samedi 26 novembre 2016

Quand Castro séduisait Trudeau

Fidel Castro accompagné de Pierre-Elliot Trudeau


Partisan de Fidel Castro, Trudeau fut appréhendé par le garde-côte officiel des États-Unis en 1960, en rade de Key West, alors qu'il essayait de se rendre à Cuba en canot! Depuis sont voyage en Chine en 1950, Trudeau était catalogué comme "persona non grata"... Un indésirable. Comme son idole Mao Tsé-Toung, ce qu'il veut vraiment, c'est le pouvoir.

En effet dit Trudeau: "L'expérience de ce super stratège Mao Tsé-Toung pourrait nous amener à conclure que, dans un pays aussi vaste et hétérogène, la possibilité d'établir des bastions socialistes dans certaines régions est la meilleure chose... Le socialisme dans une seule province va s'infiltrer dans l'autre, dit-il. Mais si les séparatistes ont du succès - si une province devient un pays étranger - alors le développement est rendu plus difficile."

D'un autre côté reprend Trudeau, "sans le degré d'autonomie des provinces comme le fédéralisme le permet, le fédéral serait confronté à la tâche difficile d'imposer le socialisme partout. Le fédéralisme permet qu'il soit fait province par province, c'est pourquoi il veut une autonomie suffisante, mais pas trop".

[...]

Il fut le premier leader occidental à visiter officiellement l'île de Cuba en 1976, malgré l'embargo décrété par les américains. Sous son administration, le gouvernement canadien a adopté des mesures permettant l'abolition de la peine de mort en 1975, la reconnaissance diplomatique de la Chine communiste en 1970 deux ans avant que les américains n'en fasse autant. Lorsque Trudeau est devenu Premier ministre du Canada, il a créé une agence de propagande fédérale nommée Information Canada, et a mis à sa tête un communiste notoire bien connu au Québec, Jean-Louis Gagnon.

[...]

Igor Gouzenko
Igor Gouzenko ce valeureux et éminent russe, qui a risqué sa vie pour sauver le Canada et le monde libre de graves problèmes et de l'exécrable dictature communiste, a dit de notre Pierre-Elliot Trudeau, dans son mémorandum intitulé: Trudeau, a potential Castro, "He is careful not to call himself a communist." (Il fait bien attention de ne pas se dire communiste.)

Igor précisera davantage cette affirmation en se basant sur un témoignage assermenté de Mlle Elizabeth Bentley devant une commission d'enquête sur les réseaux d'espionnage soviétiques aux États-Unis, accusant Lester B. Pearson, alors qu'il travaillait à l'ambassade canadienne de Washington durant la dernière guerre mondiale, d'avoir transmis des "informations vitales à son réseau rouge d'espionnage par l'intermédiaire d'un jeune et riche communiste canadien, membre de son réseau."

Igor Gouzenko, qui connaissait les ramifications des réseaux d'espionnage soviétiques au Canada, a écrit dans son mémorandum: "Trudeau correspond parfaitement à cette description d'un jeune et riche Canadien.".

Gouzenko, transfuge soviétique en danger de mort.
De plus, Igor Gouzenko recommande aux délégués du Parti libéral réunis en congrès à Ottawa, en avril 1968, pour élire un nouveau chef au Parti libéral du Canada, de ne pas choisir le "socialiste radical" Pierre-Elliot Trudeau. Si Igor Gouzenko a pris la peine de dénoncer Trudeau comme "socialiste radical" et "potentiel Castro", et sachant que ce prétendu catholique a rejeté le magistère de l'Église parlant par la voix du pape Pie XI, on peut comprendre, sans le justifier en rien, que Trudeau ait pu parler de la dictature qui a été imposée  à la Chine comme d'une "réussite idéologique" et qu'il ait passé sous silence l'aide que la Chine Rouge de Mao a apporté à tous les mouvements révolutionnaires d'Asie, à commencer par la Corée du Nord en 1950, l'invasion barbare du Tibet, la misère incroyable des ouvriers et des paysans chinois, le commerce d'opium de la Chine rouge, la destruction de la famille chinoise et enfin le mépris absolu des droits individuels dans l'enfer de son idole Mao Tsé-Toung.


David Philipps  - Le Canada français sous le joug des imposteurs

vendredi 25 novembre 2016

samedi 19 novembre 2016

Grandeur du travail

La Révélation primitive, dont l'Eglise est héritière, impose à toute vie humaine, comme prix d'entretien,
l'obligation du travail: c'est là, d'après le christianisme, une loi commune pour tous les hommes; c'est là le statut, inaccessible à toute révision, donné par Dieu à l'humanité. L'Homme gagne son pain à la sueur de son front: cette austère réalité pèse et pèsera toujours sur la race. Mais voici que peu à peu à la lumière de la pensée chrétienne, cette loi du travail, où l'on était tenté de ne voir qu'une charte assez rigide de la vie individuelle, prend l'éclatante portée d'une obligation sociale. L'horizon du chrétien s'élargit: il trouve dans l'Epître de saint Paul aux Ephésiens l'invitation à « se livrer à quelque travail manuel bon en soi, afin d'avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence »; à la sueur de son front, le chrétien gagnera non plus seulement son pain, mais le pain des autres, le pain qui se refuse aux bras défaillants de la pauvreté.

Le conseil de saint Paul est confirmé par saint Thomas : après avoir justifié la loi du travail par la triple nécessité de pourvoir à notre vie, d'éviter l'oisiveté, instruction de tous les vices, et de mortifier la concupiscence, l'auteur de la Somme signe une quatrième raison d'accomplir cette loi; et cette raison dernière, non moins décisive à ses yeux, c'est que notre propre travail doit nous permettre de secourir le prochain dans ses besoins. Le travail est une nécessité, le travail est une ascèse; il doit être aussi une charité; il doit servir - empruntons à la règle de saint Benoît une expression d'une très belle plénitude - « à acquitter intégralement la dette de la charité fraternelle. »


-Georges Goyau, Le Catholicisme - doctrine d'action. 1921.

jeudi 17 novembre 2016

Ce que nous devons au catholicisme

Il a commencé de travailler pour nous avant même notre naissance. Nos origines portent le sceau d'une
prédilection. Les hommes qui furent nos pères, appartenaient à la race où s'est le mieux réalisée la civilisation du Christ: ils venaient de la France, pays de raison harmonieuse et de foi apostolique, et ils sortaient d'elle à la plus grande heure de son histoire.

