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Mgr de Ségur en compagnie de sa mère,
la célèbre Comtesse de Ségur |
La Révolution, préparée par le paganisme de la
Renaissance, par le protestantisme et le voltairianisme, est
née en France, à la fin du siècle dernier ; les sociétés secrètes, déjà puissantes à cette époque, présidèrent à sa naissance.
Mirabeau et presque tous les hommes de 1789, Danton
et Robespierre, et les autres scélérats de 1793, appartenaient
à ces sociétés. Ensuite, le foyer révolutionnaire s’est déplacé
; il s’est transporté en Italie, et c’est de là que la Vente, ou
Conseil suprême, dirige, avec une prudence de serpent, le
grand mouvement, la grande révolte dans l’Europe entière.
On ne vise qu’à l’Europe parce que l’Europe est la tête du
monde.
La Providence a permis que, dans ces dernières années,
quelques documents authentiques de la conspiration révolutionnaire
tombassent entre les mains de la police romaine. Ils
ont été publiés, et nous en donnons ici quelques extraits.
La Révolution va nous dire elle-même, par l’organe de
ses chefs connus:
- qu’elle a un plan d’attaque général et organisé ;
- que, pour régner, elle veut corrompre, et corrompre systématiquement
;
- qu’elle l’applique principalement à la jeunesse et au clergé
;
- que ses armes avouées sont la calomnie et le mensonge ;
- que la franc-maçonnerie est son noviciat préparatoire ;
- qu’elle cherche à s’affilier les princes eux-mêmes tout en
voulant les détruire ;
- enfin, que le protestantisme est pour elle un précieux
auxiliaire.[3]
Le plan général. – Ce plan est universel ; la Révolution
veut miner, dans l’Europe entière, toute hiérarchie religieuse
et politique. « Nous formons une association de frères
sur tous les points du globe ; nous avons des vœux et des
intérêts communs ; nous tendons tous à l’affranchissement
de l’humanité ; nous voulons briser toute espèce de joug.
L’association est secrète, même pour nous, les vétérans des
associations secrètes. »
[4]
« Le succès de notre œuvre dépend du plus profond mystère,
et, dans les Ventes, nous devons trouver l’initié, comme
le chrétien de l’Imitation, toujours prêt à aimer à être inconnu
et à n’être compté pour rien. »
[5]
« Afin de donner à notre plan toute l’extension qu’il doit
prendre, nous devons agir à petit bruit, à la sourdine, gagner
peu à peu du terrain et n’en perdre jamais. »
[6]
Ce n’est pas une conspiration ordinaire, une révolution
comme tant d’autres ; c’est la Révolution, c’est-à-dire la désorganisation fondamentale, qui ne peut s’opérer que graduellement
et après de longs et constants efforts. « Le travail que
nous allons entreprendre n’est l’œuvre ni d’un jour, ni d’un
mois, ni d’un an : il peut durer plusieurs années, un siècle
peut-être ; mais, dans nos rangs, le soldat meurt et le combat
continue. »
[7]
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Le pape Pie IX: le prisonnier du Vatican |
L’Italie, à cause de Rome ; Rome, à cause de la papauté,
voilà le point de mire de la conspiration
[8] sacrilège. « Depuis
que nous sommes établis en corps d’action et que l’ordre
commence à régner, au fond de la Vente la plus reculée comme
au sein de la plus rapprochée du centre, il est une pensée
qui a toujours profondément préoccupé les hommes qui aspirent
à la régénération universelle : c’est l’affranchissement
de l’Italie, d’où doit sortir, à un jour déterminé, l’affranchissement
du monde entier. Notre but final est celui de Voltaire
et de la Révolution française : l’anéantissement à tout jamais
du catholicisme et même de l’idée chrétienne, qui, restée debout
sur les ruines de Rome, en serait la perpétuation plus
tard. »
« C’est d’insuccès en insuccès qu’on arrive à la victoire.
Ayez donc l’œil toujours ouvert sur ce qui se passe à Rome.
