samedi 29 avril 2017

Nos origines littéraires : L'abbé Ferland

L'abbé Ferland.
L'abbé Jean-Baptiste-Antoine Ferland (1805-1865). F.-X. Garneau n'était pas encore disparu, son oeuvre
littéraire comptait dix ans à peine, que déjà un autre historien lui disputait la faveur du public : l'abbé Jean-Baptiste-Antoine Ferland.

Né à Montréal en 1805, l'abbé Ferland fit de fortes études au collège de Nicolet. Tour à tout professeur à Nicolet, vicaire, curé, et enfin attaché à l'Archevêché de Québec, en 1850, et professeur à l'Université Laval en 1855, l'abbé Ferland était doué des talents les plus variés. Il consacra ses dernières années à l'étude de l'histoire du Canada, et donna à l'Université Laval, de 1856 à 1862, des leçons qui furent très recherchées. Ce sont ces cours de l'Université qu'il commença à publier, en 1861. Il n'en put faire paraître qu'un volume ; le deuxième fut édité par les soins de ses amis. La maladie et la mort l'empêchèrent de continuer son oeuvre. L'abbé Ferland mourut à Québec en 1865.

Le Cours d'Histoire du Canada ne comprend que les années de la domination française. Il est regrettable que l'auteur n'ait pu pousser plus loin son travail. L'abbé Ferland possédait les meilleures qualités de l'historien. Il se recommande surtout par la plus scrupuleuse méthode scientifique. Il alla jusqu'aux archives de Londres et de Paris consulter les documents de première main. Son séjour en Europe, pendant les années 1856 et 1857, n'avait d'autre but que de lui permettre de puiser aux sources les matériaux de son Histoire. Il n'a pas suffisamment indiqué, dans ses ouvrages, ses références aux documents authentiques, mais il n'a écrit qu'en s'appuyant sur ces documents. Aussi a-t-il pu rectifier un grand nombre de dates mal établies avant lui, et jeter sur des faits qu'on n'avait pas toujours bien appréciés une lumière nouvelle. Il comprit mieux que Garneau le caractère religieux de nos origines historiques, et rendit, à ce point de vue, meilleure justice à ceux qui en furent les principaux ouvriers.

Ferland a étudié avec soin les détails de la vie et des mœurs de la Nouvelle-France. Il a insisté sur le caractère et les coutumes des Indiens ; et il a fait pénétrer le lecteur, autant que cela était alors possible, dans les habitudes curieuses de ces peuples barbares. Mais c'est surtout l'établissement de la colonie, et les premiers développements de notre histoire qu'il a soigneusement racontés.

L'abbé Ferland n'a pas la verve brillante de Garneau ; il s'applique moins que lui à développer des considérations générales, mais il serre de plus près le détail précis. La langue qu'il écrit est claire, limpide, alerte, bien française, ornée surtout de la plus franche simplicité.

Il faut ajouter au crédit de l'abbé Ferland des opuscules et des articles qui sont du plus grand intérêt : Journal d'un voyage sur les côtes de la Gaspésie, Louis-Olivier Gamache, Le Labrador, Notice biographique sur Mgr Joseph-Octave Plessis. Ces études ont paru dans le Foyer Canadien, de 1861 à 1863.


-Mgr Camille Roy, Manuel d'histoire de la littérature canadienne de langue française. Librairie Beauchemin limitée. Montréal, 1955. Pp 37-38


Livres de l'abbé Ferland en téléchargement ici.

mercredi 12 avril 2017

La mort de Jésus-Christ

Ecce homo, par Philippe de Champaigne
En cette semaine sainte, le Mouvement Tradition Québec vous propose la lecture d'un extrait sur la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est sous la plume d'un de nos plus grands compatriotes, le juge Adolphe-Basile Routhier (auteur du Ô Canada), que nous contemplerons ce mystère qu'est la mort d'un Dieu sur la croix pour le rachat de l'humanité. Bonne fin de carême à tous.


Il y a eu des hérétiques qui ont nié l'humanité de Jésus-Christ, comme il y en a eu qui ont nié sa divinité. Mais la meilleure preuve qu'il pouvait donner de son humanité, il l'a donnée en subissant le sort commun à tous les mortels.