Le catholicisme va dominer notre vie entière. A toutes les époques d'une existence particulièrement laborieuse, il sera la force la plus active de celles qui nous ont façonnés.

Le premier labeur et le plus âpre pour la Nouvelle-France fut de naître noblement. Pendant soixante ans, les rois ou leurs subordonnés tenteront de fonder la colonie avec les rebuts du royaume. L'échec les éclairera, mais surtout l’Église qui a vu le dessein apostolique de la monarchie française et l'accorde avec son idéal. En plaçant au premier plan les intérêts éternels du Nouveau-Monde, elle comprend que le point d'appui de son apostolat auprès des races indigènes ne peut être qu'une race probe et catholique. N'est-ce pas sa volonté enfin triomphante qui s'exprime dans l'édit des Cent-Associés : "Monseigneur le Cardinal Richelieu estant obligé par le devoir de sa charge, de faire réussir les sainctes intentions et desseins des dits Seigneurs roys, avait jugé que le seul moyen de disposer ces peuples à la cognoissance du vray Dieu, estoit de peupler ledit pais de Naturels François Catholiques, pour, par leur exemple, disposer ces peuples à la cognoissance de la Religion Chrestienne. . . " Cette simple loyauté de l'Eglise nous valut de naître du meilleur sang de France et dans la foi catholique. Huguenots et gibiers de prison furent écartés d'une terre où l'on voulait fonder un peuple apôtre. Et comment évaluer ce qu'une telle composition de nos éléments nationaux représentait de cohésion, de vigueur morale, de ferments vertueux ?

Sur ces éléments encore informes, l'Eglise fît planer son souffle créateur. Née à la vie, notre jeune race dut aborder un autre labeur, non moins âpre, celui de sa croissance. Elle grandit, comme l'on sait, dans la pénurie de l'assistance administrative, presque dans la misère; à peine sortie du berceau, elle ne connut d'autre jeu que celui de la guerre et, pour conquérir un sol dur entre tous, elle dut manier le fusil presque autant que la hache.

Pour traverser ces rudes débuts, la Nouvelle-France retrouva la même égide. Jusqu'à l'année 1663 , date où intervient le roi, ce sont des hommes d'Eglise, les Récollets puis les Jésuites qui suppléent les compagnies et assistent les gouverneurs. A partir de 1648 , le Supérieur des Jésuites fait partie du conseil de la colonie. Bientôt la Nouvelle-France va saluer l'arrivée de François de Laval qui, par le prestige de son caractère et de sa vie, sera le premier personnage du pays. Telle est alors la prédominance de l'élément religieux que des historiens ont parlé de théocratie. Théocratie qui n'usurpe, en tout cas, que le droit de se dévouer intelligemment, si j'en crois ce mot de Colbert à Mgr de Laval : "La colonie canadienne n'a de vie que depuis le temps où vous vous êtes dévoué pour elle".

Avant même l'arrivée de l'évêque, le dévouement de l'Eglise devançait les besoins de la Nouvelle-France. A Québec il n'y a guère, en 1635, que 300 habitants lorsque les Jésuites fondent leur collège. Quatre ans plus tard, les Ursulines ouvrent leur première école pour 40 petites filles, cependant qu'à Ville-Marie Marguerite Bourgeoys attend, pour les instruire, que les enfants soient en âge. Œuvres d'enseignement, œuvres de charité, tous les organismes se créaient l'un après l'autre ; et, chaque fois, pour jeter dans notre histoire un ferment immortel, un saint ou une sainte était préposé à la tâche de fonder. Champlain, François de Laval, Marie de l'Incarnation, la Mère de Saint-Ignace, Maisonneuve, Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys, les Pères Le Jeune, Lalemant, les Sulpiciens Souart, Dollier de Casson, appartiennent à l'humanité des élus qui se mêlent éternellement aux œuvres qu'ils fondent. Grâce à ces puissantes ressources spirituelles nous allions traverser une autre phase périlleuse de notre croissance. Avec l'arrivée des colons de Colbert, la Nouvelle-France se met à grandir par accroissements subits, précipités. Quel état peu propice à la morale que ces établissements hâtifs où les arrivants se croisent et se mêlent, où les colons se dispersent sur un immense pays, sans églises, presque sans prêtres et sans cadre social.

Les guerres continuelles, les exigences de la traite des fourrures aggraveront cette incohésion. Pendant longtemps la population de la Nouvelle-France aura l'air d'une série de camps volants. Contre l'Iroquois qui dévaste le pays, contre l'Anglais qui menace les frontières, au service des traitants qui mobilisent les canotiers, hommes mariés, jeunes gens se font en grand nombre coureurs de bois ou de fleuves, vagabonds de la gloire qui étendent les frontières encore plus qu'ils ne les défendent. Le spectacle est magnifique d'audace aventureuse et chevaleresque. Mais quel péril pour les mœurs que ce nomadisme prolongé où succombe une trop grande partie de la population. Le bonheur de la Nouvelle-France fut alors d'être gouvernée par des évêques de la grande tradition dont la hardiesse apostolique allait aussi loin que le devoir. Leurs mandements de ce temps-là nous révèlent avec quelle vigueur, quelle ténacité, ils s'élevaient contre tous les dérèglements.


Pour eux le progrès, la civilisation véritable n'est pas dans les gains du commerce ou de la gloire ; elle consiste avant tout dans la dignité des mœurs, dans la domination de la volonté sur les mauvais instincts de la nature humaine. Aussi le luxe, la vanité, l'usure, l'indécence, l'ivrognerie, le mépris du dimanche se heurteront-ils à de véhémentes dénonciations. Quel fier courage que celui de ces chefs d'Eglise dont l'un osait bien s'adresser "au gouverneur et à la gouvernante", pour leur rappeler l'obligation où ils sont de donner le bon exemple au peuple." Leur sévérité est sans ménagements pour les corrupteurs ; ils n'admettent point "qu'il y ait des cabarets dans les paroisses", et ils défendent d'absoudre "ceux qui veulent gagner leur vie par ce détestable commerce". Rigueurs excessives, diront quelques-uns. Rigueurs salutaires, diront les autres qui verront les précoces vermoulures écartées du millier de familles qui allaient devenir les souches d'un peuple.

