jeudi 17 janvier 2019

L'hérésie des Vaudois

VAUDOIS, disciples de Pierre Valdo, riche marchand de Lyon.

Pierre Valdo (1140-1217).
L'hérésie protestante voit en
lui un précurseur.
La mort subite d'un ami qui tomba presque à ses pieds lui fit faire de profondes réflexions sur la fragilité de la vie humaine le sur le néant des biens de la terre. Il voulut y renoncer pour ne s'occuper que de son salut, et distribua tous ses biens aux pauvres; il voulut inspirer aux autres le détachement
du monde et le dépouillement des richesses; il exhorta, prêcha, et, à force de prêcher le désintéressement, il se persuada que la pauvreté évangélique, sans laquelle on ne pouvait être chrétien, ne permettait de rien posséder.

Plusieurs personnes suivirent l'exemple de Pierre Valdo, cl formèrent, vers l'an 1136, une secte de gens qu'on appelait les pauvres de Lyon; à cause de la pauvreté dont ils faisaient profession. Valdo leur expliquait le Nouveau Testament en langue vulgaire, et devint l'oracle de ce petit troupeau.

Le zèle de ses disciples s'échauffa bientôt, et ils ne se contentèrent pas de pratiquer la pauvreté, ils la prêchèrent, et s'érigèrent en apôtres, quoiqu'ils ne fussent que de simples laïques sans mission. L'Eglise de Lyon, sans condamner leurs motifs et leur zèle, voulut les renfermer dans de justes bornes; mais Valdo et ses disciples avaient une trop haute idée d'eux-mêmes pour déférer aux avis de l'Eglise de Lyon. Ils prétendirent que tous les chrétiens devaient savoir l'Ecriture, que tous étaient prêtres et que tous étaient obligés d'instruire le prochain. Fondés sur ces principes qui renversaient le gouvernement de toute l'Eglise, les vaudois continuèrent à prêcher et à se déchaîner contre le clergé. Si l'Eglise leur imposait silence, ils répondaient ce que les apôtres avaient répondu au sénat des Juifs, lorsqu'il leur défendait de prêcher la résurrection de Jésus-Christ : Faut-il obéir à Dieu ou aux hommes ? Les vaudois savaient l'Ecriture; ils avaient un extérieur mortifié, leurs mœurs étaient austères, et chaque prosélyte devenait un docteur. D'un autre côté la plus grande partie du clergé, sans lumière et sans mœurs, n'opposait communément aux vaudois que son autorité. Les vaudois firent des progrès rapides, et, après avoir employé tous les ménagements possibles, le pape les excommunia, et les condamna avec tous les autres hérétiques qui inondaient alors la France.

Les foudres de l'Eglise irritèrent les vaudois; ils attaquèrent l'autorité qui les condamnait.

Fondés sur la nécessité de renoncer à toute possession pour être vraiment chrétien, Valdo et ses disciples prétendirent que l'Eglise romaine avait cessé d'être la vraie Eglise depuis qu'elle avait des possessions et des biens temporels; que ni le pape, ni les évêques, ni les abbés, ni les clercs, ne devaient posséder ni biens-fonds, ni dignités temporelles, ni fiefs, ni droits régaliens; que les papes, qui avaient approuvé ou excité les princes pour faire la guerre , étaient de vrais homicides, et par conséquent sans autorité dans l'Eglise.

De là les vaudois concluaient qu'eux seuls étaient la vraie Eglise, puisqu'eux seuls pratiquaient et enseignaient la pauvreté évangélique.

Après s'être ainsi établis comme la seule vraie Eglise, ils prétendirent que les fidèles étaient égaux, que tous étaient prêtres, que tous avaient le droit d'instruire, que les prêtres et les évêques n'avaient pas celui de les en empêcher. Ils prouvaient toutes ces prétentions par quelques passages de l'Ecriture : tel est le passage de saint Matthieu, dans lequel Jésus-Christ dit à ses disciples qu'ils sont tous frères; celui de saint Pierre qui dit aux fidèles : Rendez-vous mutuellement service, chacun selon le don qu'il a reçu, comme étant de fidèles dispensateurs des différentes grâces de Dieu; le passage de saint Marc où Jésus-Christ défend à ses disciples d'empêcher un homme de chasser les démons au nom de Jésus-Christ, quoique cet homme ne suivit pas ses apôtres.

Les vaudois prétendirent donc former une Eglise nouvelle qui était la vraie Eglise de Jésus-Christ, qui, par conséquent, avait seule le pouvoir d'excommunier et de damner : par ce moyen , ils calmèrent les consciences alarmées par les foudres de l'Eglise.

Pour détacher plus efficacement les fidèles de l'Eglise, ils condamnèrent toutes ses cérémonies : la loi du jeûne, la nécessité de la confession, les prières pour les morts, le culte des saints, et en un mot tout ce qui pouvait concilier aux pasteurs légitimes le respect et l'attachement des peuples; enfin, pour entretenir les peuples dans l'ignorance, ils condamnèrent les études et les académies, comme des écoles de vanité.

Tel fut le plan de religion que les vaudois imaginèrent pour se défendre contre les anathèmes de l'Eglise et pour se faire des prosélytes.

Ils ne fondaient celle prétendue réforme, ni sur la tradition, ni sur l'autorité des conciles, ni sur les écrits des Pères, mais sur quelques passages de l'Ecriture mal interprétés ; ainsi Valdo et ses disciples ne formèrent point une chaîne de tradition qui remontât jusqu'à Claude de Turin [NDLR : évêque du IXe siècle ayant adhéré à l'iconoclasme].

Les vaudois renouvelèrent : 

1° les erreurs de Vigilance sur les cérémonies de l'Eglise, sur le culte des saints et des reliques, et sur
la hiérarchie de l'Eglise ;

2° les erreurs des donatistes sur la nullité des sacrements conférés par de mauvais ministres et sur la nature de l'Eglise ;

3° les erreurs des iconoclastes;

4° ils ajoutèrent à ces erreurs que l'Eglise ne peut posséder des biens temporels.



-Abbé Pluquet, Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes. Edition Jérôme Millon. 2017. (Publié pour la première fois en 1762, revu et corrigé par l'abbé Claris en 1847 puis publié par l'abbé Migne la même année). Pp. 703-704.