Dépopularisez la prêtraille par toute espèce de moyens ; faites
au centre de la catholicité ce que nous tous, individuellement
ou en corps, nous faisons sur les ailes. Agitez sans motifs
ou avec motifs, peu importe, mais agitez. Dans ce mot
sont renfermés tous les éléments de succès. La conspiration
la mieux ourdie est celle qui se remue le plus et qui compromet
le plus de monde. Ayez des martyrs, ayez des victimes ;
nous trouverons toujours des gens qui sauront donner à cela
les couleurs nécessaires. »
[9]
« Ne conspirons que contre Rome. Pour cela, servons-nous
de tous les incidents, mettons à profit toutes les éventualités.
Défions-nous principalement des exagérations de zèle.
Une bonne haine bien froide, bien calculée, bien profonde,
vaut mieux que tous les feux d’artifice et toutes les déclamations
de tribune. A Paris, ils ne veulent pas comprendre cela ;
mais, à Londres, j’ai vu des hommes qui saisissent mieux notre
plan et qui s’y associent avec plus de fruit. »
[10]
Voici maintenant le secret révolutionnaire des événements
modernes : « L’unité politique de l’Italie est une chimère ;
mais, chimère plus sûrement que réalité, cela produit un certain
effet sur les masses et sur la jeunesse effervescente. Nous
savons à quoi nous en tenir sur ce principe : il est vide et il
restera toujours vide ; néanmoins, c’est un moyen d’agitation.
Nous ne devons donc pas nous en priver. Agitez à petit bruit,
inquiétez l’opinion, tenez le commerce en échec ; surtout ne
paraissez jamais. C’est le plus efficace des moyens pour mettre
en suspicion le gouvernement pontifical. »
[11]
« A Rome, les progrès de la cause sont sensibles ; il y a des
indices qui ne trompent guère les yeux exercés, et on sent de
loin, de très loin, le mouvement qui commence. Par bonheur,
nous n’avons pas la pétulance des Français. Nous voulons le
laisser mûrir avant de l’exploiter ; c’est le seul moyen d’agir
à coup sûr. Vous m’avez souvent parlé de nous venir en aide
lorsque le vide se ferait dans la bourse commune. Vous savez
par expérience que l’argent est partout, et ici principalement,
le nerf de la guerre. Mettez à notre disposition des thalers et
beaucoup de thalers. C’est la meilleure artillerie pour battre
en brèche le siège de Pierre. »
[12]
« Des offres considérables m’ont été faites à Londres :
bientôt nous aurons à Malte une imprimerie à notre disposition.
Nous pourrons donc, avec impunité, à coup sûr, et sous
pavillon britannique, répandre d’un bout de l’Italie à l’autre
les livres, brochures, etc., que la Vente jugera à propos de
mettre en circulation. Nos imprimeries de Suisse sont en
bon chemin ; elles produisent les livres tels que nous le désirons. »
[13]
Après 25 ou 30 trente ans, la conspiration constate ses
progrès. Elle compte sur la France pour agir, tout en réservant
à l’Italie la haute direction ; elle se méfie des autres peuples
: les Français sont « trop vantards », les Anglais « trop
tristes », les Allemands « trop nébuleux ». A ses yeux, l’Italien
seul réunit les puissances de haine, de calcul, de fourberie,
de discrétion, de patience, de sang-froid, de cruauté, nécessaires au triomphe. « Dans l’espace de quelques années,
nous avons considérablement avancé les choses. La désorganisation
sociale règne partout ; elle est au nord comme au
midi. Tout a subi le niveau sous lequel nous voulions abaisser
l’espèce humaine. Il a été très facile de pervertir. En Suisse
comme en Autriche, en Prusse comme en Italie, nos séides
n’attendent qu’un signal pour briser le vieux moule. La Suisse
se propose de donner le signal ; mais ces radicaux helvétiques
ne sont pas de taille à conduire les Sociétés secrètes à l’assaut
de l’Europe. Il faut que la France imprime son cachet à cette
orgie universelle. Soyez bien convaincu que Paris ne manquera
pas à sa mission. »
[14]
|
Charles Ier, empereur d'Autriche-Hongrie
Impératrice Zita de Bourbon-Parme |
« J’ai trouvé partout en Europe les esprits très enclins à
l’exaltation ; tout le monde avoue que le vieux monde craque
et que les rois ont fait leur temps. La moisson que j’ai
recueillie a été abondante ; la chute des trônes ne fait plus
de doute pour moi, qui viens d’étudier en France, en Suisse,
en Allemagne et jusqu’en Russie le travail de nos Sociétés.
