mercredi 19 décembre 2018

Entrevue d'Alexandre Cormier-Denis (Nomos-TV) avec Etienne Dumas (Tradition Québec).


Nomos-TV : « Quel est l'objectif du Mouvement Tradition Québec ? »


Tradition Québec : 
Tradition Québec est une organisation, un mouvement catholique visant à la promotion de l’idéal du Canada français. Nous voulons représenter le Canada français tel qu’il devrait l’être encore aujourd’hui. 
Beaucoup veulent combattre les écarts et torts du mondialisme, fort bien. Mais s’opposer seulement à l’immigration, est-ce la source réelle du problème? L’argument classique à l’immigration est le bas taux de natalité. Pourquoi donc? Parce que la population s’est fait matérialiste. « eux qui font leur Dieu de leur ventre » dit saint Paul. Elle s’est détourné des biens de l’autre monde, en recherchant les biens d’ici bas. C’est le consumérisme. La source du mal moderne est religieux. C’est ce que nous voulons rappeler.

L’heure est à la formation, à la préparation. Il faut renouer avec nos racines, avec notre identité catholique. Elle est garante de notre survie en tant que nation – je crois que ça l’a été assez bien démontré que l’Église catholique nous a permis de résister à l’assimilation.  
Tradition Québec se place dans cet objectif de formation. Mensuellement, nous faisons une journée de formation, sous forme de cercle de lecture militant. Nous étudions en groupe et nous faisons profiter les autres de ce que nous avons appris – de pertinent – depuis la dernière séance. Entre temps, il y a des articles. Parfois des actions, comme dans le cadre du crucifix à l’hôpital Saint-Sacrement (hiver 2017) de Québec, où un de nos militant est allé remettre un crucifix. C’est petit, anodin, - ça nous a valu les critiques du pelleteux de nuage à Bock-Côté, lequel ne fera jamais rien d’autre que d’écrire des articles ne menant à rien de concret - mais je pense que cela a eu un quelconque impact sur la décision finale de remettre le crucifix. Il faut cesser de subir.

Léon XIII disait dans son encyclique Rerum Novarum :

« À qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines. La perfection de toute société consiste, en effet, à poursuivre et à atteindre la fin en vue de laquelle elle a été fondée, en sorte que tous les mouvements et tous les actes de la vie sociale naissent du même principe d'où est née la société. Aussi, s'écarter de la fin, c'est aller à la mort ; y revenir, c'est reprendre vie. »

Nomos-TV : « Votre rapport avec l'Église actuelle ? »


Tradition Québec :  
Plutôt inexistant. Il est certain que quand que nous regardons ce qui s’est fait au concile de Vatican II, ainsi que ce qui s’est fait depuis, on se demande si cette chose qui se revendique comme catholique l’est réellement. Les notes de la l’Église catholique sont : Une, sainte, catholique et apostolique. Considérant cela, il nous est impossible d’accepter cette contre-Église comme étant l’Église catholique. Vatican II est, après tout, aux dires de Ratzinger « Benoit XVI » un contre Syllabus, document du pape Pie IX condamnant les erreurs modernes. Enfin, on voit qu’à chaque semaine, à chaque jour, Bergolio/François dit et fait des choses contraires à la morale catholique. De plus, il s’est fait l’allié objectif du mondialisme. Ceci étant dit, nous nous référons volontiers au magistère catholique, inchangé, de saint Pierre à Pie XII. Donc l’ancienne messe en latin, les catéchismes, la morale contraignante. Ce que plusieurs nomment « la crise de l’Église » est du jamais vu depuis l’arianisme. Saint Jérôme a écrit, à l’époque, « le monde s’est réveillé arien ». Il en est de même aujourd’hui, avec le modernisme, cette hérésie du XXème siècle condamné par saint Pie X en 1907. Cette erreur, que le pape a nommé « l’égout collecteur des hérésies », car celle-ci tient en son sein toutes les autres erreurs du passé. C’est ce qui prévaut à Rome depuis le concile de Vatican II. Nous en tirons un devoir strict, pour tous catholiques, de se tenir à l’écart, car si l’on suit Bergolio dans son enseignement, c’est la ruine. Ce qui est présenté actuellement comme le « catholicisme » est en fait une nouvelle religion née de Vatican II. Elle n’a plus rien de catholique, au regard des siècles derniers. Nouvelle ecclésiologie, œcuménisme, réforme des sacrements, nouvelle messe, etc. Plus rien n’est pareil. C'est donc qu'il est impossible pour un catholique, sous péril de schisme et de coopération à l’hérésie, d'être en union avec cette « Église conciliaire ». Nullam partem.


Nomos-TV : « Qu'est-ce qu'être Contre-révolutionnaire? »

Tradition Québec : 
Comme l’indique le mot, contre-révolutionnaire c’est être contre la Révolution, telle qu’incarné sous forme politique depuis la Révolution française de 1789. Celle-ci tiens ses origines de la Renaissance, puis de la Réforme protestante. C’est les fameux trois R. La Révolution, pour résumer, c’est « L’homme en haut et Dieu en bas ». La Contre-Révolution est « Dieu en haut et l’homme en bas ».

Être « contre » n’est pas la raison d’être. C’est affirmer l’ordre naturel du monde (l’homme naît, l’homme meurt) soutenir le bien commun. « l’ordre naturel est celui qui découle de la nature des choses, telles qu’elles ont été créées ».