Pour la défense de la race, il est deux bastions, entre autres, que nos évêques ont élevés de leurs mains: la famille et la paroisse. La famille du Canada français est une des gloires de notre peuple, "une des plus grandes merveilles de l’Église catholique en ces deux derniers siècles", a écrit un historien. Et ces grands éloges, l'on veut qu'ils lui soient décernés pour la façon admirable dont elle s'est acquittée de ses fins naturelles. Mais qui a fait la famille canadienne-française? Qui lui a donné ses lois, son âme, ces vertus de force et de pureté qui, au courage de faire son devoir, lui ont ajouté la puissance de le bien accomplir? Ici encore, ayons la loyauté de le reconnaître, l'Eglise a tenu le premier rôle et le plus actif. A l'heure où se fondaient nos premiers foyers, les Jésuites puis François de Laval leur imposèrent comme idéal la sublime famille de Nazareth. C'est l'Eglise qui a défendu chez nous la dignité du mariage ; sur les sources de notre vie, elle n'a cessé de veiller pour que rien d'impur ne s'y mêlât. Rappelons seulement, pour montrer jusqu'où allait en ce temps-là sa vigilance, que les prêtres ne pouvaient admettre à la bénédiction nuptiale, les soldats séducteurs et leurs victimes.

L'histoire de nos origines prendra, de ce fait, une particulière noblesse. C'est ainsi que les registres du
gouvernement de Québec n'attesteront que deux naissances illégitimes jusqu'à l'année 1690 et qu'un relevé de toutes les naissances de la colonie révélera à peine huit accidents par 1,000 enfants.

Ces foyers pleins d'honneur, c'est déjà une première garantie de l'éducation des enfants que l'Eglise n'a. pas moins surveillée. N'est-ce point par l'autorité sainte dont elle revêt le père, le vrai chef familial pour elle, n'est-ce point par l'ardeur de piété qu'elle allume au cœur de la mère que Mgr de Saint-Vallier pourra appeler chaque famille canadienne "une petite communauté bien réglée"? L'oeuvre de l'Eglise, voulez-vous la voir dans une forme concrète? Contemplez-la dans la symbolique cérémonie de la bénédiction, au matin du jour de l'an, alors qu'agenouillés devant leur père, devenu pontife domestique, les enfants confessent l'unité chrétienne de la famille et son ordre qui est un ordre divin.

Là ne s'arrêtera pas le génie organisateur de l'Eglise. Le régime féodal n'avait guère jeté, entre les habitants d'une même seigneurie, que des liens juridiques. La véritable société publique, celle qui élève une autorité au-dessus des groupes familiaux, les associe pour un progrès plus étendu et plus parfait, cette société ce sera la paroisse, institution strictement ecclésiastique sous l'ancien régime. Par un arrêt de son conseil d'Etat, en date du 17 mai 1699, le roi retire définitivement aux possesseurs de fiefs le patronage des églises qui sera conféré à l'évêque avec le droit de faire bâtir des temples où celui-ci le jugera convenable.

"L'évêque de Québec a eu une part essentielle dans le Règlement des districts fait en 1721", écrivait Mgr Plessis. "Il a toujours été en possession d'ériger les paroisses. Les archives de l'évêché font foi de 38 paroisses anciennement érigées par les Evêques de ce pays, entre lesquelles quatre n'ont eu leur érection que depuis le Règlement des districts.... Toutes ces érections consistent en un Décret ecclésiastique latin, signé de l'évêque et contresigné de son secrétaire."

La paroisse canadienne est constituée avant tout pour le progrès religieux. Mais le progrès religieux ne s'isole pas dans sa transcendance. L'une de ses vertus est de faire de l'ordre au-dessous de lui et de n'être une règle que pour devenir un principe vivifiant. La paroisse, cela voulait dire. au temps de la Nouvelle-France, l'homme de Dieu, le gardien de la foi et de la morale, constitué chef de la société ; cela voulait dire les rapports des hommes réglés par la charité et la justice chrétiennes; l'église devenant le pôle attractif des âmes et les unissant par le lien le plus vigoureux, celui d'une foi commune. La paroisse, ce fut même, pendant longtemps, le seul cadre où s'épanouit quelque vie publique. Jusqu'après le régime français, les réunions pour fins d'église sont à peu près les seules assemblées populaires. Dès l'érection des premières paroisses, François de Laval remet aux habitants les frais du culte; les fabriques sont constituées avec marguilliers électifs; et le synode de 1690 rappellera qu"'il a été ordonné que les curés feront part aux marguilliers des choses qu'ils souhaiteront faire dans leurs églises".

Assises de nos familles, assises de nos paroisses, tout cela nous le devons à nos évêques. Pourtant leur action a voulu s'étendre encore plus loin, atteindre l'Etat lui-même ou ce qui fut alors notre organisme de gouvernement. Conseillers du conseil souverain, et, pour ainsi dire les seuls permanents, nos évêques ont tenu, au parlement de la Nouvelle-France, le premier rôle. C'est déjà marquer en quel sens ils vont orienter la législation de la colonie d'où nous vient une partie de notre droit actuel. L'on sait également avec quelle énergie, contre les gouverneurs et les parlementaires gallicans du conseil, ils ont défendu les prérogatives de la puissance spirituelle. Autant qu'ils l'ont pu, ils ont fait admettre et fait passer dans nos moeurs publiques, la juste subordination des pouvoirs. Et qu'est-ce à dire si ce n'est poser là le fondement de l'ordre social et politique? Ceux qui savent le rôle de la vérité dans la vie d'un peuple, les relations étroites des droits de l'homme aux droits de Dieu, salueront dans ces hommes d'Eglise de vrais hommes d'Etat. Il n'est pas nécessaire d'avoir fouillé bien longuement l'histoire du monde, pour apercevoir dans l'Etat désorbité et sans frein, un fauteur de désordre, l'ennemi le plus dangereux de la liberté humaine. "Droits de l'homme, liberté de l'homme, liberté humaine, existence distincte des nations", a dit Louis Veuillot, "autant de pensées du Christ, voulues et acceptées par sa seule Eglise".