Comme tous les fils d'Adam, il est mort ; et pour que personne n'en ignore, il a rendu le dernier soupir sur
une croix, aux portes d'une grande ville, en plein jour, au milieu d'une foule de spectateurs.

Il est mort après avoir subi toutes les ignominies, après avoir été flagellé et présenté au peuple sous ce titre qui supprimait jusqu'à son nom : Ecce Homo, voilà l'Homme!

Oui, c'était bien l'homme, type de faiblesse et d'impuissance que la mort tenait déjà sous sa main.

Et cependant, si Pilate avait raison de dire en présentant Jésus au peuple : Ecce Homo nous avons le droit de nous écrier même à cette heure où nous le voyons mourir : Deus! Ecce Deus!

Mais comment la divinité peut-elle nous apparaître dans ce fait essentiellement humain, la mort? Quels traits divins y signalerons-nous?

I. - Le premier qui frappe l'observateur dans les circonstances qui ont entouré la mort du Christ, c'est qu'il l'a prophétisée, annoncée à ses disciples, avec tous les détails qui devaient l'accompagner.

L'avenir pour l'homme c'est l'inconnu ; et nul ne peut dire combien de temps il doit vivre encore, à quelle date et de quelle manière il mourra.

Mais Jésus connaît sa destinée, parce qu'il est Dieu, et il veut en découvrir le douloureux secret à ses disciples. Il sait que sa mort sera pour eux l'effondrement de leurs espérances, et à différentes reprises il essaie de les préparer et de leur faire comprendre la nécessité de son sacrifice.

Plusieurs mois avant sa Passion, en Galilée, il leur dit « qu'il ira à Jérusalem, qu'il souffrira beaucoup de choses, qu'il sera rejeté par les Anciens, les Scribes et les Princes des prêtres, qu'il sera mis à mort et qu'il ressuscitera le troisième jour. »

Les disciples sont consternés, et Pierre, parlant au nom de tous, dit à son Maître : « Non, il ne faut pas qu'il en soit ainsi ; non, cela n'arrivera pas. »

Mais Jésus reprend Pierre durement, et il réaffirme qu'il faut qu'un Dieu souffre et meure pour sauver l'humanité. Bien plus, il faudra que les disciples souffrent et meurent pour le Maître.

Jésus voit déjà la croix dressée devant lui, et il leur dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive! »

Mais quelques jours après, Jésus était transfiguré sur le mont Thabor ; et les apôtres, témoins de sa puissance et de sa gloire, se reprenaient à espérer un Messie vainqueur, rétablissant le royaume d’Israël. C'est pourquoi Jésus descendu du Thabor leur dit, en cheminant vers Capharnaüm : « Mettez bien ces paroles dans votre cœur : Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes ; ils le tueront et, le troisième jour après sa mort, il ressuscitera. »

La Transfiguration, par Rubens.
Plusieurs mois se passent, et Jésus, accompagné des apôtres, gravit le chemin montagneux qui conduit de Jéricho à Jérusalem. Béthanie est devant lui et lui offre l'hospitalité. Dans deux jours, il fera son entrée triomphale à Jérusalem, et l'avenir sourira de nouveau à ses disciples, qui verront dans ce triomphe un prélude de son règne.

Mais Jésus leur dit encore ces tristes paroles : « Nous montons à Jérusalem ; tout ce que les Prophètes ont écrit sur le Fils de l'homme va s'accomplir. Il sera livré aux Princes des prêtres, aux Scribes et aux Anciens, et ils le condamneront à mort. Ensuite, ils le livreront aux païens pour être insulté, flagellé et couvert de crachats ; et après qu'ils l'auront flagellé, ils le crucifieront ; et le troisième jour il ressuscitera. »

Encore quelques jours, et cette lugubre prédiction s'accomplira à la lettre. Non seulement Jésus prédit qu'il va mourir, alors qu'il est dans toute la vigueur de l'âge et de la santé. Mais il décrit le genre de mort qu'il va subir et tous les détails de sa douloureuse Passion.

