lundi 11 janvier 2016

Dix années d’acharnement contre la croix de Sainte-Adèle


« Stat Crux dum volvitur orbis - La croix demeure tandis que le monde tourne »

-Devise de l’ordre des Chartreux


Brève histoire du litige

La croix de Sainte-Adèle fut érigée en 1927 à l’occasion du 75ème anniversaire de la fondation de la paroisse. Installée sur la plus haute montagne du village, le Sommet bleu, sur un terrain donné à l’époque par la famille Lamoureux.

Après avoir attiré l’attention des regards pieux pendant 80 ans, le site de la croix de Sainte-Adèle allait devenir le théâtre d’une étrange lutte territoriale entre la municipalité  et la famille Lupien. Les hostilités commençaient dès la construction du château de cette dernière à partir de 2004.

Monsieur Marc Lupien et madame Lise Proulx, après avoir fait ériger leur immense demeure  si près de la croix que cela en est ridicule, se sont acharnés avec des moyens financiers quasi illimités à obtenir le contrôle des petits terrains appartenant encore à la ville – particulièrement celui où se dresse le monument. La croix faite d'acier, sur laquelle sont installées plusieurs antennes, mesure 60 pieds de haut.

Dans les pages du dernier jugement en date, rendu par la Cour supérieure en août 2014 et qui donne raison à la ville quant aux méthodes utilisées pour l’entretient de la Croix, nous trouvons aux paragraphes 25 et 26 un résumé assez significatif :

« [25]        Lise Proulx et Société en commandite s’opposent pour leur part à l’installation par la Ville sur la Croix d’un système de télémétrie pour contrôler l’approvisionnement en eau sur son territoire et à la poursuite de l’illumination de la Croix.

[26]        Les parties se verront, dans ce contexte, engagées dans une saga judiciaire d’une envergure incroyable. Le présent recours n’est que l’un des nombreux recours introduits devant les tribunaux tant de juridiction civile que pénale : en l’instance, la requête introductive fait environ 80 paragraphes, la défense et demande reconventionnelle plus de 325, la réponse et défense reconventionnelle plus de 240, le procès a duré 18 jours et plus de 325 pièces et 232 pages de plans de plaidoirie ont été produites. »
 
Vue par satellite (Google maps) du sommet bleu.

Pour l’instant, le tribunal donne raison à la ville de Sainte-Adèle, qui garde le contrôle de ses terrains et qui pourra continuer d’assumer l’éclairage de la croix. L’affaire n’est toutefois pas terminée puisque les Lupien se feront entendre en appel.

Pour l'instant, la Cour supérieure « [222]     ORDONNE aux défenderesses de ne rien faire pour empêcher la demanderesse et ses représentants d’avoir en tout temps accès à la Croix; »


Un élément ignoré du grand public

Le comportement de la famille Lupien demeure intrigant et leurs motivations sont pour l’instant insaisissables. Ils ont eux-mêmes dépensé plusieurs millions en frais juridiques dans cette affaire, sans compter les frais de main d’œuvres déboursés pour toutes leurs tentatives de réaménagement paysager. De l’installation d’un portail de sécurité électronique aux plaintes sur la couleur des ampoules utilisées sur la croix, en passant par le remblai du sentier utilisé par la ville – pratiquement tout a été essayé pour nuire à l’entretien (par la ville) de notre symbole chrétien depuis 10 ans.

Un élément surprenant a toutefois été ignoré autant par les médias que par les tribunaux.

Le Registre des entreprises du Québec révèle la création en 2006, par la famille Lupien, d’un organisme à but non lucratif voué à la : « PROTECTION ET MAINTIEN (des) TERRAINS SUR LESQUELS SONT LA CROIX (et à la) PROTECTION DU PATRIMOINE DE LA CROIX DE STE-ADELE, QC »

L’organisme nommé « REGROUPEMENT CATHOLIQUE POUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE RELIGIEUX, HISTORIQUE, CULTUREL ET ENVIRONNEMENTAL DU SOMMET ET DE LA CROIX DE SAINTE-ADÈLE » n’a jamais accompli ses fonctions de manière légitime depuis 2006 - quoi que toujours actif selon le registre – puisque la ville s’est efforcée d’entretenir ses installations malgré les entraves des propriétaires du château.

La création de cet organisme est malheureusement passée inaperçue, mais elle indique clairement que les Lupien ont l’ambition d’assumer eux même l’entretien de la croix et des terrains qui appartiennent toujours à la ville depuis le début de l’affaire. De quoi nous laisser perplexes quand on sait que le même groupe de personnes, sous le nom d’autres compagnies, exige avec beaucoup d’acharnement l’extinction de la croix.


