins celle-là. Après cette entrevue, il ne restait à Monseigneur qu’une chose à faire: transformer la ligne dure de sa Fraternité rangée en ordre de bataille en un instrument de compromis plein de souplesse. Le dialogue allait être l’ordre du jour pour les années à venir, et il avait besoin derrière lui d’un clergé qui travaille, non pas l’épée mais la plume en main, à la signature d’un traité de paix avec les saboteurs du catholicisme.
Il s’ensuivit un règne de terreur à l’intérieur de la Fraternité. Convaincu qu’il avait désormais à mettre sur pied une armée de dialogueurs et de gens disposés au compromis pour faire aboutir sa longue recherche en vue de l’approbation du Vatican moderniste, Monseigneur réalisa qu’il devait ou convertir ou éliminer l’opposition. C’est ce qu’il fit avec une décision implacable et même cruelle. Le sédévacantisme fut banni. Il vous fallait ou bien reconnaître que Jean-Paul II était pape, ou bien vous en aller et vivre dans l’exil et la pauvreté.
A la grande joie des mous, tout dur de la Fraternité fut systématiquement démoli, soit par la conversion obtenue par des pressions, soit par l’expulsion. C’est avec l’expulsion des quatre prêtres italiens que se conclut le procédé en 1986, et pas un de ceux qui considéraient Wojtyla comme l’ennemi ne demeura à la Fraternité. La voie était dès lors ouverte pour un compromis qui permettrait la coexistence, la chapelle latérale dans la Cathédrale moderniste de l’Œcuménisme.
En dépit de l’échec de la réunion d’Assise, et malgré d’autres crimes œcuméniques outrageants de la part de Wojtyla, les négociations avec l’ennemi poursuivirent leur cours jusqu’au jour fatidique du Protocole : 5 mai 1988, fête de Saint Pie V, quelle coïncidence!
Après des mois de négociation avec Ratzinger, un document considéré comme préparatoire avant le dernier accord définitif plus formel, fut présenté à la signature de Monseigneur Lefebvre. Dans ce fatidique Protocole, comme on l’appelle, Monseigneur Lefebvre
  1. promettait fidélité à Jean-Paul II et au corps des évêques du Novus Ordo;
  2. il était d’accord pour accepter le chapitre 25 de Lumen Gentium, reconnaissant ainsi Vatican II comme l’enseignement de l’Eglise catholique sans aucune réserve;
  3. il acceptait le dialogue avec le Vatican sur des points disputés à Vatican II, la nouvelle liturgie, les problèmes disciplinaires, en “évitant toute polémique”, autrement dit en abandonnant la dénonciation publique d’erreur;
  4. il reconnaissait la validité de la Nouvelle Messe et des nouveaux sacrements tels qu’ils étaient promulgués par Paul VI et Jean-Paul II dans leurs éditions officielles, ce qui implique qu’il s’agit là de rites Catholiques promulgués par l’Eglise ne pouvant donc être invalides;
  5. il reconnaissait le Code de Droit Canon qu’il avait de sa propre bouche déclaré rempli d’erreurs sinon d’hérésies.
En retour Ratzinger concédait à la Fraternité une place dans ce que Monseigneur Lefebvre avait toujours appelé “l’église conciliaire”. De plus, il était d’accord pour suggérer au “Saint Père” de nommer un évêque choisi parmi les membres de la Fraternité. En outre encore le Vatican acceptait de constituer une “Commission de la Tradition” pour aider à sauvegarder les pratiques traditionnelles.
Le lendemain même, le 6 mai, Monseigneur Lefebvre violait l’accord à peine accepté en disant à Ratzinger que si le “Pape” n’avait pas nommé un évêque et préparé le Mandat Apostolique (la permission de consacrer) à la mi-juin, il procéderait sans plus attendre à la cérémonie. Il avançait comme raison le fait que remettre l’événement à plus tard causerait chez les traditionalistes une sentiment de désillusion. De plus, ajoutait-il, “hôtels, moyens de communication, tentes immenses à monter pour la cérémonie, devraient être retenus”.
Ratzinger et Monseigneur se rencontrèrent le 24 mai. Ratzinger assura Monseigneur que le “Saint Père” choisirait un évêque dans la Fraternité et qu’il approuverait une consécration faite le 15 aôut, quarante-cinq jours seulement après le 30 juin tant désiré. Monseigneur répondit par deux lettres, l’une à Ratzinger, l’autre à Wojtyla; il insistait sur le nombre trois pour les évêques, sur la date du 30 juin pour la consécration, et il demandait que la “Commission pour la Tradition” comporte une majorité de membres de la Fraternité.
Ratzinger répondait le 30 mai en insistant sur les termes du Protocole du 5 Mai, et sur la soumission de l’Archevêque au “Pape” en ce qui concernait la consécration. Le 2 juin Monseigneur répondait en dénonçant l’esprit de Vatican II, et il annonçait à Ratzinger qu’il avait l’intention de procéder à la consécration le 30 juin, se réclamant de la “permission” accordée par Rome pour le 15 août.
Les tergiversations continuaient. Le 15 juin, Monseigneur Lefebvre donnait une conférence de presse dans laquelle il déclarait que Jean-Paul II n’est pas catholique, qu’il est excommunié, qu’il est en dehors de l’Eglise, mais qu’il est néanmoins le chef de l’Eglise. Le 16, il disait à un journaliste qu’il changerait d’opinion si Jean-Paul II – qui la veille n’était même pas catholique – approuvait ses quatre évêques.
Le 30 juin Monseigneur Lefebvre consacrait ses quatre évêques. Le 2 juillet Jean-Paul II l’excommuniait lui et tous ceux qui le suivent.
Les deux visages de l’Archevêque
Le déroulement de ces tractations avec le Vatican moderniste montre de façon évidente qu’il y avait en Monseigneur Lefebvre deux aspects opposés, capable chacun de dicter sa propre théorie distincte et contradictoire ainsi que son propre mode d’action.