N'est-il pas évident qu'un Dieu seul pouvait prédire des événements avec cette précision ?

II. - Mais  non seulement Jésus a prophétisé sa mort ; il s'est livré librement à ses bourreaux et il a choisi lui-même le genre de mort le plus ignominieux.

La nature humaine ne va pas volontairement au-devant de la mort, et, quand elle s'y dévoue, elle cherche naturellement une mort glorieuse et, autant que possible, la moins douloureuse.

Jésus agit différemment. Il pouvait fuir la mort, il marche à sa rencontre. Quand les soldats vont l'arrêter, il les renverse par terre en prononçant cette seule parole : « C'est Moi ! » S'il voulait les appeler, des légions d'anges viendraient le défendre et le sauver.

Mais il a fait généreusement le sacrifice de sa vie. « Nul ne m'ôte la vie, dit-il, je la quitte de moi-même, j'ai le pouvoir de la donner, et j'ai le pouvoir de la reprendre. » Et voilà comment on voit humblement soumis à toutes les humiliations et à toutes les tortures celui qui, depuis trois ans, commandait aux éléments, renversait toutes les lois de la nature physique, et ressuscitait les morts.

Seule une vertu divine peut abdiquer à ce point l'exercice de sa souveraineté. Mais pendant que la souveraine puissance de Jésus s'éclipsait ainsi dans sa personne, elle éclatait au dehors. Le soleil s'éclipsait en même temps que son Créateur. Le voile du temple se déchirait, la terre tremblait, les rochers se fendaient, plusieurs tombeaux s'ouvraient et les morts ressuscitaient, et le Centurion, témoin de cette mort extraordinaire, s'écriait : « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu ! »

III. - La prédiction de sa mort et la libre détermination avec laquelle il va au-devant, dépassent la nature humaine ; mais sa nature divine se révèle peut-être encore plus éloquemment dans les circonstances de cette mort. Jésus ne pouvait être sauver qu'en se faisant victime, et il fallait que cette victime fût d'un mérite infini. Les sacrifices sanglants que les peuples avaient multipliés pendant quarante siècles avaient pu avoir quelque mérite expiatoire pour les individus, mais ils auraient été insuffisants pour la rédemption du genre humain. Le sacrifice d'un Dieu pouvait seul racheter l'humanité ; il fallait pour cela que ce Dieu eût dans ses veines le sang d'un homme, afin de pouvoir le verser en sacrifice.

Nous croyons avoir déjà montré que Jésus était dans les conditions voulues, étant à la fois Dieu et homme, pour offrir à Dieu le sacrifice nécessaire. Voyons maintenant s'il a vraiment fait son sacrifice d'une manière digne d'un Dieu.

L'heure des ténèbres est venue. Satan triomphe, et Judas va consommer sa trahison. L'auguste Victime est prête à sacrifier tout ce qu'elle est et tout ce qui lui appartient. Le plus grand des biens de l'homme est sa liberté : Jésus sacrifie la sienne. Il se livre aux satellites de Judas. Le voici dans la cour du grand-prêtre les mains liées, ces mains qui ont façonné la terre, et qui ont lancé dans l'espace le soleil, la lune et tous les astres. Ces mains qui s'étendaient naguère pour bénir et pour guérir. Après sa liberté, le bien que l'homme chérit davantage, c'est son honneur et sa gloire. Or, elle était bien éclatante, la gloire de Jésus. On l'appelait le Prophète, le Messie, le Fils de David appelé à rétablir le royaume d'Israël. Mais voici qu'il est arrêté, enchaîné, traduit devant les tribunaux. Voici qu'on le dénonce comme un blasphémateur, un impie, un révolté contre la Loi de Moïse. Il est ennemi de César et il soulève le peuple. Il veut renverser le temple, symbole vénéré de la religion des Juifs. Bien plus, il veut se substituer à Jéhovah, en en se déclarant Dieu lui-même.

On le trouvait bien éloquent naguère, et l'on disait que personne n'avait jamais parlé comme lui. Et maintenant, il a comparu devant les Prêtres et n'a pas su leur répondre. Devant Hérode, il n'a pas dit un seul mot. On l'accuse, et il ne se défend pas.

