lundi 19 octobre 2015

Paix et chapelet (sur les chantiers)


 

Au Saguenay le 29 mars 1935
 
Il suffit de savoir demander pour obtenir ce que l’on veut. C’est ce que semblait croire une dame qui adressa une lettre au journal local le 29 mars 1935 racontant comment son grand-père avait su amener ses hommes à plus de piété.
 
Jean Tremblay, surnommé Bouleau, fut le premier colon de Shipshaw. Il allait travailler aux chantiers en hiver. Il se retrouva en compagnie d’hommes dont le vocabulaire coloré était accompagné de «  sacres, de blasphèmes, de mauvais propos et de mépris pour la prière et la religion ».
 
Vint le temps du Carême. Le contremaître avait demandé aux hommes de surveiller davantage leur comportement. «  La proposition de dire le chapelet en commun eut pour effet de stimuler la verve des mécréants ; ils firent un tel concert de moqueries, d’interruptions, de balivernes et d’autres bruits inconvenants que ça devint impossible de continuer la prière ».
 
Jean Tremblay, après trois soirs de ce manège, perdit patience. « C’est le temps que ça change, dit-il à ses compagnons, tenez-vous prêts à m’appuyer, on va régler ça tout de suite ».
 
Il proposa à tous de se mettre à genoux pour le chapelet. Un premier ricanement se fit entendre. Il n’attendit pas le deuxième. « On va voir qui est le maître icitte » fit-il en saisissant le ricaneur au collet ; il lui administra « une volée » et le jeta dehors. Il fit la même chose avec quelques autres. Ils ne purent réintégrer le camp qu’une fois le chapelet terminé. On dit que les soirs suivants, les prières eurent lieu sans autres commentaires.
 
Source:
C. Laforge et M. G. Cano, Notre histoire à petit pas, les éditions du Gaymont, 1987