D’un côté il y avait la foi de Monseigneur. Je le connaissais depuis de nombreuses années et je peux attester du fait que, de cœur, il était profondément catholique, anti-libéral, anti-moderniste. Il détestait les changements de Vatican II, et, comme nous tous, aspirait au retour de la Foi catholique.
D’autre part il y avait la diplomatie de l’Archevêque. Il y croyait fermement, et, bien entraîné dans cet art pour avoir été Délégué Apostolique, il pensait pouvoir résoudre les problèmes de l’Eglise au moyen de la diplomatie.
Libérée des considérations diplomatiques, sa foi resplendissait, enflammée par sa force d’âme. Les énonciations qu’il faisait dans ces moments d’humeur non-diplomatique et sans calcul étaient excellents. Ils étaient exactement ce dont l’Eglise avait besoin: une simple déclaration sans ambiguïté de la vérité, une dénonciation directe des modernistes, un programme fort d’action positive contre eux au moyen de la formation et de l’ordination de prêtres traditionnels. C’est dans ce dernier aspect que réside toute la grandeur de Monseigneur Lefebvre.
Par contre, lorsque la diplomatie dictait ses pensées et ses actions, une toute autre personne se faisait jour. Prêt à faire de honteuses capitulations pour atteindre son but, il offrait en pâture aux modernistes des affirmations ambiguës, espérant qu’ils s’en contenteraient pour lui assurer une place à la table moderniste. Par exemple, tout en ne voulant rien savoir de la Nouvelle Messe, il accepta officiellement d’autoriser la célébration d’une Nouvelle Messe dans la vaste église parisienne de Saint-Nicolas-du-Chardonnet:
Le Cardinal [Ratzinger] nous fait savoir qu’il serait alors nécessaire d’autoriser la célébration d’une Nouvelle Messe à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Il insiste sur l’existence d’une seule église, celle de Vatican II. Malgré ces déceptions, je signe le Protocole du 5 mai. (1)
Sous l’influence de la diplomatie, son courage habituel se transformait en une faiblesse indicible et craintive devant les adversaires de l’Eglise. Ainsi en 1974, c’est en réalisant que sa brillante Déclaration était une gaffe diplomatique, qu’il avait présenté comme excuse au Cardinal Seper, excuse indigne de sa foi et de sa force, qu’elle avait été composée dans un moment de colère.
A Ratzinger, dans une tentative d’amener le Vatican à approuver les consécrations espérées, il avançait comme raison que les “tentes étaient déjà louées”, comme si ces consécrations n’étaient guère davantage qu’une réception de mariage.
Pensait-il réellement que le Vatican se laisserait toucher par une histoire de tentes? Pensait-il vraiment que l’inconvénient de décommander les tentes avait quelque chose à voir avec l’affaire du moment? Bien sûr que non. En réalité Monseigneur savait dans son cœur que Jean-Paul II n’était pas plus pape que vous et moi, et ses relations avec lui n’étaient pas la traduction d’un esprit de soumission à son “autorité” mais plutôt une tentative pour obtenir de Wojtyla ce que Wojtyla pouvait donner: une apparence de légitimité.
La preuve en est dans la position qu’il exprima aux quatre futurs évêques le 28 aôut 1987, juste avant que commence le long processus des négociations finales: “La Chaire de Pierre”, leur écrit-il, “et les positions d’autorité à Rome sont occupées par des antéchrists” (2). Comment pouvait-il honnêtement mener des négociations avec ces antéchrists s’efforcer d’obtenir d’eux la reconnaissance, de façon à travailler de concert avec eux? On se le demande. Comment pouvait-il appeler Vicaire du Christ celui qu’il condamnait comme antéchrist?
La réponse réside dans les deux visages de Monseigneur Lefebvre.
Comme deux disques aux enregistrements différents qui tournent en même temps, les deux aspects de Monseigneur Lefebvre, celui de la foi et celui de la diplomatie, pouvaient se manifester simultanément, parfois le même jour, dans ses déclarations, dans ses prises de position et dans ses actes.
LES DEUX VISAGES DE MONSEIGNEUR LEFEBVRE
D’UN COTE:
LETTRE DE MONSEIGNEUR LEFEBVRE
JEAN-PAUL II, POUR DEMANDER 
RECONNAISSANCE ET COEXISTENCE 
– 8 mars 1980 (cf. Itinéraires, août 1982, pp. 22-23)
Séminaire International Saint Pie X,
8 mars 1980
Très Saint Père,
Afin de mettre fin à des doutes qui
se répandent actuellement soit à Rome, 
soit dans certains milieux traditionalistes 
d’Europe et même d’Amérique concernant 
mon attitude et ma pensée vis-à-vis du 
Pape, du Concile et de la Messe du Novus 
Ordo et craignant que ces doutes ne 
parviennent jusqu’à Votre Sainteté, je 
me permets d’affirmer à nouveau 
ce que j’ai toujours exprimé:
1) Que je n’ai aucune hésitation sur la
 légitimité et la validité de Votre
élection et qu’en conséquence je ne puis
 tolérer que l’on n’adresse pas à Dieu les
prières prescrites par la Sainte Eglise pour
Votre Sainteté. J’ai dû déjà sévir et continue
de le faire vis-à-vis de quelques séminaristes
et quelques prêtres qui se sont laissés
influencer par quelques ecclésiastiques
étrangers à la Fraternité.
2) Que je suis pleinement d’accord avec le
jugement que Votre Sainteté a porté sur le
Concile Vatican II, le 6 novembre 1978 à la
réunion du Sacré Collège: “que le Concile
doit être compris à la lumière de toute la
Sainte Tradition et sur la base du magistère
constant de la Sainte Eglise”.
3) Quant à la Messe du Novus Ordo,
malgré toutes les réserves qu’on doit faire
à son égard, je n’ai jamais affirmé qu’elle
est de soi invalide ou hérétique.