L’assaut qui, d’ici à quelques années, sera livré aux princes de
la terre, les ensevelira sous les débris de leurs armées impuissantes
et de leurs monarchies caduques ; mais cette victoire
n’est pas celle qui a provoqué tous nos sacrifices. Ce que nous
ambitionnons, ce n’est pas une révolution dans une contrée ou
dans une autre ; cela s’obtient toujours quand on le veut bien.
Pour tuer sûrement le vieux monde, nous avons cru qu’il fallait
étouffer le germe catholique et chrétien. »
[15]
« Le rêve des sociétés secrètes s’accomplira par la plus
simple des raisons : c’est qu’il est basé sur les passions de
l’homme. Ne nous décourageons donc ni pour un échec, ni
pour un revers, ni pour une défaite ; préparons nos armes
dans le silence des Ventes ; dressons toutes nos batteries, flattons
toutes les passions, les plus mauvaises comme les plus généreuses, et tout nous porte à croire que le plan réussira un
jour au-delà même de nos calculs les plus improbables. »
[16]
Tel est le plan ; voyons à présent les moyens.
La corruption. – Écoutons ici des aveux plus effrayants
encore : « Nous sommes trop en progrès pour nous contenter
du meurtre. A quoi sert un homme tué ? N’individualisons
pas le crime ; afin de le grandir jusqu’aux proportions du patriotisme
et de la haine contre l’Eglise, nous devons le généraliser. Le catholicisme n’a pas plus peur d’un stylet bien acéré que les monarchies ; mais ces deux bases de l’ordre social
peuvent crouler sous la corruption : ne nous lassons donc jamais
de corrompre. Il est décidé dans nos conseils que nous
ne voulons plus de chrétiens ; donc, popularisons le vice dans
les multitudes. Qu’elles le respirent par les cinq sens, qu’elles
le boivent, qu’elles s’en saturent. Faites des cœurs vicieux et
vous n’aurez plus de catholiques. »
[17]
Quel éloge pour l’Eglise ! « Épargnons les corps, mais
tuons l’esprit. C’est le moral qu’il nous importe d’atteindre ;
c’est donc le cœur que nous devons blesser. C’est par principe
d’humanité politique que je crois devoir proposer ce
moyen. »
[18]
A l’occasion de la mort publiquement impénitente de
deux de ses agents, exécutés à Rome, le chef de la Haute
Vente ajoute : « Leur mort de réprouvés a produit un magique
effet sur les masses. C’est une première proclamation
des Sociétés secrètes, et une prise de possession des âmes.
