lundi 27 août 2018

Kebeka Liberata - Notre-Dame protège la Nouvelle-France des Anglais

L'intérieur de l'église. Description plus bas.
La guerre venait d'être déclarée entre la France et l'Angleterre. C'était une bonne occasion pour les colonies anglaises de l'Amérique d'envahir le Canada dont ils avaient l'intention de s'emparer.

"C'était là, dit Bancroft, leur passion dominante." Les sauvages des Cinq-Nations avaient contracté une alliance avec les ennemis des Français. M. de Frontenac qui venait de succéder à M. de Denonville, eut donc à lutter à la fois contre les colonies anglaises et contre la confédération iroquoise. Son courage et sa valeur sauvèrent la colonie d'une ruine, qui suivant toute prévision humaine, semblait inévitable. Cette courte période de notre histoire fut fertile en événements militaires importants, et les actes d'héroïsme militaire ne manquent pas à cette époque. Les annales canadiennes ont conservé le souvenir de plusieurs défenses héroïques. Une des plus célèbres est celle de madame de Verchères. Les exploits de M. D'Aillebout de Mantet et Lemoine de Ste-Hélène qui s'emparèrent de Corlar, dans la nuit du 8 février 1690, le courage de Hertel qui à la tête de 50 hommes, mit 2000 ennemis en complète déroute, sont autant de faits militaires qui prouvent jusqu'à quoi point M. de Frontenac, en prenant les rênes du gouvernement, avait su inspirer le courage a toute la population, et la terreur aux ennemis.

Les Anglais avaient résolu de prendre le Canada par terre et par mer. Le chevalier Guillaume Phipps reçut le commandement de la flotta destinée à s'emparer de l'Acadie et de Québec. Celle-ci parut en vue de la ville le 16 octobre au matin. L'amiral détacha immédiatement un officier pour sommer la place de se rendre. Le gouverneur, piqué du manque de convenance dans les termes de la sommation, lui dit : "Allez, je vais répondre à votre maître par la bouche de mes canons ; qu'il apprenne que ce n'est pas de la sorte qu'on fait sommer un homme comme moi." 

Le 18 octobre, l'ennemi tenta une descente entre Québec et Beauport. Mais il fut repoussé avec perte. Le même soir, les canons de la flotte de Phipps commencèrent le bombardement de la ville, qui fut continué le lendemain. "Cependant à mesure que le danger augmentait, les prières publiques redoublaient dans toute la ville. Les citoyens avaient pris pour patronne et pour protectrice la très Sainte Vierge. Une de ses bannières avait été apportée de Montréal, par M Joseph Serré de la Colombière, aumônier des milices, qui, lors de sa descente, l'avait placée comme un signe de salut à l'avant du canot qu'il montait. Cette bannière était portée chaque fois en procession dans toutes les églises... Les dames s'étaient engagées par un vœu solennel à se rendre en pèlerinage à l'église de la basse ville, si la sainte Vierge obtenait leur délivrance."

Un tableau de la Sainte Famille, appartenant aux Ursulines, fut exposé au haut du clocher de la cathédrale. "Cependant la confiance était telle, à Québec, écrit Ferland, que les dévotions publiques se continuaient comme dans les temps ordinaires. De la rade l'on voyait les hommes, les femmes et les enfants, se rendant aux offices de l'église sans paraître s'occuper de l'artillerie des Anglais."

Les ennemis ayant tenté de prendre Québec par la vallée de la rivière St-Charles, furent repoussés victorieusement par les Canadiens. Découragé à la suite de ses défaites successives, l'amiral Phipps abandonna son projet et rebroussa chemin complètement découragé. Les habitants de Québec sortirent comme d'un rêve,lorsque dans la journée du 21 octobre, ils virent la flotte disparaître derrière la falaise de Lévis. 
L'intérieur de l'église.

Les dames de Québec s'empressèrent d'accomplir leur vœu et firent leur pèlerinage solennel à l'église de la basse-ville. Cette victoire fit sensation en France. Louis XIV accorda des titres de noblesse à ceux qui s'y étaient le plus distingués, et nommément, aux sieurs Hertel et Juchereau, et il voulut qu'une médaille en perpétuât le souvenir. D'un côté on voit la tête de ce roi ; de l'autre, la France victorieuse est assise sur des trophées, au pied de doux arbres du pays, sur des rochers d'où s'échappe un torrent. Un castor va se réfugier sous un bouclier et le dieu sauvage du fleuve, qui épanche son urne aux pieds de la déesse, la contemple avec admiration. Pour devise on y a inscrit ces mots : Kebeka liberata M.DC. XC; et en exergue: Francia in novo orbe victrix (La France victorieuse dans le Nouveau monde).