Je rendrais grâce à Dieu et à Votre Sainteté,
si ces claires déclarations pouvaient hâter
 le libre usage de la Liturgie traditionnelle
et la reconnaissance par l’Eglise de la 
Fraternité sacerdotale Saint Pie X ainsi 
que de tous ceux qui, souscrivant à ces 
déclarations, se sont efforcés de 
sauver l’Eglise en perpétuant sa Tradition.
Que Votre Sainteté daigne agréer
mes sentiments de profond et filial respect
en Jésus et Marie.

Marcel Lefebvre

ancien Archevêque de Tulle
DE L’AUTRE:
EXTRAIT DE LA DECLARATION DE 
MONSEIGNEUR LEFEBVRE DU 2 août 
1976 (cf. Itinéraires, n° spécial avril 1977, 
La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre
pp. 175-177, 8ème édition)
D’autre part il nous apparaît beaucoup 
plus certain que la foi enseignée par l’Eglise
 pendant vingt siècles ne peut contenir d’erreurs,
 qu’il n’est d’absolue certitude que le 
pape soit vraiment pape. L’hérésie, le schisme, l’excommunication ipso facto, l’invalidité 
de l’élection sont autant de causes qui, 
éventuellement, peuvent faire qu’un pape 
ne l’ait jamais été ou ne le soit plus. Dans 
ce cas évidemment très exceptionnel, 
l’Eglise se trouverait dans une situation 
semblable à celle qu’elle connaît après le 
décès d’un souverain pontife.
Car enfin un problème grave se pose à 
la conscience et à la foi de tous les catholiques
 depuis le début du pontificat de Paul VI. 
Comment un pape vrai successeur de Pierre, 
assuré de l’assistance du Saint-Esprit, peut-il 
présider à la destruction de l’Eglise, la plus 
profonde et la plus étendue de son histoire 
en l’espace de si peu de temps, ce qu’aucun 
hérésiarque n’a jamais réussi à faire?
Tous ceux qui coopèrent à l’application de ce bouleversement, acceptent et adhèrent à 
cette nouvelle Eglise conciliaire comme la 
désigne Son Excellence Mgr Benelli dans la 
lettre qu’il m’adresse au nom du Saint Père, 
le 25 juin dernier, entrent dans le schisme.
Une armée qui combat pour la coexistence avec les hérétiques
On entend souvent dire que s’il n’y avait pas eu Monseigneur Lefebvre, il n’y aurait pas de mouvement traditionaliste du tout, pas de prêtres, pas de Messe traditionnelle, rien.
Cette affirmation est en grande partie vraie. Remarquons qu’il est impossible de dire ce qu’auraient fait d’autres évêques si le mouvement traditionnel n’avait pas été “pris en mains” par Mgr Lefebvre. Il est aussi permis de penser que certains évêques peuvent s’être éloignés, effrayés par ce qu’ils percevaient comme une position essentiellement non-catholique consistant à affirmer que Wojtyla a l’autorité de Pape, et à l’ignorer dans le même temps. Du fait de cette position impossible de Monseigneur Lefebvre, presque tout le mouvement traditionnel porte sur son visage une flétrissure non-catholique. C’est à Monseigneur Lefebvre cependant qu’il appartient d’avoir conçu l’idée d’une grande armée de prêtres disséminés dans le monde entier qui travaillent d’une manière cohérente et unifiée contre le clergé moderniste. C’est à lui que revient le mérite d’avoir mis en place un système pour réaliser ce but avec la fondation de séminaires et l’implantation de nombreuses maisons religieuses, d’écoles, de couvents et de noviciats. C’est encore à lui que revient le mérite d’avoir formé une armée bien équipée, du moins sur le plan matériel et organisationnel.
Grâce à cette prouesse matérielle et organisationnelle, ainsi qu’au charisme qui lui attirait naturellement tant de gens, il entraîna derrière lui presque toutes les vocations à la prêtrise de ceux qui résistaient aux changements. La création d’Ecône en 1970 fut l’appel au clairon des troupes de l’Eglise pour la dernière bataille avec les puissances des ténèbres, avec les portes de l’enfer. Beaucoup répondirent à l’appel et continuent à y répondre. C’est la jeunesse choisie d’Israël dans la bataille féroce contre les Philistins.
Cependant comme lors de la bataille sur la montagne de Gelboé, notre jeunesse d’élite est en train de se faire massacrer et l’armée de se faire battre par les Philistins.
Car aussi lontemps que l’armée des prêtres résistant au modernisme ne réalise pas que les Philistins sont l’ennemi, elle sera anéantie.
En effet si c’est à Monseigneur Lefebvre que revient le mérite d’avoir levé et équipé cette armée de prêtres, c’est également à lui que revient la responsabilité d’avoir entraîné ces prêtres – ainsi que les simples laïcs qu’ils assistent – dans le piège du grand ennemi. Ce piège de l’ennemi consiste à appâter la résistance au modernisme en la faisant passer pour une branche traditionnelle de la religion moderniste, une “High Church”, sur le modèle du rameau conservateur de l’anglicanisme.
Ce piège, cette “solution” du problème de Vatican II et de ses réformes sert parfaitement les fins du modernisme. Comme l’araignée dans sa toile, il capture ainsi virtuellement à l’intérieur de sa religion réformée, hérétique, toute résistance que pourrait lui opposer le catholicisme. Il la capture, il lui pose ses conditions, la contient et la dévirilise. L’Eglise “catholique” serait alors aux yeux du monde entier semblable à l’Eglise d’Angleterre, une église où l’adhésion à la Foi catholique serait réduite à la pompe liturgique et où la “croyance catholique” serait en communion avec l’hérésie. Un tel système réduit l’Eglise catholique à une secte, car elle ne peut prêter le nom de catholique aux hérétiques modernistes et en même temps s’appeler la véritable Eglise du Christ.