De cet ordre catholique, de la prédominance de l'idée religieuse, devait naître une jeune race remarquable par sa haute moralité et le bel ensemble de son âme. Son histoire sociale sera émouvante comme une pastorale traversée de chants épiques; son histoire militaire fera penser à un manuel d'héroïsme. Mais nous ne savons si l'Eglise n'a pas déposé au front du jeune peuple un laurier encore plus glorieux.

La Nouvelle-France est restée fidèle aux desseins de ses fondateurs. La pénétration française au cœur du continent ne fut pas seulement une merveilleuse aventure commerciale et militaire; ce fut en même temps, une irrésistible poussée de l'apostolat catholique. Rarement les explorateurs dépassent les missionnaires. Quand Champlain touche au pays des Hurons en 1615 , les Récollets l'y ont précédé ; quand de Saint-Simon s'en va vers la baie d'Hudson, le Jésuite Albanel l'accompagne; Marquette est de la flottille qui avironne vers le Mississipi; Cavelier de la Salle mène toujours avec lui des religieux et des prêtres; et le Père Mesaiger puis le Père Aulneau sont de l'expédition des La Vérendrye.

Mais voici qui vaut mieux encore: l'évangélisation des indigènes n'est pas seulement l'affaire des missionnaires; c'est une œuvre collective à laquelle tout le jeune peuple s'associe. Ville-Marie est fondée pour
être à la fois un bastion de la colonie et un séminaire d'apôtres. Aux associés de la Sainte-Famille, François de Laval propose de "servir à la conversion des infidèles de ce pays, par l'exemple d'une vie irréprochable". A partir de l'année 1636 ce voeu se propage, parmi les colons de Québec, de communier douze mois de suite, de dire autant de fois le chapelet, de jeûner la veille de l'Immaculée-Conception pour obtenir "la conservation de ce pays et la conversion des pauvres sauvages qui l'habitent". Oui, telle était bien l'atmosphère des âmes. Et si "la prière de chaque nation", comme l'a écrit le comte de Maistre, "indique l'état moral de cette nation," quelle grandeur l'Eglise n'avait-elle pas déposée dans l'âme de nos pères!

Viennent maintenant les jours mauvais! Les noblesses de son histoire, tous ses grands souvenirs deviendront des énergies morales pour notre peuple, des impulsions immatérielles qui l'animeront à durer. Car le labeur de la Nouvelle-France n'est pas achevé. Après avoir eu tant de peine à naître et à vivre, la question se posera pour elle de survivre

Le premier service que nous rendit l'Eglise, au lendemain de 1760 , fut de nous conserver la foi. Qui oserait prétendre, en effet, que la foi des vaincus eût subsisté en ce pays, si nos chefs religieux avaient cédé aux manœuvres du vainqueur et accepté la suppression de l'épiscopat?

Ce service a déjà quelque valeur pour un peuple qui sait le prix de la vérité religieuse. Mais ajoutons avec l'histoire que l'Eglise a coopéré plus que personne à la préservation nationale. Si nous cherchons les causes de notre survivance, il faut écarter résolument tout ce qui évoque l'idée de la puissance matérielle. Qu'était-ce, pour faire face à la plus grande puissance européenne du dix-huitième siècle, que 65, 000 paysans ruinés par la guerre, abandonnés à eux-mêmes? Si nos pères ont survécu, c'est qu'une certaine dignité morale leur a donné la fierté de rester eux-mêmes; c'est que leurs institutions familiales, la pureté de leurs mœurs, leur permirent d'enfanter abondamment de la vie; c'est que le travail les garda laborieux, leur accorda de refaire leur pays et d'en agrandir le domaine; c'est enfin que leur organisation sociale sut grouper, pour les rendre puissants, les petits efforts et les modestes ressources.

Les œuvres, les organismes de vie et de résistance que ni la richesse ni le nombre ne pouvaient créer, le désintéressement, le courage les mirent debout. De telle sorte que, parmi les causes de notre survivance, aucune ne saurait être nommée qui n'appartienne à l'ordre moral, lequel relève de l'Eglise.

Le serment de Dollard et de ses compagnons

La volonté de rester nous-mêmes, qui l'a plus fortement affirmée que notre clergé? Mgr Hubert, le deuxième évêque de race canadienne-française, appliquera, l'un des premiers, à notre groupe ethnique, le mot "nation". Ce sont nos évêques, nos prêtres qui redoutent le plus l'anglicisation parce qu'ils y voient une menace d'apostasie.

A Québec c'est Mgr Hubert, à Montréal ce sont les Sulpiciens qui fondent les premières écoles bilingues pour arracher les écoliers canadiens-français aux écoles anglo-protestantes. C'est l'Eglise qui, la première, a vu le piège de l'Institution Royale et a fait écarter cette mainmise de l'église anglicane et de l'élément anglo-saxon sur notre enseignement public. Aujourd'hui encore n'est-elle pas la seule à mettre des entraves à la fréquentation des écoles et des universités de religion et de langue étrangères? Depuis la conquête, la famille canadienne n'a pas trouvé, non plus, de protectrice plus courageuse que l'Eglise. Qui ne voit, par exemple, que la prohibition des mariages mixtes protège non seulement la foi, mais notre homogénéité française?

Nos foyers, l'Eglise les défend chaque jour et presque seule contre les abus et les errements de toute sorte, en particulier contre le mal abominable du divorce. Et puisque, au témoignage de le Play, "les familles soumises à Dieu . . . sont la vraie force des nations libres et prospères", qui donc, en bonne vérité, oserait attribuer à d'autre que l'Eglise la conservation de cette force ?

Pour les mêmes fins elle a fortifié le cadre social de la paroisse. "La paroisse a sauvé la race française du Canada", répètent de toutes parts historiens et économistes. Et, sans doute, c'est une vérité indiscutable. Mais si la paroisse fut pour notre race le bastion sauveur, si l'on a vu s'y épanouir, depuis 1760 , une vitalité plus vigoureuse, plus féconde même que sous l'ancien régime, à qui le devons-nous, si ce n'est à l'homme qui, par le départ ou la démission des autres, demeura la plus grande et quelquefois la seule autorité sociale?