Mourir sur la place du Peuple, à Rome, dans la cité mère du
catholicisme, mourir franc-maçon et impénitent, c’est admirable
! – Infiltrez le venin dans les cœurs choisis, écrit un
autre de ces démons incarnés, infiltrez-le à petites doses et
comme par hasard ; vous serez étonnés vous-mêmes de votre
succès. L’essentiel est d’isoler l’homme de sa famille, de lui
en faire perdre les mœurs. Il est assez disposé, par la pente
de son caractère, à fuir les soins du ménage, à courir après
de faciles plaisirs et des joies défendues. Il aime les longues
causeries du café, l’oisiveté des spectacles. Entraînez-le, soutirez-le
; donnez-lui une importance quelconque ; apprenez-lui
discrètement à s’ennuyer de ses travaux journaliers. Par ce
manège, après l’avoir séparé de sa femme et de ses enfants,
après lui avoir montré combien sont pénibles tous les devoirs,
vous lui inculquerez le désir d’une autre existence. L’homme
est né rebelle ; attisez ce désir de rébellion jusqu’à l’incendie ;
mais que l’incendie n’éclate pas. C’est une préparation à la
grande œuvre que vous devez commencer. »
[19]
« Pour une grande œuvre, il faut une conscience large
que n’effarouchent pas à l’occasion une alliance adultère, la
foi publiquement violée, les lois de l’humanité foulées aux
pieds. »
[20]
La Haute Vente résume elle-même cet infernal complot :
« C’est la corruption en grand que nous avons entreprise, la
corruption du peuple par le clergé et du clergé par nous, la
corruption qui doit nous conduire à mettre un jour l’Eglise au
tombeau. Pour abattre le catholicisme, nous dit-on, il faudrait
d’abord supprimer la femme. Soit ; mais, ne pouvant supprimer
la femme, corrompons-la avec l’Eglise.
Corruptio optimi
pessima. Le but est assez beau pour tenter des hommes
tels que nous. Le meilleur poignard pour frapper l’Eglise au
cœur, c’est la corruption. A l’œuvre donc, jusqu’à la fin ! »
La corruption de la jeunesse et du clergé
Les « cœurs choisis » que la révolution recherche de préférence, ce sont les jeunes gens et les prêtres; elle ose même
aspirer jusqu’à former un pape.
« C’est à la jeunesse qu’il faut aller ; c’est elle qu’il faut séduire, elle que nous devons entraîner, sans qu’elle s’en doute,
sous nos drapeaux. Que tout le monde ignore votre dessein !
Laissez de côté la vieillesse et l’âge mûr ; allez à la jeunesse,
et, s’il est possible, jusqu’à l’enfance. N’ayez jamais pour
elle un mot d’impiété ou d’impureté ; gardez-vous en bien
dans l’intérêt de la cause. Conservez toutes les apparences
de l’homme grave et moral. Une fois votre réputation établie
dans les collèges, les lycées et les universités, dans les séminaires,
une fois que vous aurez capté la confiance des professeurs
et des étudiants, attachez-vous principalement à ceux
qui s’engagent dans la milice cléricale.
Excitez, échauffez ces natures si pleines d’incandescence
et de patriotique orgueil. Offrez leur d’abord, mais toujours
en secret, des livres inoffensifs ; puis, vous amenez peu
vos disciples au degré de cuisson voulu. Quand, sur tous les
points à la fois, ce travail de tous les jours aura répandu nos
idées comme la lumière, vous pourrez apprécier la sagesse
de cette discrétion. »
« Faites vous une réputation de bon catholique et de patriote
pur. Cette réputation donnera facilement accès à nos
doctrines parmi le jeune clergé comme au fond des couvents.
Dans quelques années, ce jeune clergé aura, par la force des
choses, envahi toutes les fonctions ; il gouvernera, il administrera,
il jugera, il formera le conseil du souverain : il sera
appelé à choisir le Pontife qui devra régner, et ce Pontife,
comme la plupart de ses contemporains, sera nécessairement
plus ou moins imbu des principes italiens et humanitaires
que nous allons mettre en circulation. Pour atteindre ce but,
nous mettons au vent toutes nos voiles
[21]. » – « Nous devons
faire l’éducation immorale de l’Eglise, et arriver par de petits
moyens bien gradués, quoique assez mal définis, au triomphe
de l’idée révolutionnaire par un Pape. Ce projet m’a toujours
paru d’un calcul surhumain
[22]. » Surhumain en effet ; car il
vient en droite ligne de Satan. Le personnage qui se cache sous le nom de Nubius décrit ensuite ce Pape révolutionnaire
qu’il ose espérer : un Pape faible et crédule, sans pénétration,
honnête et respecté, imbu des principes démocratiques.