C’est pourtant la solution que les lefebvristes voient aux problèmes de l’Eglise: coexistence des modernistes et des catholiques dans la même Eglise, au sein de laquelle ils auraient leurs églises et nous les nôtres, tous sous le même pape qui serait le Saint-Père tant des hérétiques que des catholiques.
Cette attitude n’est pas de Dieu. Jamais dans l’histoire de l’Ancien ou du Nouveau Testament, Dieu n’a fait de compromis avec ses ennemis. Jamais Il n’a permis le mélange de fausses religions avec Sa doctrine sacrée. C’est même, en fait, pour cette raison, parce qu’il cherchait toujours à mélanger sa foi divinement révélée avec les religions païennes des peuples voisins, que dans l’Ancien Testament le peuple élu était continuellement châtié.
Non, ou bien Vatican II est de Dieu, ou bien il n’est pas de Dieu. Ou bien les changements apportés par ce Concile viennent du Saint-Esprit ou ils ne viennent pas du Saint-Esprit. S’ils viennent du Saint-Esprit, ils doivent être alors acceptés et notre résistance est péché. S’ils ne viennent pas du Saint-Esprit, c’est qu’ils viennent du démon et il n’existe qu’une réponse de l’Eglise dans ce cas, c’est l’anathème, mille fois l’anathème et l’excommunication de tous les hérétiques. Pas de coexistence avec l’hérésie et les hérétiques. Réclamer une telle coexistence, c’est réduire l’Eglise à une secte, comme celles des protestants.

L’esprit de “négociation avec Rome” continue à faire son chemin à l’intérieur de la Fraternité. Le terme même sonne schismatique car les catholiques ne négocient pas avec Rome, ils se soumettent à Rome.
 
La résistance que nous opposons à Vatican II et à ses changements n’a donc pas pour but l’obtention d’une chapelle latérale traditionnelle à l’intérieur de la grande cathédrale moderniste. Non, notre voix s’élève pour rejeter et dénoncer l’hérésie, c’est la voix de la foi contre ces hérétiques qui ont envahi nos édifices sacrés et les ont remplis de l’abomination hérétique.
Monseigneur Lefebvre a pourvu ses prêtres de tout excepté de la théologie adéquate pour distinguer les ennemis de l’Eglise; il a formé une armée qui ne sait pas où est l’ennemi. Ils combattent pour la “reconnaissance” par les “autorités” modernistes. Ils cherchent à être absorbés par les Philistins, pas à les vaincre. Ils veulent travailler avec le modernisme à l’intérieur de Vatican, et non l’en extraire. Ils combattent pour la coexistence avec les modernistes, pour le partage de la même Eglise avec les hérétiques.
L’esprit de “négociation avec Rome” continue à faire son chemin à l’intérieur de la Fraternité. Le terme même sonne schismatique car les catholiques ne négocient pas avec Rome, ils se soumettent à Rome. Peu de temps après les consécrations de 1988, Monseigneur Lefebvre déclarait que les négociations continuaient, et qu’il se pouvait que dans cinq ans tout soit résolu. Récemment encore nous avons entendu parler de nouvelles négociations, de nouveaux pas vers Wojtyla. Veritas Splendor, la dernière encyclique de Wojtyla, a fait l’objet de l’éloge du Recteur d’Ecône (!) qui l’a qualifiée “d’anti-libérale, anti-œcuménique, anti-collégiale” “ne nécessitant aucune révision”.
La racine du problème
La raison pour laquelle la Fraternité poursuit la voie de la négociation avec les modernistes, avec pour but ultime d’être absorbée par eux, c’est qu’elle considère que Wojtyla a l’autorité papale. Elle sent la nécessité de se soumettre à lui, d’être reconnue par lui, pour être soumise au Christ, pour être reconnue par le Christ. Car l’autorité papale est l’autorité du Christ.
Cependant, dans le même temps, à la Fraternité, ils regardent presque tout ce que dit ou fait Wojtyla comme hérétique, erroné, scandaleux ou dangereux pour les âmes. Ils disent ouvertement qu’un catholique ne peut pas survivre spirituellement au Novus Ordo. C’est-à-dire que la Messe et les sacrements, la doctrine et la discipline qui nous ont été donnés officiellement par le Pape (Pape à leurs yeux) sont tellement nocifs pour les âmes que c’est pour elles une cause de mort spirituelle.
Devant ce danger de mort spirituelle pour les âmes, la Fraternité considère qu’elle a carte blanche pour continuer tout l’apostolat qu’elle veut dans n’importe quel diocèse du monde. Dans le même temps, elle poursuit les négociations avec l’agent de mort spirituelle, dans l’espoir de pouvoir travailler coude à coude avec lui dans les diocèses, comme le fait la Fraternité Saint-Pierre.
Que la Fraternité abandonne cette position insoutenable et adopte la position catholique, et elle deviendra alors la véritable et courageuse armée de résistance qu’elle aurait toujours dû être.
Leur position est absurde parce qu’avec leur façon de voir ils combattent la véritable Eglise catholique dont ils veulent faire partie. Mais les catholiques ne combattent pas leur Eglise, ils s’y soumettent parce qu’elle est indéfectible et infaillible. Elle est l’Eglise du Christ, et son autorité est l’autorité du Christ.

Il est donc impossible que l’autorité catholique – l’autorité du Christ – prescrive pour l’Eglise catholique tout entière des doctrines, des disciplines, des Messes ou des sacrements erronés ou fauteurs de mort; telle est la position catholique. Puisque les réformes de Vatican II sont fausses et cause de mort, il est impossible qu’elles procèdent de l’autorité catholique, l’autorité du Christ. Il est par conséquent impossible que Wojtyla ait l’autorité papale qu’il prétend posséder. Il ne représente pas l’Eglise catholique. Les réformes de Vatican II ne nous viennent pas de l’Eglise catholique.