Le colonel de Salaberry,
le vainqueur de la bataille de Châteauguay
Bronze sur la façade du parlement de Québec
C'est par cet homme qui fut le prêtre, que la prééminence de l'idée religieuse s'imposa plus que jamais à la paroisse canadienne. Par le prêtre toujours, l'organisme religieux acquit assez de force pour animer de son esprit l'organisme scolaire et même l'organisme civil qui se développaient en lui. Et voilà comment s'est vérifiée pour nous cette loi universelle, qu'en toute vie composée d'éléments divers, le progrès s'affirme avec puissance où l'élément supérieur gouverne les autres.

Gardienne de la famille et de la paroisse, l’Église fit comme elle avait fait sous l'ancien régime: elle se chargea en plus des intérêts généraux de la race. Personne ne conteste qu'elle ait créé, sans la moindre assistance de l'Etat, notre enseignement secondaire et supérieur; l'enseignement primaire, elle l'avait soutenu jusqu'à 1760 , de son dévouement encore plus que des subventions royales; après la conquête, elle le maintient au milieu des ruines et elle le relève. Pendant longtemps il n'y aura d'école qu'à l'ombre de l'église. Lorsque, enfin, échappés à la servitude politique, nous commencerons à organiser les fonctions de notre vie sociale, nous retrouverons encore l'Eglise dans le même rôle; elle défendra les droits de la famille contre les nouveaux pouvoirs comme elle les avait défendus jadis contre les assimilateurs. Et le régime d'enseignement public qu'elle fera prévaloir, s'il n'est point sans infirmités, n'en a que d'imputables à l'ambition de l'Etat.

A ce moment, sa fécondité magnifique ajoute au droit de l'Eglise de parler haut. Pendant que les écoles naissent sur tous les points, au milieu d'un peuple trop pauvre pour les soutenir de ses seuls deniers, l'Eglise met au plus bas prix le coût de l'enseignement. Elle fait venir de France des communautés enseignantes; elle en crée un bon nombre sur place. En peu d'années, ces grandes familles spirituelles assument la plus lourde part du fardeau et donnent à nos écoles un haut caractère moral.

L'Eglise fait de même pour le service de la charité. En même temps qu'elle le met au plus bas prix, elle s'efforce de lui maintenir son auréole surnaturelle. Communautés étrangères et communautés canadiennes se vouent au soulagement de toutes les misères. Et c'est, au milieu de nous, une floraison d’œuvres qui représentent pour l’État d'incalculables économies et font l'étonnement de l'étranger.

La fécondité sera telle que l'Eglise prélèvera sur cette richesse pour prêter aux autres. Du surplus de ses vocations et quelquefois de son nécessaire, elle organisera la vie religieuse de toutes les provinces canadiennes; elle suivra jusqu'aux Etats-Unis nos frères exilés ; elle dépassera même ces vastes champs; et la voici en train d'accomplir dans les pays de missions une oeuvre apostolique sans parallèle. Rôle sublime qui n'établit pas seulement devant le monde la qualité morale de notre peuple, mais qui ajoute à la majesté de notre histoire et accroît peut-être nos chances de survie.

Si Dieu est le grand personnage de l'histoire humaine, ce peuple-là n'amasse-t-il point des gages d'avenir qui se fait le collaborateur des œuvres divines ?

Voilà bien ce que nous devons au catholicisme. Pour apercevoir ce rôle immense, il faudrait comprendre ce que cela vaut à un peuple d'avoir trouvé, dans son berceau, comme un cadeau de naissance, la foi catholique, c'est-à-dire cette lumière allumée devant les hommes pour éclairer les réalités divines et qui, par cela même, projette le plus de clarté sur les réalités humaines. La foi catholique, cela veut dire, pour un peuple, la vérité domestique, la vérité politique mises hors de question ; cela veut dire, dans un pays, la salubrité intellectuelle, la préservation des aventures doctrinales qui se paient en reculs quand ce n'est pas en catastrophes. La foi catholique, cela veut dire aussi la morale qui atteint le plus profondément chaque individu d'une nation, qui fournit à la volonté humaine le plus haut idéal de vertu et les moyens les plus efficaces de l'atteindre. D'avoir été un peuple qui priait et allait à la messe, qui se confessait et communiait, qui pratiquait le culte des saints, héros supérieurs de l'humanité, qui pourrait dire ce que notre histoire a gagné, par cela seul, en force et en beauté ?

Ce n'est pas assez de dire du catholicisme qu'il fut l'arc-boutant de notre race ; il en est l'armature, l'âme indéfectible qui soutient tout. Si quelque raison pouvait ajouter à la grandeur de ce rôle, ce serait la constance avec laquelle il a été tenu. Depuis le jour où l'Eglise suspendait la croix au portique de notre histoire, qui oserait marquer une défaillance, une interruption dans son dévouement, une heure où elle ait paru lassée d'être la bienfaitrice du peuple canadien-français ? Puissions-nous ne jamais oublier de tels services! Puisse-t-on s'en souvenir en quelques hautes sphères où l'on fait voir quelquefois plus de puissance à détruire qu'à créer!

Dans un autre âge que le nôtre, en l'une de ces époques de foi où les réalités religieuses s'imposaient fortement aux esprits, un grand artiste se lèverait parmi nous pour figurer sous quelque forme idéale cette Providence magnifique. Qui sait ?

Le jour viendra peut-être où notre hommage animera quelque pierre sublime. Ce jour-là le monument sera dressé sur l'un des plus hauts points du pays et la reconnaissance d'une race aura gravé sur le Socle: "A la Mère auguste de la patrie!"


-Abbé Lionel Groulx, Notre maître, le passé. Tome I. Bibliothèque de l'Action française, 1924. Pp 245-259.

mercredi 16 novembre 2016

Donald Trump vu de droite



Par Jean-Claude Dupuis, Ph. D.

Tradition Québec (15-11-2016)

Les Américains devaient choisir entre une folle et un clown : ils ont élu le clown.
America is Great Again!


Pat Buchanan
Si j’étais Américain, j’aurais eu de la difficulté à faire un choix. Bien sûr, j’aurais d’abord écarté Hillary Clinton, trop associée à la haute finance, à la décadence morale, aux guerres pro-sionistes. Parmi les candidats marginaux, le programme de Darrell Castle, du Constitution Party, ouvertement chrétien, m’aurait peut-être intéressé. C’est le parti de Pat Buchanan, le seul politicien catholique traditionaliste des États-Unis. Voter pour un groupuscule permet d’affirmer ses convictions. Annuler son vote permet de sauver l’honneur. Mais en pratique, les deux solutions reviennent à gaspiller son bulletin de vote. Castle n’a récolté que 0,14% des voix. Reste la possibilité de voter pour « le moindre mal », par soucis « d’efficacité ». En l’occurrence, fallait-il voter pour Donald Trump, le candidat de « l’antisystème »?