« Kebeka Liberata Québec Délivré  
La ville de Québec symbolisée par une femme couronnée, est assise sur son  rocher au pied duquel le St-Laurent verse son urne.
Un castor prend ses ébats auprès d'elle. Elle foule aux pieds des boucliers, des cuirasses et des étendards aux armes d'Angleterre.  Le sujet et l'exergue sont empruntés à une médaille commémorative frappée au temps de Louis XIV. À droite de la T. S. Vierge 
 
Deus Providebat  
L'Ange Protecteur de la Nouvelle-France frappe la flotte de l'Amiral Walker qui, au milieu de la nuit et, par la brume, se jette sur le roc de l’île aux Œufs et s'y brise. »


C'est à partir de cette année du triomphe des armes français contre les Anglais et les Sauvages coalisés, que l'on a célébré chaque année dans la colonie, le quatrième dimanche d'octobre, la fête de Notre Dame de la Victoire dans le modeste sanctuaire de la basse ville. On cessa dès ce moment à le reconnaître sous le vocable de l'église de l'Enfant-Jésus à qui il avait été originairement dédié. Vingt et un ans plus tard on devait amplifier ce titre, à la suite d'une nouvelle intervention de la Providence qui sauva la ville d'un nouveau siège.

L'église Notre-Dame des Victoires.
En 1711, une flotte anglaise commandée par l'amiral Walker, se dirigeait sur Québec avec l'intention d'en faire le siège. Une brume épaisse qui couvrait le St-Laurent mit en défaut l'habileté du pilote, et huit des vaisseaux furent jetés sur l’île aux Œufs et y sombrèrent.

Ces événements se passaient vers le milieu d'août. Mais la nouvelle du désastre ne parvint à Québec qu'au commencement d'octobre. Elle fut accueillie avec une immense joie. La population de Québec se porta en foule à l'église de la basse-ville "pour remercier Notre Dame de la Victoire d'avoir délivré une seconde fois la colonie de la ruine. La verve des-écrivains se donna libre cours. "Le Parnasse devint accessible à tout le monde ; les dames même prirent la liberté d'y monter."

"Le pays était donc enfin délivré par la puissante protection de Marie ! Les Canadiens ne furent pas moins reconnaissants en 1711 qu'en 1690 ; on célébra une fête solennelle où M. de la Colombière prêcha avec un nouveau zèle et un grand succès, sur la fidélité à laquelle obligeait ce bienfait signalé de la très sainte Vierge ; la verve des poètes s'épuisa à rimer des poésies et des chansons sur le désastre de cette flotte ennemie,quatre fois plus nombreuse que tout ce que la colonie avait à lui opposer ; mais la piété voulut quelque chose de plus durable, pour témoigner à la postérité de sa reconnaissance envers sa céleste Libératrice. "

"Il fut conclu dans une assemblée générale, que l'on ferait une quête dans Québec et les environs, pour bâtir le portail de l'église de la basse-ville. Les communautés religieuses aussi bien que les citoyens donnèrent selon leurs ressources et môme au delà ; on recueillit plus de 6,000 livres. Il fut aussi question de fonder des messes en l'honneur de la sainte Vierge, où fut chanté le cantique de Moïse après la défaite de Pharaon : Cantemus Domino, ce qui, au dire de l'Annaliste de l'Hôtel Dieu, plaisait davantage à tout le monde.

"Enfin, la chapelle votive de 1690 changea son titre de N. D. de la Victoire en celui de N. D. des Victoires, et elle rappelle encore aujourd'hui sous ce nom la double faveur de la Mère de Dieu, de cette Etoile de la Mer, qui devint un signe de tempête et de dispersion pour les ennemis de son peuple.



-Narcisse-Eutrope Dionne, Historique de l'église de Notre-Dame des Victoires, basse-ville de Québec. Québec. 1888. Pp. 13-23.