La conclusion pratique de la position catholique est évidente: il ne peut y avoir de compromis avec les hérétiques des chancelleries vaticane et épiscopales. Il est du devoir de l’Eglise de dénoncer les modernistes et les imposteurs qui prétendent avoir l’autorité catholique, et de pousser les catholiques à ne pas leur donner de crédit, à leur refuser le nom de catholique. Cette dénonciation de leur fausse autorité est essentielle à l’indéfectibilité de l’Eglise, car l’Eglise serait défectible si elle acceptait comme catholiques les doctrines, disciplines et liturgie non-catholiques qui sont émanées de Vatican II, de Montini et de Wojtyla.
La Fraternité Saint-Pierre, une fille de Monseigneur Lefebvre
Les effets désastreux de la diplomatie de Monseigneur Lefebvre et de la fausse ecclésiologie sur laquelle elle est basée, on les voit dans la Fraternité Saint-Pierre et dans la Messe de l’Indult. La seule et unique raison pour laquelle nous avons et l’une et l’autre est que Monseigneur Lefebvre les a demandées et a travaillé dur pour les obtenir.
L’idée d’une congrégation religieuse travaillant à l’intérieur des structures diocésaines du Novus Ordo, tout en conservant dans le même temps la Messe et la théologie traditionnelles, a été, dès le début, le rêve de Monseigneur Lefebvre. Ce rêve se réalisa lorsque le Protocole fut posé devant lui pour qu’il y appose sa signature. Il obtenait enfin ce que, si longtemps et grâce à une habile diplomatie, il avait cherché à obtenir et projeté. Et si l’on peut dire que, sans Monseigneur Lefebvre, nous n’aurions aucun prêtre traditionaliste, on peut également dire que, sans Monseigneur Lefebvre, nous n’aurions pas de Fraternité Saint-Pierre ni de Messe avec Indult. Je crois qu’avec le temps, Fraternité Saint-Pierre et Messe de l’Indult supplanteront la Fraternité Saint-Pie X. C’est une question de bon sens: si Wojtyla est le Pape et Vatican II un vrai Concile catholique, comment pouvons-nous logiquement leur résister alors qu’ils nous offre une niche traditionaliste? Comment pouvons-nous dire logiquement que leurs doctrines sont erronées ou leur liturgie fauteuse de mort? Evidemment nous ne le pouvons pas. Avec la Fraternité Saint-Pierre, “vous tuez la poule et vous avez les œufs”, c’est-à-dire que vous avez la tradition et Wojtyla en même temps. Si vous vous en tenez à la Fraternité Saint-Pie X, vous demeurez avec le problème constant et lancinant de l’autorité. L’“autorité du Christ” a excommunié la Fraternité Saint-Pie X. Que peut-elle apporter comme réponse à ce problème si ce n’est que “l’autorité du Christ se trompe”?



Leur position est absurde parce qu’avec leur façon de voir ils combattent la véritable Eglise catholique dont ils veulent faire partie. Mais les catholiques ne combattent pas leur Eglise, ils s’y soumettent parce qu’elle est indéfectible et infaillible. Elle est l’Eglise du Christ, et son autorité est l’autorité du Christ.

Nous constatons aussi la chute de la vaillante jeunesse de l’Eglise dans le nombre significatif de défections de la Fraternité Saint-Pie X. Lorsque des prêtres quittent ce groupe, c’est toujours vers la gauche qu’ils s’orientent, c’est-à-dire toujours plus près du Novus Ordo via la Fraternité Saint-Pierre ou l’Indult. Jamais ils ne s’éloignent du Novus Ordo. Voilà qui en dit long sur la formation qu’ils reçoivent dans les séminaires lefebvristes.
Le Père John Rizzo en est un exemple. C’était l’un de mes séminariste à Ridgefield. Il était très dur à l’époque sur ses positions théologiques, et ne voulait rien avoir affaire avec le Novus Ordo. A l’heure actuelle nous lisons qu’il a été accepté dans un diocèse du Novus Ordo et qu’il travaille avec les modernistes. Que s’est-il passé? Simplement dix ans de lefebvrisme. Pendant ces dix ans on lui a inculqué que la position dure des “neuf mauvais prêtres” [qui quittèrent le Fraternité en 1983, n.d.r.] était schismatique parce qu’ils ne reconnaissaient pas le Pape. Eh bien, chapeau à vous de la Fraternité Saint-Pie X pour avoir pris en charge un bon séminariste et l’avoir ruiné, car il n’a rien fait d’autre que de mener à leur conclusion logique vos positions théologiques! Si vous n’abandonnez pas vos positions inconsistantes et dangereuses, vous verrez le fiasco du Père Rizzo se multiplier à grande échelle.
Aucune base logique pour l’apostolat
Car aussi longtemps que la Fraternité reconnaîtra à Wojtyla la pleine possession de l’autorité papale, elle n’offrira aucune base logique qui justifie son apostolat.
Lorsqu’un prêtre exerce cet apostolat en temps normal, il ne peut pratiquer aucune activité sacerdotale sans y être autorisé par l’autorité compétente, autrement dit l’évêque du diocèse. C’est cette autorisation qui fait que la Messe du prêtre et ses sacrements sont catholiques, c’est en tant qu’administrés par un agent dûment autorisé de l’Eglise catholique. C’est ce défaut d’autorisation qui fait de la Messe grecque orthodoxe une Messe non-catholique: bien que validement ordonné et bien qu’il dise une Messe valide, le prêtre n’agit pas au nom de l’Eglise catholique mais contre elle.
Quand le prêtre traditionaliste exerce sa fonction, donc qu’il dit la Messe et distribue les sacrements sans la permission de l’évêque du lieu, il doit justifier d’une façon ou d’une autre le fait de le faire sans autorisation. La seule justification possible qu’il pourrait présenter est la suivante: “l’Eglise veut que je le fasse”. Aucune autorité ne l’a autorisé à dire la Messe et à distribuer les sacrements, aussi doit-il avoir un argument cohérent et convainquant pour dire que l’Eglise – en dernière instance le Christ – veut qu’il fasse ainsi.