UN POLITICIEN DOUTEUX
J’aurais eu du mal à voter pour Trump. Le personnage n’est guère sympathique. Son grand-père exploitait des maisons closes durant la ruée vers l’or du Klondike, au Yukon (1898). Son père acquit une fortune de 300 millions$ dans la construction résidentielle. Donald Trump est donc un « fils à papa », et non un Self Made Man digne de l’American Dream. Il s’enrichit davantage (4 milliards$) dans l’immobilier, les casinos (Trump Taj Mahal d’Atlantic City) et la production d’émissions de télévision (Sex and the City). Il a organisé des concours de beauté, des galas de lutte et des tournois de golf. Il s’est fait connaître dans le grand public en animant une émission de téléréalité axée sur le culte de l’argent, The Apprentice. Les noms de ses entreprises dénotent un narcissisme de parvenu : Trump Tower, Trump Las Vegas, Trump University, Trump National Golf Club, etc. Il se vante d’être un « homme d’affaires à succès », mais il a surtout œuvré dans la spéculation immobilière et le monde du spectacle. C’est peut-être moins déshonorant que la bourse, mais ce n’est pas un chevalier de l’industrie à la Henry Ford ou à la Bill Gates. La Trump Organization  a d’ailleurs frôlé la faillite dans les années 1990. Et comme tous les milliardaires, il s’arrange pour ne pas payer d’impôts.

La vie privée de Donald Trump  n’est guère plus reluisante. Il a épousé trois mannequins, dont deux étrangères, ce qui dénote une certaine superficialité. Il est connu pour sa grossièreté et son machisme. À l’instar de Bill Clinton, il n’a pas fait de service militaire durant la guerre du Vietnam. Trump semble avoir été marqué dans sa jeunesse par le mouvement de contre-culture des années 1960. Il s’est prononcé, il y déjà plusieurs années, en faveur de la légalisation de la drogue et du mariage des personnes de même sexe. On peut se demander si un homme d’affaires peut ouvrir des hôtels à Las Vegas et à Atlantic City sans avoir des liens avec le crime organisé. Sur le plan religieux, il est probablement athée, bien qu’il ait redécouvert « l’héritage chrétien » des États-Unis à des fins électorales.

Sa campagne a été marquée par de nombreuses déclarations indignes d’un chef d’État. Ses remarques sur la « prise de poids » de Miss Univers 1996 en ont choqué plusieurs. Trump n’a-t-il pas lui-même pris un peu de poids depuis ses vingt-cinq ans? Outre cette blague de mauvais goût, il a dit de véritables bêtises. Il a accusé le père de Ted Cruz d’avoir trempé dans l’assassinat de John F. Kennedy; il a dit qu’il annulerait l’ALÉNA en vingt-quatre heures; il a déclaré que les USA pourraient renier leurs engagements de l’OTAN en cas de guerre entre la Russie et certains pays d’Europe de l’Est; il a affirmé qu’il forcerait le gouvernement du Mexique à payer le mur qu’il construirait le long du Rio Grande. Il a multiplié les insultes personnelles. Il a dit la chose et son contraire sur bien des sujets. Il a même amené le débat politique sur la cruciale question de la taille de son membre viril.
On n’avait jamais vu de telles pitreries dans une campagne électorale d’aucun pays. Quelle déchéance pour les États-Unis et la démocratie. Et pourtant, Trump a remporté la victoire. La moitié des Américains se sont reconnus en lui. D’un côté, c’est réjouissant parce que son programme allait généralement dans le bon sens. Mais de l’autre, c’est inquiétant de voir la « droite » représentée par un politicien qui ne croit pas vraiment aux idées de droite. On a comparé Donald Trump à Ronald Reagan, mon héros de jeunesse. Mais Reagan avait plus de convictions et de classe que Trump. Il était d’une autre génération et il croyait aux valeurs traditionnelles de l’Amérique; ce qui ne l’a pas empêché de faire tout de même le jeu du mondialisme. À quoi doit-on s’attendre avec Trump, qui ne semble croire qu’à sa propre image?


UN PROGRAMME SÉDUISANT
Voyons les aspects positifs du programme électoral de Donald Trump :


1.       Critique de la haute finance internationale et de la spéculation boursière.

2.       Préjugé favorable envers les classes moyennes.

3.       Réduction des taxes et des impôts.

4.       Réduction de la bureaucratie gouvernementale.

5.       Retour au protectionnisme économique, surtout face à la Chine.

6.       Appui au Brexit, le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

7.       Tendance à l’isolationnisme en politique internationale.

8.       Préjugé défavorable aux interventions militaires.

9.       Apaisement des tensions avec la Russie au sujet de la Syrie, et avec la Chine au sujet de la Corée du Nord.

10.   Désir que les alliés des États-Unis haussent leurs budgets de défense nationale, au lieu de compter uniquement sur le « bouclier américain ».

11.   Réduction de l’immigration et expulsion des immigrants illégaux.

12.   Préjugé défavorable à la culture musulmane.

13.   Lutte vigoureuse contre le terrorisme.

14.   Défense de l’héritage chrétien et de la liberté religieuse.

15.   Rejet de la théorie du réchauffement climatique.

Mais le discours de Donald Trump contient aussi des éléments moins positifs :

1.       Réductions d’impôts à l’avantage des plus riches.

2.       Rejet du régime public d’assurance-maladie (Obamacare).

3.       Dérèglementation de l’activité économique.

4.       Refus de hausser le salaire minimum.

5.       Légalisation de la drogue.

6.       Maintien du libre-choix de l’avortement.

7.       Maintien des droits des homosexuels.

8.       Opposition au contrôle des armes.

9.       Abolition des prêts-étudiants consentis par l’État.

10.   Acceptation de l’usage de la torture (« supplice de la baignoire »).

11.   Incertitude sur les engagements internationaux, comme l’OTAN et l’ALÉNA.

12.   Propos méprisants à l’égard du Canada et du Mexique.

13.   Remise en question de l’accord sur le programme nucléaire iranien.

14.   Transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.

15.   Soutien inconditionnel de l’État d’Israël.
Somme toute, on comprend que les esprits conservateurs, aux États-Unis comme dans le reste du monde, aient été séduits par le discours populiste de Donald Trump, surtout qu’il faisait enrager les bien-pensants de Radio-Canada. Mais dans les milieux de droite, y compris les catholiques traditionalistes, on semble croire que Trump sera le « sauveur » de l’Occident. Restons prudents.


