vendredi 1 mars 2019

Une leçon de catéchisme sur l'infaillibilité

Q - Qu'est-ce que l'Infaillibilité du Pape?

La chaire de saint Pierre à Rome.
R. C'est le privilège par lequel, en vertu d'une perpétuelle assistance divine, le Pape est absolument préservé de toute erreur, lorsque, dans l'exercice de sa charge de pasteur suprême et de docteur de l'Église universelle, il enseigne aux fidèles ce qu'ils doivent croire ou pratiquer.

Q - Comment se prouve l'existence de ce privilège?

R. Il se prouve par l'idée même de la primauté qui appartient au Pape. Il est de foi, en effet, que le Pontife Romain exerce la primauté, c'est-à-dire une suprême autorité doctrinale et disciplinaire sur l'Église universelle, et sur chaque Église en particulier. Or, a dit Mgr Dupanloup, une autorité ne peut être souveraine en matière de foi, sans être infaillible.  Donc, en vertu de sa primauté, le Pape est infaillible. 

De plus la foi enseigne « que Notre-Seigneur Jésus- Christ a laissé sur la terre un homme qui fût son Vicaire visible et qui gouvernât l'Église, en qualité de Chef suprême, afin que tous les fidèles eussent recours à lui dans leurs doutes, et pussent obtenir une décision certaine, au sujet de la véritable doctrine, de manière à conserver dans toute l'Église une seule et même foi. Ce résultat n'aurait pu s'obtenir, si Dieu n'avait établi un Chef et Juge unique qui décidât d'une manière infaillible toutes les controverses, et à qui tous dussent se soumettre... Et saint Cyprien a émis cette pensée profondément vraie, que toutes les hérésies et tous les schismes sont provenus de ce qu'on n'obéit pas au prêtre de Dieu, et qu'on ne considère pas qu'il n'y en a qu'un dans l'Église qui soit ici-bas prêtre et juge à la place de Jésus-Christ. (Epistol. 55. ad Cornel.) » 
Ainsi parle saint Alphonse de Liguori, qui dans plusieurs de ses doctes ouvrages a solidement établi la vérité de l'infaillibilité du Pape.

Q. Mais est-il bien certain que le Sauveur ait conféré à saint Pierre l'infaillibilité de la foi?

R. Rien de plus certain. L'Évangile l'atteste dans trois textes précis :
1° lorsqu'il rapporte le Tu es Petrus, et super hanc petram etc. (Matth. xvi, 18) ;
2° quand il mentionne la prière faite par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour la stabilité de la foi de son Vicaire, et tout ensemble l'ordre donné par le Sauveur à saint Pierre de confirmer ses frères dans la foi : Et tu aliquando convenus confirma fratres tuos (Luc, xxn, 26);
3° enfin, lorsqu'il parle de l'investiture donnée par Notre-Seigneur à son apôtre de la charge de pasteur suprême : Pasce agnos, pasce oves (Joan. xxi, 16).

Q. Comment prouve-t-on que l'infaillibilité du Pape ressort de ce triple texte de l'Evangile?

Saint Alphonse de Liguori (1696-1787).
Docteur de l'Eglise.
R. Par l'impossibilité de comprendre
1° que Pierre étant par sa foi le fondement de l'Église, il ne possède pas la fermeté qu'il communique à tout l'édifice;
2° que la prière du Sauveur soit demeurée sans effet;
3° que Pierre puisse se tromper, tandis qu'il est, par son office, obligé de confirmer tous ceux qui chancèlent ou qui doutent;
4° et qu'il ne sache pas discerner d'une manière parfaitement sûre les pâturages sains d'avec les pâturages empoisonnés, au risque de présenter à ses brebis une nourriture qui leur donne la mort.

Écoutez l'explication de saint François de Sales qui est ici de tout point conforme à la tradition catholique : « Tous sont tentés, et on ne prie que pour lui seul... Il prie donc pour saint Pierre, comme pour le confirmateur et l'appui des autres... On ne saurait à la vérité donner ce commandement à saint Pierre de confirmer ses frères (qui sans doute représentaient toute l'Église) qu'on ne le chargeât d'avoir soin de leur croyance : car comment pourrait-on mettre ce commandement en effet, sans donner la puissance de prendre garde à la faiblesse ou à la fermeté des autres, pour les raffermir et les rassurer? N’est ce pas le dire et le redire encore une fois, fondement de l'Église? S'il appuie, s'il rassure, s'il affermit et s'il confirme les pierres même fondamentales, comment n'affermira-t-il pas tout le reste? S'il a charge de soutenir les colonnes de l'Eglise, comment ne soutiendra-t-il pas tout le reste du bâtiment? S'il a charge de repaître les pasteurs, ne sera-t-il pas souverain Pasteur lui-même? Le jardinier qui voit les ardeurs continuelles du soleil sur une jeune plante, pour la préserver de la sécheresse qui la menace, ne porte pas l'eau sur chaque branche; il se contente de bien tremper et mouiller la racine et croit que tout le reste est en assurance, parce que la racine va dispersant l'humeur à tout le reste de la plante. Ainsi Notre-Seigneur ayant planté cette sainte assemblée de ses disciples, pria pour le chef, et arrosa cette racine, afin que Veau de la Foi vive ne manquât point à celui qui devait en assaisonner tout le reste, et que par l'entremise du Chef, la Foi fût toujours conservée en l'Eglise. Il prie donc pour saint Pierre en particulier, mais au profit et utilité générale de toute l'Eglise »
« Saint Chrysostome appelle saint Pierre Os Christi, parce qu'il s'énonce pour toute l'Église et à toute l'Église en qualité de chef et de pasteur - et ce qu'il dit n'est pas tant par une parole humaine que par celle-même de Notre-Seigneur. Ainsi ce que saint Pierre disait et déterminait ne pouvait être faux : et de vrai si le confirmateur était tombé, tout le reste ne serait-il pas renversé? Si le confirmateur biaise et chancèle, qui le confirmera? Si le confirmateur n'est pas ferme et stable en lui-même, quand les autres s'affaibliront, qui les affermira? Il est écrit : Si l'aveugle conduit l'aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse; si l'instable et le faible veulent soutenir et assurer le faible, ils donneront tous deux en terre ; d'où s'ensuit que Notre-Seigneur en donnant l'autorité et le commandement à saint Pierre de confirmer les autres, il lui a quant et quant donné le pouvoir et les moyens de le faire, autrement pour néant lui eût il ordonné une chose impossible. Les moyens nécessaires pour confirmer les autres et rassurer les faibles, c'est de n'être point sujet à la faiblesse ni à Terreur, c'est d'être solide et ferme en soi-même comme une vraie pierre et comme un roi : et tel était ce saint apôtre, en tant que pasteur général et gouverneur de l'Église universelle. 

« Ainsi quand saint Pierre fut posé au fondement de l'Église chrétienne, et que l'Église fut assurée que les portes d'enfer ne prévaudraient point contre elle ; ne fut-ce pas assez nous dire que saint Pierre, comme pierre fondamentale du gouvernement et administration ecclésiastique, ne pourrait jamais se froisser ni rompre par l'infidélité, qui est la principale porte d'enfer? Car qui ne sait, que si le fondement renverse, et si l'on y peut porter la sape, tout l'édifice renversera?
Saint François de Sales (1567-1622).
Docteur de l'Eglise.
« Après tout, s'il était possible que le pasteur suprême ministérial pût mener ses brebis aux pâturages vénéneux, il est certain que tout le parc serait bientôt perdu. Si le suprême pasteur ministérial nous conduisait au mal, qui relèverait la bergerie? Si elle s'égarait, qui la ramènerait à la vérité? Nous n'avons qu'à le suivre simplement, non pas à le quitter, autrement les brebis seraient pasteurs. »

Q. L'infaillibilité de saint Pierre a-t-elle passé en héritage à tous les Pontifes romains qui lui ont succédé?

R. Sans aucun doute. Écoutons encore saint François de Sales :
« Tout ceci n'a pas eu lieu seulement en saint Pierre, mais en ses successeurs; car puisque la cause demeure, l'effet demeure. L'Église a toujours besoin d'un confirmateur qui soit permanent, auquel on puisse s'adresser pour trouver un solide fondement, que les portes d'enfer, et principalement Terreur ne puisse renverser : il faut que son pasteur ne puisse conduire à l'erreur, ni nous porter au mal. Les successeurs de saint Pierre ont seuls (hors du Concile général) ces privilèges, qui ne suivent pas la personne mais la dignité publique de la personne. »



-H. Montrouzier, S.J. Une leçon de catéchisme sur l'infaillibité du pape. 1870. P. 305-310.