Mais si le prêtre traditionaliste dit que l’autorité est revêtue par Wojtyla ou l’évêque du lieu, comment peut-il alors mettre en avant que l’Eglise veut qu’il exerce un apostolat non-autorisé? Si l’autorité du Christ repose dans l’évêque du lieu, comment donc l’autorité du Christ peut-elle vouloir que le prêtre traditionaliste agisse contre l’évêque du lieu? Si c’est en Wojtyla que réside l’autorité du Christ, comment le Christ peut-il désirer qu’un groupe de prêtres exerce un apostolat au mépris de Wojtyla? Le Christ est-il contre le Christ?
Regardons aussi l’autre face de la médaille? Si l’autorité du Christ ne réside pas en Wojtyla, comment donc le Christ, ou l’Eglise, autorise-t-Il l’apostolat de ceux qui affirment avec insistance que Wojtyla l’hérétique est véritablement le Pape? Comment le Christ, ou l’Eglise, peut-il désirer l’apostolat de prêtres qui cherchent à amener les fidèles dans le troupeau des faux bergers, des bergers hérétiques? De prêtres qui dénoncent comme schismatiques ceux qui ne reconnaissent pas les faux bergers?
Tout cela pour dire qu’il n’est pas possible de séparer l’autorité de l’Eglise de l’autorité du Christ, non plus que séparer l’autorité de l’Eglise de l’Eglise elle-même. C’est une seule et même chose. On ne peut donc prétendre représenter l’Eglise catholique si l’on agit contre son autorité. On ne peut pas non plus prétendre représenter l’Eglise catholique si l’on reconnaît une fausse autorité. Là où est Pierre, là est l’Eglise. Si votre apostolat n’est pas celui de Pierre, votre apostolat n’est pas celui de l’Eglise, ni celui du Christ. Reconnaître comme Pierre celui qui condamne votre apostolat c’est condamner par conséquent de votre propre bouche votre propre apostolat.
Ce fait de reconnaître l’autorité du Pape d’un côté mais d’“agir pour son propre compte” de l’autre, a été un signe révélateur de nombreux hérétiques et schismatiques. C’était l’attitude des Jansénistes et des Gallicans, celle également des Vieux Catholiques. Elle fut condamnée par le Pape Pie XI:
A quoi sert de proclamer à haute voix le dogme de la suprématie de Saint Pierre et de ses successeurs? A quoi sert de répéter et répéter la profession de foi en l’Eglise catholique et d’obédience au Siège Apostolique si les actions démentissent les paroles? En outre, le fait que l’obédience soit reconnue comme un devoir ne rend-elle pas la rébellion encore plus impardonnable? Et qui plus est, l’autorité du Saint-Siège ne s’étend-elle pas à l’approbation des mesures qu’elle s’est trouvée dans l’obligation de prendre, ou bien est-il suffisant d’être en communion de foi avec le Siège Apostolique sans y ajouter la soumission de l’obéissance; n’est-ce pas là une chose qui ne peut être soutenue sans dommage pour la foi catholique?… En réalité, vénérables frères et très chers fils, il s’agit de reconnaître l’autorité (de ce Siège) sur vos églises aussi, et pas seulement en ce qui regarde la foi, mais également en ce qui concerne la discipline. Qui le nie est hérétique; qu’il soit anathème celui qui, tout en le reconnaissant, s’y refuse obstinément (Quæ in patriarchatu, 1er septembre 1876; au clergé et aux fidèles de rit chaldéen).
Et nous ne pouvons passer sous silence l’audace de ceux qui, ne supportant pas la saine doctrine, prétendent que: “Quant à ces jugements et à ces décrets du Siège Apostolique dont l’objet regarde manifestement le bien général de l’Eglise, ses droits et sa discipline, on peut, du moment qu’ils ne touchent pas aux dogmes relatifs à la foi et aux mœurs, leur refuser l’assentiment et l’obéissance, sans péché et sans cesser en rien de professer le catholicisme. (Enc. Quanta Cura, 8 décembre 1864)
La position de la Fraternité n’est donc pas une position catholique. Que pratiquement toute la jeunesse de l’Eglise, les vaillants d’Israël, aient eu le crâne bourré de principes non-catholiques dans leur combat contre le modernisme, voilà qui est rien moins qu’un désastre. Cela signifie qu’il n’y a aucune voix vraiment catholique de résistance au modernisme, mise à part celle de ces quelques prêtres disséminés dans le monde qui dénoncent les modernistes comme privés d’autorité.
C’est, pour l’Eglise, la montagne de Gelboé.
Une fausse notion de l’Eglise
Le problème de fond de la Fraternité et de ses membres est qu’ils travaillent à partir d’une fausse notion de l’Eglise. Ils considèrent l’élection de Wojtyla par un collège de cardinaux du Novus Ordo, et de là ils concluent qu’il est un pontife légitime.
Et comme la difficulté d’être en communion avec un hérétique ne leur échappe pas non plus, ils disent que Jean-Paul II est à la tête de deux églises: l’une, l’Eglise conciliaire et l’autre, l’Eglise catholique. Parfois il parle et agit en tant que chef de l’Eglise conciliaire; parfois il parle et agit en tant que chef de l’Eglise catholique.
Comment savoir ce qui est de l’une ou de l’autre? Par Monseigneur Lefebvre qui a reçu de Dieu la mission de peser les faits et les paroles de ces papes modernistes, et de nous dire ce qu’il faut croire, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut penser. Maintenant que Monseigneur est mort, cette autorité est passée à l’abbé Franz Schmidberger.
De ce principe on devrait tirer la conclusion logique que l’infaillibilité et l’indéfectibilité de l’Eglise catholique, le dépôt de la Foi, le salut de tous les fidèles sont entre les mains de l’abbé Franz Schmidberger. L’Eglise catholique, la Foi catholique, la validité des sacrements, ce que nous devons croire pour être sauvés, tout est confié au jugement de l’abbé Franz Schmidberger.