DE PRO-CHOIX À PRO-VIE?

Donald Trump était initialement pro-choix (en faveur du droit à l’avortement), mais il prétend avoir évolué à partir de 2011, et il se dit maintenant pro-vie. Durant la campagne de 2016, ses déclarations à ce sujet allaient dans tous les sens. Je ne crois pas tellement à ce virage pro-vie. Un homme ne change pas d’idée sur une question aussi fondamentale à 65 ans. Son opinion est faite depuis longtemps. Trump est certainement pro-choix. D’ailleurs, comment pourrait-il être pro-vie après avoir fait la promotion du libertinage dans ses émissions de télévision? Il aurait fallu toute une « conversion », dont il n’a montré aucun signe. Mais il devait obligatoirement changer son discours pour mobiliser la base du parti républicain, car 50% des travailleurs bénévoles et 25% du financement du parti républicain proviennent du mouvement pro-vie.

Trump a promis de nommer des juges pro-vie à la Cour Suprême dans l’espoir de renverser l’arrêt Roe vs Wade (1973), qui a légalisé l’avortement aux États-Unis. Mais ne nous faisons pas d’illusions. Tous les présidents républicains ont nommé des juges pro-vie à la Cour Suprême depuis les années 1980. Le ban de la Cour Suprême a souvent été majoritairement pro-vie, mais toutes les décisions qui touchaient de près ou de loin à la question de l’avortement sont allés tout de même dans le sens pro-choix. Les aspirants à la Cour Suprême se déclarent pro-vie pour obtenir l’appui des sénateurs républicains, mais ils rendent ensuite des décisions pro-choix, peut-être sous l’influence des loges maçonniques qui les ont fait monter dans la carrière juridique. Ronald Reagan a parlé contre l’avortement durant toute sa présidence, mais il y eut plus d’avortements aux États-Unis en 1988 qu’en 1980. Les braves, mais naïfs, militants pro-vie n’ont pas fini de se faire avoir.


ERETZ ISRAËL
S’il y a un sujet sur lequel Hillary Clinton et Donald Trump étaient d’accord, c’est bien la défense des intérêts géopolitiques de l’État d’Israël. Les deux candidats faisaient même de la surenchère dans l’expression de leur sionisme. Il faut dire que Clinton et Trump ont un point en commun : ils ont tous deux une fille mariée à un juif. Ivana Trump, qui aura, semble-t-il, un poste politique dans le gouvernement de son père, qui rêve sans doute de créer une « dynastie Trump », a épousé le milliardaire juif orthodoxe Jared Kushner. Elle s’est même convertie au judaïsme; ce qui n’est pas le cas de Chelsea Clinton, qui a épousé un juif libéral, Marc Mezvinsky (la noce a coûté 4 millions$).

D’après le journal israélien Haaretz, de tendance libérale, le discours que Donald Trump a prononcé devant l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) a marqué un tournant dans la campagne. « Il est entré dans la salle comme un démagogue raciste, et il en est ressorti certifié cachère », écrit le journaliste Chemi Shalev.
Trump a donné des gages aux sionistes en promettant de déménager l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, ce qui revient à reconnaître les annexions territoriales israéliennes de la Guerre des Six Jours (1967), qui restent officiellement condamnées par toute la communauté internationale, y compris les États-Unis, en vertu de la résolution 242 de l’ONU. Il a également promis de déchirer l’accord Washington-Téhéran sur le programme nucléaire iranien (2015), une promesse qu’il a pris soin de répéter dès le lendemain de son élection. Trump veut réduire la pression américaine sur la Corée du Nord, au risque de déplaire à des alliés comme la Corée du Sud et le Japon, mais il n’est pas prêt à déplaire à l’État d’Israël en réduisant la pression sur l’Iran. Deux poids, deux mesures.
Lors des élections israéliennes de 2013, Trump avait soutenu publiquement le chef du parti Likoud (droite), le premier ministre Benjamin Netanyhaou, qui prône la « ligne dure » au Moyen-Orient. Netanyhaou a condamné l’accord de paix conclu entre les États-Unis et l’Iran. Ce traité est l’une des réussites de l’administration Obama parce qu’il a évité aux Américains d’être engagés dans une troisième guerre au Moyen-Orient, après celles d’Afghanistan et d’Irak. Mais Netanyahou accusait Barak Obama d’avoir « trahi » l’État d’Israël. Le multimilliardaire israélo-américain, Sheldon Adelson, qui a fait fortune dans les casinos de Las Vegas, avait promis de venger ce crime de « lèse sionisme » en abattant le parti démocrate aux prochaines élections. Il a donné près de 150 millions$ au candidat républicain. Évidemment, cela n’explique pas la victoire de Trump, car Hillary Clinton recevait le même soutien financier de George Soros, qui est l’alter ego d’Adelson pour le parti démocrate. Mais le lobby ultra-sioniste avait un compte à régler avec Obama, et il l’a peut-être réglé sur le dos d’Hillary Clinton grâce aux médias qui étaient plus complaisants qu’on ne le pense avec Donald Trump. Et l’on connaît l’influence de la communauté juive sur la grande presse américaine.

LA PRESSE ANTI-TRUMP?
En apparence, les médias soutenaient Clinton. Mais en réalité, ils ont favorisé la candidature de Trump. Le portrait négatif qu’ils faisaient de Trump lui permettait justement d’atteindre l’électorat qu’il visait. À mon avis, si les médias avaient vraiment voulu « casser » Trump, ils auraient pu le faire en quelques semaines, comme ils l’ont fait avec Pat Buchanan dès qu’il eut remporté une ou deux victoires aux primaires républicaines de 1996. Il aurait suffit que les médias passent Trump sous silence, comme ils l’ont toujours fait avec Jean-Marie Le Pen, en France. Mais ils ont tellement parlé de ses moindres frasques, qu’ils ont objectivement aidé sa campagne. Et je ne pense pas que les patrons des médias soient assez stupides pour avoir agi de manière « inconsciente », contrairement aux petits journalistes gauchisants qui ne comprennent rien au jeu politique.

