jeudi 13 octobre 2016

L'Acte constitutionnel de 1791 et l'assimilation

Le 8 avril 1791, lors du débat à propos du bill de l'Acte constitutionnel, William Pitt dit le Jeune, répond à son adversaire en chambre et lui livre la raison qui l'animait à proposer ce bill. Ici extrait du Cours d'histoire du Canada, tome II, de sir Thomas Chapais:

«Quant à la division de la province, répliqua-t-il, elle est dans une grande mesure la partie
fondamentale du bill. Comme l'a dit le très honorable monsieur il serait extrêmement désirable que les habitants du Canada fussent unis et induits universellement à préférer les lois et la constitution anglaises. La division de la province est probablement le meilleur moyen d'atteindre cet objet. Les sujets français se convaincront ainsi que le gouvernement britannique n'a aucune intention de leur imposer les lois anglaises. Et alors ils considéreront d'un esprit plus libre l'opération et les effets de ces lois, les comparant avec l'opération et les effets des leurs. Ainsi, avec le temps, ils adopteront peut-être les nôtres par conviction. Ceci arrivera beaucoup plus probablement que si le gouvernement entreprenait soudain de soumettre tous les habitants du Canada à la constitution et aux lois de ce pays. Ce sera l'expérience qui devra leur enseigner que les lois anglaises-sont les meilleures. Mais ce qu'il faut admettre c'est qu'ils doivent être gouvernés à leur satisfaction.» 

Suivant nous ces paroles de Pitt sont vraiment illuminatrices. Elles éclairent tout un aspect de la pensée politique des chefs du gouvernement britannique. Ils sont anglais, imbus de toutes les idées, de toutes les prédilections, de toutes les fiertés nationales. A leurs yeux, rien de beau, rien de bon, rien d'efficace pour le progrès et la félicité d'un peuple comme la constitution, les lois et les institutions de la vieille Angleterre. Le Canada étant devenue colonie britannique, ils considèrent comme infiniment désirable que les Canadiens se britannisent, (pardonnez-moi ce barbarisme), qu'ils en viennent à apprécier l'excellence de ces lois et de ces institutions, qu'ils comprennent l'opportunité et l'utilité d'adopter finalement les coutumes et la langue de la nation à laquelle un décret providentiel les a attachés par les liens étroits des intérêts communs et d'une destinée commune. Pour eux, si une telle évolution, si une telle assimilation pouvaient se réaliser, ce serait l'idéal. Toutes les difficultés disparaîtraient, et l'Angleterre pourrait s'applaudir à la pensée que, sur les rives du Saint-Laurent et des mers intérieures où il prend sa source, grandit une jeune nation dont les éléments peuvent différer par les origines et les souvenirs, mais dont tous les citoyens sont unis par le recours aux mêmes lois, par la pratique des mêmes institutions et par l'usage d'une même langue. 

Seulement cet idéal se heurte à un fait transcendant. Nous sommes français. Nous aussi nous sommes imbus de toutes les idées, de toutes les prédilections, de toutes les fiertés nationales. Nous descendons d'une grande et noble race.qui a rempli le monde de son histoire et de son nom. Nous avons un passé glorieux, des traditions saintes, des institutions chères, une langue forte et souple, faite d'élégance et de clarté.


Thomas Chapais, Cours d'histoire du Canada. Tome 2 (1791-1814). Editions du Boréal express. Trois-Rivières, 1972. Pp 22-23.