On pourrait comparer ce type d’ecclésiologie, ou de théologie de l’Eglise, aux “différentes sonneries” des lignes téléphoniques. Pour l’arrivée d’un fax, vous avez une sonnerie; pour un coup de téléphone, une autre. Ainsi, par analogie, si Wojtyla dit quelque chose de catholique, vous recevez de la Fraternité un certain son de cloche; s’il dit quelque chose de moderniste, vous recevez de la Fraternité un autre son de cloche.
Inutile de dire que non seulement un tel système est absurde mais qu’il réduit à zéro l’infaillibilité de l’Eglise catholique. Dans un système de ce genre l’autorité n’est plus le Pape, mais le Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, pour le présent l’abbé Franz Schmidberger.
Leur système est défectueux en ce sens qu’ils ne comprennent pas que c’est la détention de l’autorité papale qui fait que le pape est Pape. Cette autorité garantie par le Saint-Esprit en matière de doctrine, morale, liturgie et discipline générale, ne peut pas prescrire pour l’Eglise de fausses doctrines ou de mauvaises lois que le fidèle serait dans la nécessité de rejeter, auxquelles il devrait nécessairement résister. Mais en général, le mouvement traditionaliste porte en soi le rejet systématique des doctrine, morale, liturgie et discipline générale du Novus Ordo, au point d’avoir mis en œuvre un apostolat en opposition avec celui du “pape” et des évêques de diocèse. Il agit ainsi parce qu’il a saisi, à juste titre, que doctrine, morale, liturgie, et discipline générale du Novus Ordo sont condamnées par l’enseignement antérieur de l’Eglise catholique romaine. Mais alors, s’il est nécessaire de résister à leurs doctrine, morale, liturgie et discipline générale, il faut en conclure que ces “papes” ne détiennent pas véritablement l’autorité papale et qu’ils ne sont donc pas de vrais papes. Et ce, quel que soit le procédé électoral qui les a désignés pour cette charge. Car l’élection ne fait que les désigner pour recevoir le pouvoir, elle ne leur donne pas le pouvoir lui-même. Le pouvoir vient du Christ: c’est pour cette raison même que notre soumission au Pape est une soumission au Christ.
Considérer, cependant, que les “papes” du Novus Ordo sont de vrais Papes – ce que pense la Fraternité – revient à identifier l’Eglise catholique avec eux, car là où est Pierre, là est l’Eglise. Mais identifier l’Eglise catholique avec eux établit une sorte d’attraction gravitationnelle exercée sur les membres de la Fraternité par Jean-Paul II et sa religion. De toute façon, par une voie ou par une autre, la Fraternité doit réintégrer le giron de Wojtyla. Cette attraction gravitationnelle vers le Novus Ordo considéré comme l’Eglise est responsable du libéralisme des prêtres de la Fraternité et des nombreuses défections en faveur du Novus Ordo ou de la Fraternité Saint-Pierre.
Cette notion de deux Eglises, une catholique, une autre conciliaire, n’est pas conforme à la réalité. La réalité est que Wojtyla fut élu pour être un Pape catholique, et qu’il prétend être le Pape catholique. Il ne prétend à rien d’autre, qu’à être le chef de l’Eglise catholique. La réalité, c’est qu’il essaye de flanquer les structures de l’Eglise catholique d’une nouvelle religion, le modernisme. Du fait même qu’il tente de remplacer la Foi catholique par une nouvelle religion, il est impossible qu’il possède l’autorité papale qu’il prétend avoir, ou semble avoir, ou qu’il était désigné pour avoir. Pourquoi? Parce que la nature de l’autorité est d’amener la communauté à ses propres fins. Et l’une des fins essentielles de l’Eglise catholique étant le mantien de la Foi catholique, quiconque tente de mettre obstacle à cette fin ne peut être tenu pour détenteur de l’autorité de l’Eglise catholique qui est l’autorité du Christ. Il est par conséquent impossible que ces papes de Vatican II soient de vrais papes, car ils veulent pour les structures de l’Eglise catholique une fin essentiellement désordonnée.
La Fraternité ne regarde qu’aux structures externes de l’Eglise, elle remarque la continuité qu’elles présentent entre les périodes pré-conciliaire et post-conciliaire, et elle en conclue que le Novus Ordo est l’Eglise catholique. Le clergé moderniste est de fait en possession des structures catholiques, mais cela ne signifie pas qu’il représente l’Eglise catholique.
C’est ainsi que la Fraternité est la proie d’une attraction fatale vers la hiérarchie moderniste en possession de nos édifices catholiques. Cette attraction fatale est dévastatrice, car elle fait de leur combat un combat pour obtenir la reconnaissance de la part des modernistes. Cette “légitimité” que les modernistes peuvent accorder n’a rien d’une légitimité, elle n’en a que l’apparence, et aux dépens de la pureté de la Foi catholique. Pourtant la Fraternité est éblouie, hypnotisée par ce vain espoir de “légitimité”, un peu comme le daim égaré sur une autoroute qui, ébloui, s’arrête le regard fixé sur les phares d’une voiture lui arrivant droit dessus et rencontre ainsi une fin tragique.
Face à cette tentative inique des modernistes de mettre en œuvre ce plan qui consiste à remplir de leurs abominations nos églises catholiques, il est du plus solennel devoir des catholiques de les dénoncer comme de fausses autorités, et donc de prendre une position catholique qui préserve l’infaillibilité et l’indéfectibilité, une position qui refuse d’identifier l’Eglise catholique avec une fausse hiérarchie investie d’une fausse autorité.
L’avenir du mouvement traditionaliste
Qu’on le veuille ou non, l’avenir du mouvement traditionaliste est en grande partie lié à celui de la Fraternité Saint Pie X, ou du moins à ses membres actuels. En ce temps de crise pour l’Eglise, ce sont eux qui ont les vocations au sacerdoce et, en tant que tels, ils sont les vaillants d’Israël.