C’est à peu près dans ces conditions qu’il nous en faudrait
un, si c’est encore possible. Avec cela nous marcherons plus
sûrement à l’assaut de l’Eglise, qu’avec les pamphlets de nos
frères de France et l’or même de l’Angleterre. Pour briser le
rocher sur lequel Dieu a bâti son Eglise, nous aurions le petit
doigt du successeur de Pierre engagé dans le complot, et ce
petit doigt vaudrait pour cette croisade tous les Urbain II et
tous les saint Bernard de la chrétienté
[23] ».
« Vous voulez révolutionner l’Italie, » ajoutent enfin ces
séides de l’enfer, « cherchez le Pape dont nous venons de faire
le portrait. Que le clergé marche sous votre étendard en
croyant toujours marcher sous la bannière des Clefs apostoliques.
Vous voulez faire disparaître le dernier siège des tyrans
et des oppresseurs, tendez vos filets, tendez-les au fond des
sacristies, des séminaires et des couvents ; et si vous ne précipitez rien, nous vous promettons une pêche miraculeuse ;
vous prêcherez une révolution en tiare et en chape, marchant
avec la croix et la bannière ; une révolution qui n’aura besoin
que d’être un tout petit peu aiguillonnée pour mettre le feu
au quatre coins du monde
[24]. » Comme ils sentent eux-mêmes
que tout repose sur le Pape !
Il est consolant de les voir constater avec dépit qu’ils n’ont
pu entamer ni le Sacré-Collège, ni la Compagnie de Jésus.
« Les Cardinaux ont tous échappé à nos filets. Les flatteries
les mieux combinées n’ont servi à rien ; pas un membre du
Sacré-Collège n’a donné dans le piège. »
« Nous avons aussi complètement échoué sur les Jésuites.
Depuis que nous conspirons, il a été impossible de mettre la
main sur un Ignacien, et il faudrait savoir pourquoi cette obstination
si unanime ; pourquoi n’avons-nous donc jamais, près
d’un seul, pu saisir le défaut de la cuirasse ? » On ajoute pieusement
: « Nous n’avons pas de Jésuites avec nous ; mais nous
pouvons toujours dire et faire dire qu’il y en a, et cela reviendra
absolument au même
[25]. »
Le mensonge et la calomnie
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« Le mensonge n'est un vice que quand il fait mal. C'est une très grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. » -François-Marie Arout, dit Voltaire |
Satan est le père du mensonge,
pater mendacii. La première
révolution a été faite par un mensonge: . Filles de celle-là, toutes les autres sont faites par le même procédé. Plus elles sont graves, plus elles mentent. Or
aujourd’hui les mensonges, les hypocrisies, les sophismes,
tissus contre l’Eglise avec un art infernal, circulent parmi
nous, plus nombreux que les atomes dans l’air. D’où viennent-ils
? Ecoutez la Révolution :
eritis sicut
dii
« Les prêtres sont confiants ; montrez-les soupçonneux et
perfides. La multitude a eu de tout temps une extrême propension
vers les contre-vérités ; trompez-la. Elle aime à être
trompée
[26]. » – « Il y a peu de choses à faire avec les vieux cardinaux
et les prélats dont le caractère est décidé. Il faut puiser
dans nos entrepôts de popularité ou d’impopularité les armes
qui rendront leur pouvoir inutile ou ridicule. Un mot qu’on invente
habilement et qu’on a l’art de répandre dans certaines
honnêtes familles choisies, pour que de là il descende dans
les cafés et des cafés dans la rue, un mot peut quelquefois tuer
un homme. S’il vous arrive un de ces prélats pour exercer
quelque fonction publique, connaissez aussitôt son caractère,
ses antécédents, ses qualités, ses défauts surtout. Enveloppez-le
de tous les pièges que vous pourrez tendre sous ses pas ;
créez-lui une de ces réputations qui effrayent les petits enfants
et les vieilles femmes ; peignez-le cruel et sanguinaire
; racontez quelques traits de cruauté qui puisse facilement
se graver dans la mémoire du peuple. Quand les journaux
étrangers recueilleront par nous ces écrits qu’ils embelliront
à leur tour, inévitablement par respect pour la vérité, montrez,
ou plutôt faites montrer par quelque respectable imbécile (avis aux colporteurs de scandale religieux !) ces feuilles
où sont relatés les noms et les excès arrangés des personnages.