Notons que la bêtise et la vulgarité de Donald Trump n’ont pas nuit à sa campagne électorale. Les gueulards des radio-poubelles, que l’on classe abusivement à « droite », ont habitué les Américains depuis des années à ce genre de discours de bas étage. La vraie droite est d’un autre niveau intellectuel et moral.

Le style du président des États-Unis peut avoir une grande influence sur la société à cause de son prestige. À cet égard, on peut féliciter Barak Obama d’avoir assumé dignement sa fonction de président, sans être tombé dans aucun scandale financier ou moral. L’image projetée par les chefs d’État est presqu’aussi importante que les lois qu’ils adoptent. Les détenteurs de l’autorité civile doivent montrer le bon exemple au peuple. Avec Trump, on peut s’attendre au pire. Les politiciens sans personnalité (et ils sont nombreux) se mettront à l’imiter, comme ils essayaient autrefois d’imiter John F. Kennedy. Ça ne rehaussera pas le niveau culturel de notre civilisation.

LES DEUX AMÉRIQUES
Tous les observateurs ont souligné le clivage sociologique qui se profilait derrière l’affrontement Trump-Clinton. La base électorale de Donald Trump se compose d’Américains de race blanche et de classe moyenne, qui habitent les banlieues, les petites villes ou les régions rurales. La base électorale d’Hillary Clinton se recrute surtout dans les grandes villes cosmopolites. C’est « l’Amérique profonde » contre « l’Amérique plurielle ». Le même genre de clivage entre les républicains et les démocrates se manifeste à chaque élection depuis une vingtaine d’années. Les États-Unis n’ont jamais été aussi « désunis » depuis la Guerre de Sécession (1861-1865), qui opposa le Nord au Sud. Ce pays s’achemine-t-il vers une autre guerre civile? Les élections précèdent souvent les canons, comme le montre l’histoire des États-Unis dans la première moitié du XIXe siècle. Mais ne soyons pas trop prophète de malheur. Examinons plutôt le tableau suivant, tiré d’une étude du New York Times :




Catégorie d’électeurs

Donald Trump

Hillary Clinton

États-Unis (participation 55%)

47,5%

47,6%

Blancs (70% USA)

58%

37%

Blancs sans université

67%

33%

Blancs avec université

49%

45%

Afro-Américains (13% USA)

8%

88%

Hispaniques

29%

65%

Femmes

46%

54%

Hommes

43%

41%

LGBT

22%

78%

Anciens militaires

61%

34%

Washington DC

4,1%

92,8%

Manhattan NY

10,3%

89,7%

Moins 30 000$

41%

53%

30 000$ à 50 000$

42%

51%

50 000$ à 100 000$

50%

46%

100 000$ à 200 000$

48%

47%

200 000$ à 250 000$

49%

48%

Plus de 250 000$

48%

46%

18-29 ans

37%

55%

30-44 ans

42%

50%

45-65 ans

53%

44%

65 ans et plus

53%

45%

Villes de + 50 000 hab.

35%

59%

Banlieues

50%

45%

Villes de - 50 000 hab.

62%

34%

Enjeu : immigration

64%

32%

Enjeu : terrorisme

57%

39%

Enjeu : politique étrangère

34%

60%

Enjeu : économie

42%

52%

Pour le libre-échange

35%

59%

Contre le libre-échange

65%

31%

S’il fallait déterminer LE facteur explicatif de la victoire de Donald Trump, je dirais que c’est le même que pour le Brexit : une réaction instinctive du peuple contre ce qu’il faut bien appeler la politique d’auto-génocide par l’immigration massive que mène tous les États occidentaux depuis un demi-siècle. Les Américains ont exprimé leur désir de rester américains, sans trop savoir ni pourquoi ni comment. L’Amérique réelle s’est reconnue en Donald Trump, pendant que l’Amérique plurielle s’identifiait à Hillary Clinton. On pourrait dire que la « bonne » Amérique a gagné, mais avec un « mauvais » candidat. On doit donc se réjouir de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, mais sans trop d’enthousiasme.


UN FAUX CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE?
On parle déjà de la « Révolution Trump ». Je me souviens que l’on parlait aussi, au début des années 1980, de la « Révolution Reagan ». À l’époque, je croyais que le néo-conservatisme mettrait fin aux folies progressistes des années 1960. Reagan a plutôt fait passer l’Occident de la Guerre froide au Nouvel Ordre mondial, sans enrayer la décadence de la civilisation. On le prenait pour un contre-révolutionnaire, mais il a finalement accéléré la révolution mondialiste. Le rôle historique des « faux contre-révolutionnaires » est de neutraliser les véritables forces contre-révolutionnaires en les attirant sur une voie de garage. Ce fut le rôle de Napoléon Bonaparte et de Charles de Gaulle en France, de Jean-Paul II et de Benoît XVI dans l’Église, de Ronald Reagan et, bientôt, je le crains, de Donald Trump aux États-Unis. Un régime totalitaire engendre sa propre opposition factice pour empêcher l’émergence d’une véritable opposition, comme dans le roman de George Orwell, 1984. Le président « antisystème » pourrait bien, en définitive, travailler pour le système.

La droite réagit souvent comme le chien de Pavlov. Elle appuie aveuglément celui que les médias présentent comme un « dangereux réactionnaire », simplement parce qu’il a tenu quelques propos qui se rattachent vaguement aux valeurs traditionnelles.
Certes, il faut laisser la chance au coureur. Le président Trump fera de bonnes et de mauvaises choses, comme tous les chefs de gouvernement. Mais évitons de croire aux « faux messies », dont parle l’Évangile. La Contre-Révolution ne pourra venir que de l’Église catholique, lorsque la Providence fera en sorte qu’elle soit gouvernée par un saint pape véritablement catholique. Ce n’est peut-être pas pour demain. En attendant, étudions la doctrine sociale de l’Église et regardons le Vrai Messie, qui se trouve dans les tabernacles plutôt que dans les urnes