Comme un missile expédié hors de sa trajectoire par une mise à feu manquée, ces vocations, prêtres et séminaristes, progressent à pleine vitesse en direction d’une réconciliation avec les ennemis de l’Eglise. Rien ne pourrait plaire d’avantage aux modernistes, et au démon. C’est presque toute l’énergie, toute la puissance de la foi catholique concentrées en une arme qui s’est enrayée.
Que plusieurs membres de la Fraternité finissent par se rendre au Novus Ordo sous une forme ou sous une autre, voilà qui est inévitable. Il est probable que la Fraternité concluera un accord avec le Novus Ordo, qu’elle obtiendra la “reconnaissance” en des termes considérés par elle comme plus acceptables que ceux de l’accord avec la Fraternité Saint-Pierre, et qu’elle se trouvera ainsi absorbée par la religion moderniste. A mon avis, un tel accord devrait provoquer la défection d’environ 20% de leurs adhérents actuels qui quitteront et se regrouperont, mais seulement pour redémarrer le même processus. Ils reprendront le flambeau du lefebvrisme, d’une absurde théologie de l’Eglise, un pied dans chacune des deux religions, catholique et moderniste, continuant à filtrer documents et décrets du Vatican. Et, inévitablement, ce noyau des 20%, tensions et forces de contradiction le feront éclater une nouvelle fois.


Et, inévitablement, ce noyau des 20%, tensions et forces de contradiction le feront éclater une nouvelle fois.

Le véritable avenir du mouvement traditionaliste qui est aussi l’avenir de la réponse catholique à l’ennemi moderniste, se trouve dans une position catholique vis-à-vis de l’autorité papale et de la nature de l’Eglise catholique. Voilà pourquoi je considère qu’il est de la plus urgente et suprême nécessité que nous, prêtres et laïcs qui ne voulons pas de compromis avec l’ennemi, travaillions de concert à l’établissement de séminaires catholiques. Et il n’est pas moins important que des jeunes gens issus de nos “paroisses” renoncent aux multiples attraits du monde et s’offrent à l’Eglise pour le saint sacerdoce.
Si nous manquons à ce devoir – former des prêtres catholiques adéquatement et correctement préparés – nous aurons manqué devant Dieu à n’avoir pas protégé notre bien le plus précieux, notre foi catholique. Et ce trésor sacré qui nous a été transmis avec un soin jaloux par nos ancêtres, au prix parfois de leur propre sang, aura été, par notre négligence, jeté comme des miettes aux chiens modernistes.
Nous ne pouvons pas nous soustraire au devoir de former des prêtres catholiques qui à notre époque pensent juste, savent qui est l’ennemi de l’Eglise, savent où il se trouve et qui veuillent le combattre avec une ardeur zélée et sacrée plutôt que de signer un compromis avec lui. Si nous manquons à ce devoir, nous recevrons ce que nous méritons: ces chapelles et ces écoles que nous avons préservées avec tant de soin et de peine du modernisme seront prises en mains par des prêtres – même s’ils sont validement ordonnés – qui ont trahi la pureté de la foi catholique en se faisant reconnaître par les hérétiques modernistes.
Un appel à la Fraternité Saint-Pie X
Vous avez presque toute la valeureuse jeunesse de l’Eglise dans vos rangs. Dans vos séminaires, vous les avez formés à penser que la coexistence avec la hiérarchie moderniste est la solution aux problèmes de l’Eglise. A cause de cela vous avez donné naissance à la Messe de l’Indult et à la Fraternité Saint-Pierre et à d’autres organisations de même nature.
Vous continuez à dialoguer avec les hérétiques, vous efforçant d’être réabsorbés par eux. Vous dénoncez comme schismatiques tous les prêtres déclarant que les hérétiques n’ont pas d’autorité sur les catholiques. Vous les avez persécutés, chassés, calomniés, et réduits en de nombreux cas à la pauvreté et à la misère.
Encore maintenant votre organisation gémit sous les tensions des contradictions inhérentes à votre position et abrite, à l’intérieur de ses murs, “libéraux” et “conservateurs” qui se définissent en fonction du prix qu’ils mettent pour le compromis avec les hérétiques modernistes considérés par eux comme la véritable autorité de l’Eglise catholique romaine.
Maintenant qu’approche votre Chapitre de juillet et l’élection de votre nouveau Supérieur Général, laissez tomber une fois pour toutes votre désir de coexistence avec les hérétiques. Déclarez la guerre une fois pour toutes à ceux qui ont détruit notre foi. Dénoncez-les comme hérétiques et adoptez la position catholique considérant que ne peuvent avoir reçu du Christ la mission de diriger l’Eglise ceux qui imposent à l’Eglise une foi différente. La première mission de l’Eglise catholique, avant toute autre, est de témoigner de la vérité. Notre Seigneur a dit: “C’est pour cela que je suis né, et c’est pour cela que je suis venu en ce monde, pour témoigner de la vérité”. Si Vatican II n’est pas la vérité, et vous savez qu’il ne l’est pas, celui qui l’enseigne comme vrai à l’Eglise ne peut avoir reçu du Christ la mission d’enseigner la vérité.
Cessez de vous emparer des jeunes de l’Eglise qui se présentent à vous pour être instruits et d’en faire les apôtres d’une impossible théologie qui les amène à embrasser le Novus Ordo.
Cessez d’être la Gelboé de l’Eglise dans son combat contre les Philistins.
Soyez plutôt David contre l’Eglise des Philistins. Prenez une position catholique contre les ennemis de l’Eglise, une position claire, droite, simple. Dénoncez l’ennemi comme ennemi, et armés non pas de diplomatie humaine mais de force divine, abattez le Goliath du Novus Ordo.
FRATERNITAS, FRATERNITAS,
CONVERTERE AD DOMINUM DEUM NOSTRUM
Par l’abbé Donald J. Sanborn