La Crucifixion de Notre-Seigneur, par Tintoretto
C'est fini, son honneur et sa gloire se sont évanouis.

Conservera-t-il au moins sa réputation d'honnête homme ? Non, elle aussi doit être sacrifiée. Il est mis en parallèle avec Barrabas, voleur, assassin, débauché, et la foule, le suffrage universel, lui préfère Barrabas. Il est plein de santé, et c'est un des grands biens de ce monde. Il est jeune encore, il a devant lui un demi-siècle de vie heureuse, s'il le veut. Il consent à mourir sans plus tarder.

Il lui reste son corps, ce corps si pur et si beau, formé par l'opération du Saint-Esprit dans le sein d'une vierge, et que les anges seuls sont dignes de toucher. Il le livre aux fouets, aux soufflets, à tous les outrages des valets et des bourreaux.

Il avait des vêtements, on l'en a dépouillé. Quelques gouttes de sang coulent encore dans ses veines, il les répand. Et avant de rendre le dernier soupir, il donne sa mère au genre humain qui le fait mourir.

Tout cela n'est-il pas surhumain ? Y a-t-il dans toute l'histoire un homme qui soit mort ainsi ? Non, la nature divine de Jésus se révèle dans sa mort comme dans sa vie ; et Jean-Jacques Rousseau avait raison de dire : « Si la mort de Socrate est d'un Sage, la mort de Jésus-Christ est d'un Dieu. »


-Sir Adolphe-Basile Routhier, De l'homme à Dieu - Essai d'apologétique pour les hommes du monde. Librairie J. P. Garneau. Québec, 1913. Pp. 223-229.

samedi 8 avril 2017

Autour du drapeau national

Le Mouvement Tradition Québec propose un extrait sur le drapeau Carillon Sacré-Cœur, du livre Le drapeau national des Canadiens Français, par le Comité de Québec, 1904.

Pourquoi Carillon ?

Pourquoi notre bannière de Carillon ? - Parce que la bataille de Carillon est la seule qui soit restée légendaire
parmi le peuple, à cause peut-être de la part brillante que nos pères y ont prise, « rivalisant d'ardeur, dit un historien étranger, avec les vieille compagnies de France. » On racontait jadis que la Vierge était apparue dans la bataille, et que les balles des Anglais allaient se perdre dans les plis de sa robe.

Notre bannière de Carillon, parce que, rapporté de Carillon, après la bataille, par le père Berey, aumônier des troupes, alors que nos pères durent retourner à la culture de leurs terres ; suspendue à la voûte de l'église des Récollets, à Québec ; sauvée providentiellement de l'incendie qui détruisit cette église en 1796 ; conservée par le Frère Louis, dernier survivant des Récollets au Canada ; remise par lui, en 1847, à M. L.-G. Baillairgé, et aujourd'hui gardée précieusement dans la voûte des archives de l'Université Laval, à Québec, cette bannière est le seul souvenir que nous ayons des glorieux combats du passé.

Notre bannière de Carillon, parce qu'elle a été chantée et immortalisée par le plus aimé de nos poètes :

Quand tu passes ainsi comme un rayon de flamme,
Ton aspect vénéré fait briller dans notre âme
Tout ce monde de gloire où vivaient nos aïeux.
Leurs grands jours de combat, leurs immortels faits d'armes,
Leurs efforts surhumains, leur malheurs et leurs larmes,
Dans un rêve entrevu, passent devant nos yeux. 
O radieux débris d'une grande épopée !
Héroïque bannière au naufrage échappée !
Tu restes sur nos bords comme un témoin vivant
Des glorieux exploits d'une race guerrière,
Et sur les jours passés répandant ta lumière,
Tu viens rendre à son nom un hommage éclatant. 
Ah ! bientôt puissions-nous, ô drapeau de nos pères !
Voir tous les Canadiens, unis comme des frères,
Comme au jour du combat se serrer près de toi !
Puisse des souvenirs la tradition sainte,
En régnant sur leur cœur, garder de toute atteinte
Et leur langue et leur foi ! 
Crémazie