Le curé démocrate de la paroisse

Le curé de la paroisse, l’abbé André Daoust, n’a jamais parlé du « regroupement catholique » des Lupien dans les médias. Il ne semble pas connaitre cette « initiative » de la famille en 2006. Il raconte dans les pages du journal local Accès du 17 septembre 2014 qu’il a espoir d’un règlement à l’amiable sans prendre parti ni pour l’un ni pour l’autre des belligérants.

Il rappelle ensuite aux lecteurs qu’il a tenté de mettre sur pied un « Comité de la croix » et que le diocèse s’est vite chargé de le ramener à l’ordre en avortant le projet. En effet, l’erreur moderniste de « liberté religieuse » que les évêques canadiens professent depuis Vatican II les garde bien de défendre de près ou de loin tout ce qui s’approche d’un culte public et traditionnel à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

L'abbé Daoust devant les limites du terrain des Lupien
Le 15 décembre 2015, le curé récidive dans les pages du Journal de Montréal. Cette fois, le ton a changé : la ville a gagné sa cause, mais puisque Marc Lupien redouble d’ardeur en déposant une dizaine de nouvelles requêtes,  il est temps de baisser les bras. Loin d’exiger l’entretien de la croix par des autorités compétentes à tout prix, il s’inquiète plutôt du portefeuille des citoyens.

«Plus ça dure, plus ça coûte cher aux citoyens, dénonce le curé Daoust. Marc Lupien est rendu à sa quatrième offre (7 000 000$) pour régler, mais la Ville s’acharne à ne pas négocier. Il faut jeter les armes de la rancœur. Après tout, c’est juste une croix!»

Cet argument est celui d’un laïciste – pour nous autres catholiques, mieux vaut avoir une croix au dessus de la tête que de l’argent dans les poches. C’est le symbole de toute une population, de son culte au Bon Dieu, et il ne doit pas être détérioré après 90 ans d’entretien pour l’accommodement de deux ou trois personnes aux ambitions nébuleuses. Ces offres de Marc Lupien ressemblent à des demandes de rançons pour la croix qu'il tient en otage.

S’ils réussissent à plonger cette immense croix illuminée dans l’anonymat de la noirceur, c’est nous catholiques qui en premier allons la rallumer! Que votre règne arrive, dit-on chaque fois dans le Pater. N’est-ce pas la une des meilleures façons de montrer au monde qu’ici c’est Dieu qui règne, que d’entretenir cette immense croix qui brille à Saint-Adèle?

L’abbé Daoust, au lieu de dire que « c’est juste une croix », aurait plutôt intérêt à rappeler aux catholiques la vraie valeur de la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ et l’importance de veiller à ce qu’elle soit bien entretenue malgré le litige et peu importe le règlement de l’affaire.

Si un prêtre ne peut régler un litige juridique, qu’il s’efforce au moins d’entretenir l’amour et le respect de la croix chez ses fidèles.

 
Face à l’offensive à venir

Les dépenses de la ville de Sainte-Adèle, liées aux problèmes juridiques et à l’entretien du site de la croix compliquées par la présence du château des Lupien, sont un argument de plus en plus pesant dans la bouche des laïcistes. Il est dommage que même le curé du village en soit réduit à des arguments économiques.
Il semble clair que le clan du château sur le sommet bleu, de son côté, ne s’en fait pas trop avec les millions d’investissement, la cause leur tient à cœur.

Si des mouvements militants pour la « laïcité de l’état » ne se sont pas encore manifestés ouvertement, il faut admettre que le climat de tension à Sainte-Adèle leur est de plus en plus favorable: une ville dépense de plus en plus d’argent public pour « juste une croix » sur une montagne.

Les catholiques ne doivent pas attendre après les initiatives officielles de la paroisse où du diocèse, elles ne viendront jamais. Ils doivent faire sentir dès maintenant qu’ils sont des soldats du Christ, des militants, par le Baptême et la Confirmation, et exiger qu’on n’insulte pas la croix par une si ridicule chicane de « voisins ».

Le REGROUPEMENT CATHOLIQUE POUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE RELIGIEUX, HISTORIQUE, CULTUREL ET ENVIRONNEMENTAL DU SOMMET ET DE LA CROIX DE SAINTE-ADÈLE, discrètement fondé par la famille Lupien dans les premières années de l’affaire, n’a jamais rien fait pour prouver qu’il était vraiment catholique. Le comportement des administrateurs de l’entreprise nous permet d’en douter.

Peu importe l’issue de cette lutte juridique, les catholiques des Laurentides doivent persister dans leur dévotion à la Sainte Croix et lutter pour la préservation du prestigieux monument.

Qu’elle brille, qu’elle brille plus encore, la croix du sommet bleu, et que les catholiques se dressent pour la défendre chaque fois qu’elle est menacée.


*** SOURCES ***


Qui est l’abbé Daoust:
Histoire de la croix de Sainte-Adèle:
Le « Regroupement catholique » de Lupien dans le Registre des entreprises du Québec: