mardi 19 janvier 2016

La perfection chrétienne ou la sainteté - Catéchisme de Spirago


« Chacun recevra sa récompense, non pas suivant
sa dignité mais suivant son travail et sa bonne volonté. »
-Saint François d'Assise


La tendance à la perfection chrétienne. 

Aucun architecte ne laisse inachevé un édifice commencé; s’il a entrepris de bâtir une maison, il ne s’accorde aucun repos avant qu’il ne l’ait terminée; aucun peintre non plus ne livrera un portrait avant d’en avoir achevé les traits d’une manière très précise. Le chrétien doit agir de même: s'il a commencé à travailler au salut de son âme, et s’il se trouve en état de grâce, il doit s’efforcer d’achever l’édifice de la vertu et de devenir une image très fidèle de Dieu. Devenir meilleur chaque jour, tel doit être le but de notre vie sur la terre.

1. Dieu nous ordonne de tendre à la perfection chrétienne.

Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Divin modèle
Le devoir de tendre à la perfection est déjà renfermé dans le commandement de l'amour de Dieu, puisque Dieu y demande que nous l’aimions autant que possible. Cela ne signifie-t-il pas que nous devons toujours avancer sur le chemin du bien? « Que celui qui est juste devienne plus juste; que celui qui est saint devienne plus plus saint » (Apoc. XXII, 11), d’après cet ordre de Jésus-Christ : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (S. Matth. V, 48.) Dieu ne veut pas autre chose, sinon que nous soyons saints. (I Thess. IV.) Celui qui n’aspire pas à la perfection chrétienne court risque de se perdre éternellement. Nous voyons que tous les animaux, les arbres et les plantes, et l'homme lui-même, du moment où ils ne croissent et n’augmentent plus, décroissent et dépérissent. « Le vaisseau qui ne remonte pas le courant, est entraîné par lui. » (S. Grégoire G.) Qui n'avance pas recule : il n’y a point de milieu sur le chemin de la vertu. (S. Bern.) S'arrêter c'est reculer, si donc vous êtes satisfait de vous-même et que vous disiez : « Maintenant c’est assez, » vous êtes perdu. (S. Aug.) Nous devons même viser le plus haut degré de sainteté, comme les marchands qui demandent d’abord plus que la valeur de la marchandise, ou comme le chasseur qui voulant tuer un oiseau au vol, vise toujours un peu plus haut. (S. Alph.)

2. Le modèle le plus sublime de la perfection chrétienne est Jésus-Christ; les saints aussi sont après lui des modèles de perfection.

Jésus nous dit: « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. » (S. Jean XIV, 8.) Lorsque le jeune homme demanda au divin Sauveur ce qu’il avait à faire pour devenir le plus parfait possible, il reçut cette réponse: « Suis-moi! » (S. Matth. IX, 21), et S. Paul nous fait cette exhortation : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ. (Rom. XIII. 14.1).

Comme un apprenti fait attention à la manière dont son maître travaille, de même nous devons observer exactement Jésus-Christ, notre Maître; aussi les saints ont-ils continuellement médité la vie et la Passion du divin Sauveur. Il est un modèle pour tous. Il y a des portraits si artistement peints qu’ils semblent regarder tous ceux qui s’arrêtent devant eux: on peut en dire autant de Jésus-Christ; car ce modèle a été composé par le divin Maître avec une si admirable sagesse que chacun doit se dire : ce modèle me convient parfaitement. (L. de Gren.) — Les saints sont aussi des modèles de perfection, car ils ont imité Jésus-Christ; leur vie tout entière est une copie de la vie de Jésus-Christ; aussi S. Paul engage t-il les chrétiens à l’imiter lui-même (I Cor. IV, 16), ainsi que les saints (Héb. VI, 11). Et pourquoi l’Eglise célèbre-t-elle pendant l’année d’une manière non interrompue la mémoire des saints? c’est évidemment pour nous exciter à les imiter. Mais les saints, en comparaison de Jésus-Christ, sont comme les étoiles en face du soleil: Jésus-Christ les surpasse tous en sainteté. Aussi nous est-il plus facile d'imiter les saints. Un commençant aura de la peine à faire une copie réduite d’un grand et beau tableau, tandis qu’il aura moins de difficulté à le reproduire de la même grandeur; de même il nous est impossible d'imiter les exemples inaccessibles de Jésus-Christ, tandis que nous pourrons plus facilement imiter les saints. Dans la vie des saints on voit comment ils ont lutté avec leurs faiblesses, et leurs combats nous servent d’exemple et d’encouragement. 11 faut remarquer toutefois qu’ils se sont presque tous distingués par une vertu spéciale, (S. Fr. de S.), dont l’activité se réglait d’après les circonstances particulières de leur vie, par ex., la vocation, la fortune, leur force corporelle, leur tempérament, le climat, etc., on doit donc imiter surtout les saints de même condition et de même vocation, et non pas servilement, mais en tenant compte de sa position personnelle.

3. La perfection du chrétien consiste dans l’amour de Dieu et du prochain, et dans le détachement du cœur des choses de ce monde.

La charité est l’accomplissement de la loi (Rom. XIII, 10); elle est le lien de la perfection. (Col, III,
Saint François d'Assise
Fondateur de l'Ordre des Frères Mineurs
14). Quelqu’un ayant demandé à S. Augustin en quoi consistait la perfection, le saint évêque lui répondit: « Aimez Dieu et faites ce que vous voudrez » (En effet, celui qui aime Dieu ne fera jamais rien qui puisse lui déplaire). « Il n’y a pas d’autre perfection que celle qui consiste à aimer Dieu de tout son cœur et le prochain comme soi-même: toute autre perfection est fausse (S. Fr. de S.) La sainteté est l’abandon complet de soi-même à Dieu. (S. Th. Aq.) La perfection ne consiste pas à faire beaucoup d'exercices de piété, à se rendre souvent à l'église, à recevoir fréquemment les Sacrements, à jeûner ou à faire l’aumône : tous ces actes ne sont que des moyens pour atteindre la perfection. « Si vous avez commencé à jeûner, écrivait S. Paulin à une dame, et à vivre dans la continence, ne vous regardez pas encore pour sainte: ce ne sont que des moyens pour arriver à la vertu. » La perfection ne consiste pas non plus à être entièrement exempt de péché; elle se manifeste bien plus dans une lutte énergique et constante contre le péché, car Dieu permet souvent que les saints tombent dans le péché pour les maintenir dans l’humilité. (Reniement de S. Pierre). La perfection consiste encore bien moins dans les œuvres extraordinaires qui étonnent le monde. La Mère de Dieu a-t-elle fait quelque chose d’extraordinaire ? ou S. Joseph, le père nourricier de Jésus-Christ? Parmi les légions des saints, il y en aura un nombre considérable que le monde n'a même pas remarqués ; « leur vie était cachée en Dieu avec Jésus-Christ. » (Col. III, 3). — A l’amour de Dieu se joint toujours l’horreur du monde, c’est-à-dire des jouissances sensuelles, des joies coupables du monde. « Celui qui aime le monde ne possède pas l’amour du Père céleste.» (I. Joan. II, 15). Plus l’amour de Dieu est grand dans un chrétien, plus il détestera le monde; l’amour de Dieu et celui du monde sont comme les deux plateaux d'une balance: quand l’un monte, l’autre descend. « L’amour de Dieu trouve d’autant moins de place dans le cœur que les désirs terrestres y règnent » (S. Alph.), mais l’accroissement de la charité diminue la concupiscence. (S. Aug.) Pour atteindre le sommet d'une tour, on met d’abord le pied sur le premier échelon, puis sur le second, le troisième etc.; et plus on s’éloigne de la terre, plus on se rapproche du sommet; il faut agir de même pour atteindre la cime de la perfection, c.-à-d. nous éloigner le plus possible des choses de la terre. (S. Chrys.) Ainsi notre amour de Dieu et du prochain, notre perfection croîtront en raison de notre horreur du monde.

4. Celui qui aspire sérieusement à la perfection chrétienne, y arrivera certainement, quoique lentement.

Jésus-Christ dit eu effet : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car Ils seront rassasiés. » (S. Matth V, 6). L'effort constant vers la perfection, le désir sincère que l'on en a, y conduisent. (S. Bern.) Le désir à lui seul forme une partie considérable de la victoire, car il augmente les forces, diminue la peine, affaiblit l’ennemi, rend agréable à Dieu et attire des grâces. (S. Laur. Just.) On demandait à S. Thomas d'Aquin comment on pouvait sûrement devenir saint: « en le voulant », répondit-il. Personne n'est jamais parvenu à la sainteté sans en avoir eu un ardent désir, aussi peu que sans lui on arrive à la perfection dans une science ou dans un art. (S. Alph). Celui qui ne désire pas même arriver au sommet d'une montagne restera au pied sans faire un pas, (S. Alph.) — Mais on ne parvient à la perfection que très lentement. Notre sainteté n’est pas l’œuvre d’un jour. (S. Ph. de Néri); on n’arrive jamais à la perfection en peu de temps, à moins d’une faveur extraordinaire de Dieu. (Ste Thér.) I1 en est de même dans la nature ; une petite plante ne peut pas devenir une fleur ‘dans une nuit; un enfant ne devient pas en quelques jours un homme fait ; on ne gravit pas une haute montagne en quelques minutes. Les traitements médicaux durent longtemps, et les pins lents sont les plus sûrs. — On distingue 3 degrés dans le chemin de la perfection: les commençants, qui ont encore une grande inclination pour le péché mortel; les avancés, qui ne peuvent encore s’empêcher de commettre des péchés véniels, et qui, vu leur attachement aux choses de la terre, n’ont pas encore une paix complète; et les parfaits, dont l’esprit est entièrement détaché de la terre et dirigé vers Dieu, et goûte par conséquent une grande paix. (Ben. XIV). On appelle ces 3 degrés les voies purgative, illuminative et unitive. Ces trois degrés de la vie surnaturelle correspondent aux degrés de la vie naturelle: l'enfance, âge de la faiblesse physique et spirituelle; l'adolescence, âge de l’accroissement, du développement, et l'âge viril, âge de la maturité. (S. Th. Aq) Les commençants doivent méditer les fins dernières de l'homme, les avancés, la Passion de Jésus-Christ, et les parfaits, la bonté de Dieu et les joies du ciel. (S. Ign. L.) — Néanmoins dans la perfection on ne peut jamais arriver au terme extrême, parce que l'amour de Dieu n’a point de limites. Que celui qui est juste devienne plus juste, que celui qui est saint devienne plus saint (Apoc. XXII, 11) ; l’homme peut cependant arriver à un tel degré de sainteté qu’il approche, déjà sur la terre, de l’état des esprits bienheureux dans le ciel.

5. Dans chaque état, dans toute position, on peut parvenir à la perfection chrétienne.

Saint Louis, roi de France
Il y a eu, il y a, des saints dans tons les états, même dans les positions les plus humbles: papes, évêques, prêtres, empereurs, rois, soldats, médecins, artisans, ouvriers, domestiques, etc. Tout homme peut, en vérité, aimer Dieu et son prochain ; car cela est facile, on n’y éprouve ni fatigue ni préjudice, et rien n'est plus agréable au cœur que d'aimer Dieu. (S. Bonav.) Pour toutes les autres bonnes œuvres, on pourrait toujours prétexter une excuse, on peut dire : « Je ne puis pas jeûner, ni faire l’aumône etc » ; mais personne ne peut s’excuser en disant: « Je ne puis pas aimer » (S. Jér.) Cependant les exercices de piété doivent s'accommoder aux forces, aux occupations, aux devoirs de chacun ; la piété est comme un liquide qui prend la forme du vase dans lequel il se trouve. (S. Fr. de S.)








-François Spirago, Catéchisme catholique populaire. Paris. P. Lethielleux, Libraire-éditeur. 1903, pp. 406-408.