Notre bannière de Carillon, parce qu'un drapeau qui porte avec soi quelque grand et glorieux souvenir est plus propre qu'un autre à susciter des prodiges de valeur et de dévouement. Quand viendra l'heure du danger - si l'avenir nous réserve des dangers - la jeunesse militaire, regardant son drapeau et se rappelant la victoire qu'il symbolise, se dira dans un frémissement d'enthousiasme: « Où le père a passé, passera bien l'enfant. »

Notre bannière de Carillon enfin, parce qu'il n'y a pas un Canadien qui refusera de l'accepter, tandis que pour tout autre drapeau, il pourra y avoir de nombreuses abstentions.

Le Messager Canadien du Cœur de Jésus (juin 1903) résume bien les raisons qui militent en faveur de Carillon:

« Il y a un tel rayonnement de gloire autour de ce drapeau que l'imagination populaire en est comme fascinée. Et avec raison. C'est qu'il rappelle l'un des plus beaux faits de notre histoire, toute une épopée glorieuse dont l'éclat rejaillira à jamais sur notre race. Il y a du reste été immortalisé par le grand poète québecquois dans n chant célèbre terminé par cette strophe émue: Ah ! bientôt puissions-nous, ô drapeau de nos pères ! etc. »

Aussi nommer Carillon, cela suffit pour faire vibrer à l'unisson tous les cœurs canadiens-français dans un même sentiment de patriotisme.

On objectera peut-être que l'on ne saurait établir l'authenticité de ce drapeau avec toute la certitude désirable. Mais n'a-t-il pas en sa faveur la croyance du peuple ? Et puis, c'est certainement une relique française de l'époque, à laquelle on a attaché le nom glorieux de Carillon. Est-ce que cela ne devrait pas nous suffire ? Pourquoi y regarderions-nous de si près ? Puisque nous voulons avoir un drapeau bien à nous, de quelle autre matière le ferons-nous donc ce drapeau, bien nôtre, bien national, bien canadien-français ?

Où trouver un étendard plus populaire et qui résume mieux l'attachement au sol, l'attachement à la religion et le souvenir de la patrie d'origine ? Si ce sont là vraiment les éléments de notre patriotisme, pourquoi ne pas nous contenter du drapeau de Carillon ?

Avec tous ces titres en sa faveur, il s'impose à notre choix de préférence à tout autre.


-Comité de Québec, Le drapeau national des Canadiens Français - Un choix légitime et populaire. 1904. Pp. 23-25

vendredi 7 avril 2017

Présentation du livre Manifeste politique et social

Paru pour la première fois en 1964, le Manifeste politique et social du colonel Chateau-Jobert se veut un guide d'instruction contrerévolutionnaire.

Qui est le colonel Chateau-Jobert ?

Le colonel Pierre Chateau-Jobert est né en 1912 à Morlaix (France). Engagé dans l’armée comme simple soldat, il gravit les échelons et devint colonel en 1956. Il combattit lors de la deuxième guerre mondiale à la tête d’une unité de S.A.S., puis participa à la guerre en Indochine et en Algérie. Lors de l’abandon de l’Algérie française par de Gaulle, Chateau-Jobert rejoignit l’O.A.S. Condamné à mort par contumace, il mit à profit ses années de clandestinité pour étudier la Contrerévolution. Le colonel Chateau-Jobert a écrit deux livres majeurs : Doctrine d’action contrerévolutionnaire et La confrontation Révolution-Contrerévolution. Il est décédé le 29 décembre 2005 à Caumont-l'Eventé, dans le Calvados (Normandie). Il fut inhumé le 3 janvier 2006 à Morlaix, en Bretagne.

Manifeste politique et social

Véritable condensé de la doctrine sociale de l'Eglise catholique, le colonel Chateau-Jobert entend proposer un manuel où tous pourront puiser, avec profit, la marche à suivre. La Révolution a ses manuels, ses orateurs, ses doctrinaires, osons-le dire, son système d'éducation, eh bien, la Contrerévolution doit aussi avoir ses manuels. Regrettant le fait qu'il soit nécessaire de consulter bon nombre d'ouvrages différents afin de balbutier sur la loi naturelle et l'ordre, Chateau-Jobert nous propose ici une somme de ses lectures. Le militant contrerévolutionnaire a maintenant son « bréviaire ».

Division du livre

Comptant 150 pages dans sa seconde édition (Diffusion de la Pensée Française), le Manifeste politique et social se divise en 4 parties :

  • Une doctrine politique et sociale
  • Le fondement de l'ordre naturel face à la mystification marxiste
  • Une doctrine universelle
  • La conclusion s'impose : un mouvement contrerévolutionnaire

Ses supérieurs militaires disaient de lui : « N'ayez crainte, avec Chateau-Jobert les affaires avancent ». C'était bien dire. En effet, le colonel fut un homme du terrain. Ayant perçu la racine du mal moderne, il commence son travail contrerévolutionnaire avec ce livre en n'amenant que des arguments d'ordre naturel. Une fois les fondations de l'édifice solidement établis - comme saint Thomas d'Aquin avant lui -, Chateau-Jobert remonte de l'ordre naturel à l'ordre surnaturel. 

Édition Diffusion de la Pensée Française
1973.
La doctrine catholique vous donne le vrai moyen d'agir pour le bien des hommes. Elle est applicable par n'importe qui et aussi bien par ceux qui n'ont pas la Foi. Appliquez-la à fond ; vous faciliterez ainsi la rééducation de l'humanité, indispensable pour un ordre social vraiment soucieux du bonheur des hommes.
Si vous estimez que vous avez un devoir envers la société et si vous estimez que la Doctrine vous offre le moyen sûr de l'accomplir, alors ce n'est pas parce que votre vie privée n'est pas toujours orientée vers le perfectionnement moral que vous propose par ailleurs cette doctrine que vous devez ajouter à vos erreurs personnelles une faute grave envers la société. Sur le plan politique et social, agissez en chrétien, même si vous ne l'êtes pas ; ce sera toujours ça. Vous serez sûr de ne pas vous tromper.
Manifeste politique et social, pages 105-106.


La loi naturelle, fondement de la doctrine

Vivant dans un monde donné, l'homme n'est pas indépendant vis-à-vis de ce monde ; il n'est pas indépendant vis-à-vis de la nature de ce monde. S'il veut vivre, toutes ses activités doivent respecter la loi naturelle qui le pousse, par exemple, à s'organiser en société : il peut transgresser cette loi pendant un temps sans en apercevoir immédiatement les conséquences. Mais celles-ci se manifestent toujours. De même qu'un homme, se prenant pour un oiseau, peut se jeter par la fenêtre et croire un instant qu'il vole jusqu'au moment où il s'écrasera au sol, de même l'homme ou la société peuvent repousser un temps la loi naturelle et se croire indépendant ; mais en fin de compte ils y perdront une sécurité, une quiétude, un bonheur qui s'offrent à eux.

La loi naturelle, que la raison peut théoriquement découvrir, est en somme un guide pour l'homme dans sa recherche du bien, du mieux, dans la recherche de son véritable épanouissement. Elle est une inspiratrice de perfectionnement dans tous les domaines, tant intellectuels qu'artistiques, moraux, matériels et physiques. En effet elle est une et ne dissocie pas, en l'homme l'animal du raisonnable. Elle respecte chacun des caractères de l'homme, qu'elle définit néanmoins comme un tout.

Conclusion

Ce livre est destiné aux catholique et aux non-catholiques, soucieux du bien commun de leur patrie. On regrettera que le livre n'insiste pas assez sur la nécessité de la conversion, seul moyen de plaire à Dieu. Toutefois, sa pensée est la suivante : par la force et le réalisme de la doctrine catholique, nous pouvons convaincre les indécis à se rallier sous l'étendard de la civilisation chrétienne. Avec notre humble expérience de militant catholique, nous devons avouer que la stratégie de combat qu'adopte le colonel Chateau-Jobert porte fruit.