Comme la France et l’Angleterre, l’Italie ne manquera
jamais de ces plumes qui savent se tailler dans des mensonges
utiles à la bonne cause (avis aux journalistes !). Avec un
journal, le peuple n’a pas besoin d’autres preuves. Il est dans
l’enfance du libéralisme et il croit aux libéraux
[27]. » Le vieux
Voltaire est dépassé !
La franc-maçonnerie
On n’est trahi que par les siens. La franc-maçonnerie fait
ce qu’elle peut pour nous faire croire qu’elle est la plus innocente,
la plus plate des sociétés philanthropiques. Voici la
Révolution qui lui délivre, imprudemment peut-être, son véritable brevet.
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Les Shriners, la face philanthropique de la maçonnerie |
« Quand vous aurez insinué dans quelques âmes le dégoût
de la famille et de la religion – l’un va presque toujours à la
suite de l’autre –, laisser tomber certains mots qui provoqueront
le désir d’être affilié à la Loge maçonnique la plus voisine.
Cette vanité du citadin ou du bourgeois de s’inféoder à
la franc-maçonnerie a quelque chose de si banal et de si universel,
que je suis toujours en admiration devant la stupidité
humaine. Se trouver membre d’une Loge, se sentir, en dehors
de sa femme et de ses enfants, appelé à garder un secret qu’on
ne vous confie jamais, est pour certaines natures une volupté
et une ambition. Les Loges sont un lieu de dépôt, une espèce
de haras, un centre par lequel il faut passer avant d’arriver à
nous. Leur fausse philanthropie est pastorale et gastronomique
; mais cela a un but qu’il faut encourager sans cesse. En
lui apprenant à porter arme avec son verre, on s’empare de la
volonté, de l’intelligence et de la liberté d’un homme. On en
dispose, on le tourne, on l’étudie ; on devine ses penchants et
ses tendances ; quand il est mûr pour nous, on le dirige vers la société secrète, dont la franc-maçonnerie n’est que l’antichambre
assez mal éclairée ».
« C’est sur les Loges que nous comptons pour doubler nos
rangs ; elles forment à leur insu notre noviciat préparatoire.
Elles discourent sans fi n sur les dangers du fanatisme, sur le
bonheur de l’égalité sociale, et sur les grands principes de la
liberté religieuse. Elles ont, entre deux festins, des anathèmes
foudroyants contre l’intolérance et la persécution. C’est plus
qu’il n’en faut pour nous faire des adeptes. Un homme imbu
de ces belles choses n’est pas éloigné de nous ; il ne reste plus
qu’à l’enrégimenter. La loi du progrès social est là, et toute
là ; ne prenez pas la peine de la chercher ailleurs. Mais ne levez
jamais le masque ; rôdez autour de la bergerie catholique ;
et, en bon loup, saisissez au passage le premier agneau qui
s’offrira dans les conditions voulues
[28]. »
Les Loges se chargent elles-mêmes de confirmer cette
appréciation, et de nous faire toucher du doigt la perversité
de cette puissante institution soi-disant inoffensive : « Si
la maçonnerie, disait tout récemment un des principaux
Vénérables, devait se confiner dans le cercle étroit qu’on voudrait
lui tracer, à quoi servirait la vaste organisation et l’immense
développement qui lui sont donnés ?… L’heure du péril
a sonné ; le danger devient immense ; il faut agir… De toute
part l’ennemi s’organise… L’hydre monacale » (ils entendent
par là toute la hiérarchie catholique), « si souvent écrasée,
nous menace de nouveau de ses têtes hideuses. En vain, avec
le dix-huitième siècle, nous flattions-nous d’avoir écrasé l’infâme,
l’infâme renaît plus vigoureuse, plus intolérante, plus
rapace et plus affamée que jamais. Il faut élever autel contre
autel, enseignement contre enseignement ». Enfin les chevaliers
maçons prêtent le serment « de reconnaître, comme les
fléaux des malheureux et du monde, les rois et les fanatiques
religieux, et de les avoir toujours en horreur ». Tout cela est
extrait des discours officiels, prononcés dans ces dernières
années, par les grands maîtres et autres Vénérables, dans des
assemblées nombreuses « où les consciences se soulagèrent,
et où l’on dit tout haut ce que chacun pensait tout bas. »
Comprend-on maintenant pourquoi le Saint-Siège a condamné
la franc-maçonnerie, et pourquoi il est défendu de s’y
affilier sous peine d’excommunication ?