Tel Notre-Seigneur lorsqu'il dit qu'il n'était pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs, Chateau-Jobert veut, à sa manière, amener l'homme de bonne volonté en haut. Dans un monde s'éloignant de plus en plus de Dieu, donc, en définitive, de l'ordre naturel, ce court opus rappelle les principes fondateurs de l'ordre du monde. Nous recommandons ce livre à quiconque veut se former et approfondir la doctrine contrerévolutionnaire.


Disponible aux éditions de Chiré ici.


-Etienne Dumas
Mouvement Tradition Québec

mercredi 5 avril 2017

« Système » et Révolution

Si le peuple voulait prendre conscience de ce qui se trame contre lui il se demanderait, devant l'imminence du
Colonel Pierre Chateau-Jobert
danger, comment on a pu en arriver là sans qu'il s'en aperçoive. Il serait effrayé de la malignité d'un adversaire qui, depuis des siècles, prépare « à petits pas » l'asservissement de l'humanité. Actuellement, il n'y veut pas croire et même le communisme trouve dans les familles aisées et chez les « bourgeois » une passivité conciliante qui est la preuve la plus flagrante de la pénétration et de la gravité du mal.

Par ailleurs, quand on parle d'un « marxisme » ou d'un « libéralisme » qui abolit la liberté, on est tenté de voir là des notions abstraites, donc peu dangereuses, alors que ces deux conceptions, communisme et libéralisme technocratique, aboutissent l'une et l'autre à une exploitation de l'homme en lui refusant le respect de ses droits.

Ce mal, depuis longtemps, a pour nom la « Révolution ».

Dans les Pays encore libres, à part les Espagnols et les Portugais peu de gens se préoccupent de ce qu'est la Révolution. Certains, cependant, sans s'en soucier pour autant, en connaissent très bien l'un des aspects, celui que l'on nomme en France le « Système » : système politique pourri qui se remplace par lui-même à tous les changements de gouvernement ou de République. Ce système, inexorablement, mène la France à sa perte : une France déjà réduite à son « hexagone » métropolitain, qui lui-même sera bientôt « désintégré » dans un ensemble plus grand ; une France dans laquelle les Français ont perdu la liberté de s'exprimer et bientôt la liberté de penser ; une France dans laquelle les Français sont prêts pour l'esclavage.

Mais quel est le pays dit « libre » qui ne subit pas les mêmes attaques ? Toutes les Nations supportent la pression de plus en plus lourde des systèmes révolutionnaires qui pénètrent habilement dans les structures des Etats, gangrènent leur élites et leurs institutions.

Tout comme les hommes, les peuples croient facilement que ce qui arrive aux autres ne risque pas de leur arriver. Celui qui n'a pas eu sa guerre d'Espagne, sa terreur soviétique ou sa répression hongroise, s'imagine que c'est là l'affaire des autres. Chacun se croit un cas particulier sans rapport avec les manifestations d'une Révolution mondiale qu'il méconnaît.

Ainsi le Français, par exemple, ne connaît qu'une révolution : celle de 1789, dont il n'est pas peu fier parce qu'on lui a toujours caché l'origine et le véritable but du renversement de l'ordre existant.

Il ne fait pas de doute que cette révolution a entraîné nombre d'hommes de bonne foi qui se félicitèrent d'une « déclaration des droits de l'homme » et d'un renversement des princes régnants pour faire place à des républiques. Mais, dépassant le contexte du moment, cette révolution apparaît bien comme l'expression d'une force voulant rejeter tous les aspects d'un ordre subordonné à la morale. Et là est le véritable objectif de la « Révolution ». Trompés par d'habiles propos, les hommes crurent que les idées révolutionnaires leur apportaient des notions toutes nouvelles : la liberté, l'égalité, la fraternité (alors que, depuis des siècles, nombre d'autorités spirituelles s'efforçaient d'en faire prendre une conscience très exacte et, celle-là, non déformée).

L'idée de révolution est alors devenue synonyme de progrès civilisateur ; cette idée a franchi les frontières et les peuples s'y sont laissé prendre, alors qu'en réalité, derrière ces apparences, se trouvaient sapés les principes de morale, d'autorité, de responsabilité, qui sont les seules vraies garanties contre les abus des puissants.