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Louis-Philippe d'Orléans (Philippe Egalité),
au service de la franc-maçonnerie |
L’exploitation des princes
La Révolution cherche à s’affilier les princes, afin de miner
plus efficacement, avec leur concours, la monarchie et
l’Eglise. La Haute-Vente veut bien elle-même le leur apprendre
et nous l’apprendre aussi.
« Le bourgeois a du bon, mais le prince encore davantage.
La Haute-Vente désire que, sous un prétexte ou sous un
autre, on introduise dans les Loges maçonniques le plus de
prince et de riches que l’on pourra. Les princes de maison
souveraine, et qui n’ont pas l’espérance légitime d’être roi
par la grâce de Dieu, veulent tous l’être par la grâce d’une
révolution. Il n’en manque pas, en Italie et ailleurs, qui aspirent
aux honneurs assez modestes du tablier et de la truelle
symboliques. D’autres sont déshérités ou proscrits. Flattez
tous c es ambitieux de popularité ; accaparez-les pour la
franc-maçonnerie ; la Haute-Vente verra plus tard ce qu’elle
pourra en faire pour la cause du progrès. Un prince qui n’a
pas de royaume à attendre est une bonne fortune pour nous.
Il y en a beaucoup dans ce cas-là ! Faites en des francs-maçons ; ils serviront de glu aux imbéciles, aux dirigeants, aux
citadins et aux besogneux. Ces pauvres princes feront notre
affaire en croyant ne travailler qu’à la leur. C’est une magnifique enseigne, et il y’a toujours des sots assez disposés à se
compromettre au service d’une conspiration dont un prince
quelconque semble être l’arc-boutant. »
Le protestantisme
Encore un auxiliaire puissant, dont les chefs de la
Révolution exaltent le fraternel concours. Qu’est-ce en effet
que le protestantisme, sinon le principe pratique de la ré-
volte contre l’autorité de l’Eglise de Jésus-Christ ? Au nom
d’un faux principe religieux, il bat en brèche, dans le monde
entier, le seul vrai principe religieux, le seul vrai christianisme,
la seule vraie Eglise ; il développe l’orgueil, l’insoumission,
le désordre et l’anarchie. En faut-il davantage à la
Révolution, à la grande révolte universelle, pour aimer et favoriser
la propagande protestante ?
« Le meilleur moyen de déchristianiser l’Europe », écrivait
Eugène Sue, « c’est de la protestantiser.»
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Martin Luther, moine apostat |
« Les sectes protestantes, ajoute Edgar Quinet, sont les
mille portes ouvertes pour sortir du Christianisme. » Après
avoir exposé la nécessité d’en finir avec toute religion, il s’exprime
ainsi :
« Pour arriver à ce but, voici les deux voies qui s’ouvrent
devant vous. Vous pouvez attaquer, en même temps que le
catholicisme, toutes les religions de la terre, et spécialement
les sectes chrétiennes ; dans ce cas, vous avez contre vous
l’univers entier. Au contraire, vous pouvez vous armer de
tout ce qui est opposé au catholicisme, spécialement de toutes
les sectes chrétiennes qui lui font la guerre ; en y ajoutant
la force d’impulsion de la révolution française,
vous mettrez
le catholicisme dans le plus grand danger qu’il ait jamais
couru.