La commission Parent : américanisation du système
d'éducation
Ce ne sont pas les peuples qui gagnaient, ce sont ces puissances qui maintenant s'appellent Communisme ou Capitalisme d'Etat, celui-ci n'ayant qu'un but : le profit, celui-là qu'un dessein : l'asservissement des hommes fondus en une masse où l'individu ne compte plus.

Suivant une tactique maintenant bien connue, c'est l'homme lui-même qui a été incité à réaliser, et dans l'enthousiasme, les premières « victoires » qui sont en réalité celles de ses ennemis. Ceux-ci ne se sont plus faute de parler - et le clan libéral autant que l'autre - du triomphe de la révolution en marche.[1]

Mais pour le Français, comme pour beaucoup d'autres, « révolution » est encore synonyme de révolte armée, de violences, de troubles. Il ne cherche pas à savoir quelle « doctrine » ou quelle « philosophie » se cachent derrière ce mot. Parce qu'on le lui laisse croire, il s'imagine que tant qu'il n'y a pas de désordre il n'y a pas de révolution. Alors que l'épisode révolutionnaire de 1789 n'était que la forme violente d'une révolution qui se poursuivait et qui est encore responsable de la situation actuelle !

Comment prétendre, pourrait-on demander, qu'en 1789 l'action populaire ait été déjà guidée pour contribuer à la victoire finale du Haut-capitalisme et du Communisme dont les noms n'étaient même pas employés à l'époque ?

C'est que les formes subversives ainsi désignées ne sont que des expressions actuelle de la Révolution, laquelle s'élaborait bien avant 1789 et dont les idées ont inspiré ensuite toutes les révolutions françaises, italiennes, russes, etc. Elles peuvent aussi bien s'appeler Démocratie Libérale ou Fascisme ou Nazisme. Demain elles s'appelleront Neutralisme, Mondialisme, Libertisme, ou n'importe quoi ; et la Révolution, la même, sera toujours en marche.

« La Révolution française, disait en 1793 Babeuf, n'est que l'avant-courrière d'une révolution bien plus grande, bien plus solennelle et qui sera la dernière. »

Qu'il s'agisse du Haut-capitalisme d'une part, ou du Communisme avec ses dérivés titistes ou progressistes d'autre part, les puissances apparentes ou occultes du monde se rattachent à l'un ou l'autre de ces deux clans, ennemis, mais qui se rejoignent dans leurs buts : chacun d'eux veut réaliser à son profit un gouvernement mondial qui lui assure la domination totale et définitive de l'humanité et des ressources de la terre. Pour y parvenir, ces deux forces doivent détruite les structures existantes pour substituer à l'ordre naturel un ordre qui soit le leur. Elles sont donc également subversives et aussi totalement subversives l'une
que l'autre.

Et, pour détruire les structures de la société, il faut démolir les principes qui peuvent en garantir la cohésion et l'harmonie. Il faut les anéantir car ce sont eux qui, précisément, sont les derniers remparts de l'homme libre, et qui gênent les ambitions, les égoïsmes, les crimes du Libéralisme ou du Communisme.

Est « Révolution » tout ce qui va contre l'ordre naturel et qui, en particulier, s'oppose à la dignité de l'homme, à ses droits et à l'exercice de ses devoirs en tant qu'homme mais aussi en tant que membre d'une société ou d'une nation.



-Colonel Pierre Chateau-Jobert, Manifeste politique et social. Diffusion de la Pensée Française. Chiré-en-Montreuil, 1973. Pp. 17-20.



[1] Cf. Nesta H. Webster, Secret Societies and subversive movements : « Le but de la Révolution n'est pas le socialisme, ni même le communisme ; ce n'est pas un changement dans le système économique actuel, ce n'est pas la destruction de la civilisation dans un sens matériel. La révolution désirée par les chefs est morale et spirituelle, c'est une marche d'idées dans laquelle toutes les bases admises jusqu'au XIXe siècle seront renversées. »