Voilà pourquoi je m’adresse à toutes les croyances, à toutes
les religions qui ont combattu Rome ; elles sont toutes,
qu’elles le veuillent ou non, dans nos rangs, puisqu’au fond
leur existence est aussi inconciliable que la nôtre avec la domination
de Rome.
Ce n’est pas seulement Rousseau, Voltaire, Kant, qui sont
avec nous contre l’éternelle oppression ; c’est aussi Luther,
Zwingle, Calvin, etc., toute la légion des esprits qui combattent avec leur temps, avec leurs peuples, contre le même ennemi
qui nous ferme en ce moment la route.
Qu’y a-t-il de plus logique au monde que de faire un seul
faisceau des révolutions qui ont paru dans le monde depuis
trois siècles, et de les réunir dans une même lutte, pour achever
la victoire sur la religion du moyen âge ?
Si le seizième siècle a arraché la moitié de l’Europe aux
chaînes de la papauté, est-c e trop exiger du dix-neuvième
qu’il achève l’œuvre à moitié consommée ? »
Détruire le christianisme, « cette superstition caduque et
malfaisante », tel est le but avoué de la ligue infernale où les
protestants sont englobés, « qu’ils le veuillent ou non », et
par cela seul qu’ils sont protestants. Détruire le christianisme
au moyen du protestantisme, voilà la tactique qu’adopte
la Révolution avec pleine espérance de succès.
Qu’en dites-vous, lecteurs ? La Révolution est-elle grande
et noble chose ? mérite-t-elle nos sympathies ? son œuvre
peut-elle se concilier avec la foi du chrétien ? est-ce la
calomnier que de l’anathématiser comme détestable et satanique
?
Tertullien disait jadis du christianisme : « Il ne craint
qu’un chose, c’est de n’être pas connu. » La Révolution dit le
contraire ; elle ne craint que la lumière. La lumière lui enlève, je ne dis pas tout ce qu’il y a de religieux, mais d’honnête
parmi les hommes.
-Mgr Louis-Gaston de Ségur,
La Révolution expliquée aux jeunes gens.
[3] Ces citations sont littérales et authentiques. Elles ont été, à diverses
reprises, publiées en Italie, en Belgique et en France, sans que la
Révolution ait osé les démentir. Voyez-les in extenso dans l’intéressant
ouvrage de Monsieur Crétineau-Joly, L’Eglise romaine en face de
la Révolution.
[4] Lettre du correspondant de Londres.
[5] Lettre écrite de Rome, par un chef de la Haute-Vente au correspondant
d’Allemagne, Nubius à Volpe. Ce sont des noms de guerre. L’un
de ces chefs était attaché au cabinet du prince de Metternich.
[6] Lettre du correspondant d’Ancône à la Haute-Vente.
[7] Instruction secrète et générale de la Vente suprême.
[8] Instruction secrète.
[9] Instruction de la Vente suprême.
[10] Lettre d’un chef aux agents supérieurs de la Vente piémontaise.
[11] Lettre d’un correspondant d’Ancône.
[12] Nubius au correspondant d’Allemagne.
[13] Lettre à la Vente piémontaise.
[14] Lettre du correspondant de Vienne à Nubius.
[15] Lettre du correspondant de Livourne à Nubius.
[16] Instruction de la Vente suprême.
[17] Théorie de la Haute Vente ; lettre de Vindice à Nubius.
[18] Le chef de la Haute Vente à Vindice.
[19] Correspondance de la Vente piémontaise.
[20] Proudhon.
[21] Instruction secrète.
[22] Nubius à Volpe.
[23] Instruction secrète.
[24] Instruction secrète de la Vente suprême.
[25] Le correspondant de Livourne ; Beppo à Nubius.
[26] Le correspondant d’Ancône à la Haute Vente.
[27] Instruction secrète de la Haute Vente.
[28] Correspondance de la Vente piémontaise.