Le contre-révolutionnaire soutien l’autorité légitime des parents sur les enfants; le révolutionnaire bafoue cette conception (c’est ce que nous avons constaté dans les régimes révolutionnaires, où les enfants appartient à l’État). La contre-révolution tient dans ces conceptions. Pour élever des enfants, les parents sont les plus disposés, c’est indéniable. Il y a des exceptions, mais celles-ci restent des exceptions.

« La Contrerévolution, c’est le contraire de la Révolution ».


Nomos-TV : « Qui est Rumilly ? »


Tradition Québec :
Robert Rumilly est un français, né en Martinique (son père était officier) en 1897 et mort à Montréal en 1983. Il a habité l’Indochine française. Il fut camelot du roi à l’Action française, en France. Il a émigré en Canada français en 1928. Selon ses propos, il s’est fait canadien-français, embrassant notre histoire et nos aspirations nationales de l’époque – un peu comme Jules-Paul Tardivel né aux États-Unis. Il a beaucoup écrit, et cela va sans dire. Des monographies, des biographies, des livres d’histoire. Il a écrit une colossale histoire de la province de Québec, de 1867 au second gouvernement Duplessis, en 41 volumes. En somme, c’est un auteur de l’école contre-révolutionnaire.

Nomos-TV : « Pourquoi rééditer le livre aujourd'hui ? »

Tradition Québec : 

En effet, on se demande ce qu’a a nous apprendre un livre datant de 1956. 62 ans dans la vie d’un peuple, c’est peu. Toutefois, considérant tous les bouleversements qu’a connu notre nation, c’est beaucoup. En fait dans ce livre, Rumilly décrit la genèse de la Révolution tranquille. Comme toute Révolution, elle n’est pas né le jour de la mort de Maurice Duplessis. Elle a été d’abord préparé dans les intelligences. Rumilly montre, preuves à l’appui, comment le gauchiste – on pourrait dire la révolution – s’est installé chez nous. Comme aujourd’hui, elle a joui de l’apport des syndicats, des « artistes », de professeurs, des médias, et même de religieux tel le père Georges-Henri Lévesque, les abbés Dion et O’Neill. Les gens cités, aujourd’hui décédés, ont des rues, des collèges, des ponts à leur honneur. La revue Cité libre, socialisante et moderniste, Pierre-Elliot Trudeau, Pierre Laporte, le journal le Devoir, Radio-Canada, etc. La Révolution tranquille est la référence ici, le point de départ, comme 1789 en France. Comme en France, il n’y avait qu’une poignée de vrais révolutionnaires à l’époque. Cependant, ils ont placé leurs cartes, infiltré les institutions, puis, peu à peu, placé leurs gens. Dans ceci, ils ont été aidé par l’élément anglophone, dans un optique de « placer des gens éclairés » afin de déchristianiser le Québec. Il y a aussi l’apport, non négligeable de la franc-maçonnerie.

Nomos-TV : « Est-ce que le Canada français a été victime d'un complot ou simplement d'un changement de mentalité de ses élites ? »

Tradition Québec :  
Un peu des deux à la fois. Il y a une conjoncture ici. C’est la résultante de l’installation du libéralisme catholique au Québec, ainsi que de l’hérésie moderniste, condamné par le pape Pie X. Le libéralisme est un fanatisme de la liberté, en tout et partout. Il érige en pseudo dogme « Il a une vérité, c’est qu’il n’y en a pas. » L’énoncée est évidemment contradictoire. Le libéralisme « canadien » voulait être catholique à la maison, neutre en public. Comme s’il y avait une différence réelle entre les deux. Par comparaison, à la maison je ne mentirai pas, mais au travail je mentirai sans arrêt. Et ça le libéralisme, c’est un poison mortel pour l’intelligence. Il n’y a plus rien de vrai, le principe de non-contradiction est inexistant. Une fois que vous en êtes infecté, vous pouvez adhérer à tout, comme les gens d’aujourd’hui qui rejettent le catholicisme, mais qui soutiennent le new age, le yoga, le bouddhisme et qui viennent se créer quelque chose d’intrinsèquement contradictoire. Comme par exemple, Philippe Couillard peut dire « allah akbar », tout en allant à Rome demander à Bergoglio/François de venir au Québec. Quoique ce dernier, libéral lui aussi, est capable de faire pareil (pensons à Karol Józef Wojtyła/Jean-Paul II qui a embrassé le coran). 
Le modernisme, quant à lui, tient ses racines dans le protestantisme. Il a pour fond l’agnosticisme. Il a pour père le kantisme et la philosophie moderne, surtout allemande. Il prône l’immanence. Dieu est dans l’homme, Dieu est une émanation de l’homme. Dieu existe car c’est un besoin pour l’homme. Le modernisme n’use pas des causes de l’existence de Dieu par st Thomas, comme la preuve par le mouvement. Le modernisme résolument anti-thomiste. La religion, la vraie - pour le moderniste - n’est qu’expérience du divin. Celle-ci est intérieure.

Saint Pie X dit dans son encyclique Pascendi, daté de 1907 : « Ils se cachent et c'est un sujet d'appréhension et d'angoisse très vives, dans le sein même et au cœur de l'Eglise, ennemis d'autant plus redoutables qu'ils le sont moins ouvertement. […] imprégnés au contraire jusqu'aux moelles d'un venin d'erreur puisé chez les adversaires de la foi catholique, se posent, au mépris de toute modestie, comme rénovateurs de l'Eglise »

On voit ici que les deux se rejoignent. Quelqu’un qu’on a présenté comme le père de la Révolution tranquille, le père Georges-Henri Lévesque, dominicain, fédéraliste, fondateur de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, était parmi ceux de ces courants d’idées. Sa faculté des sciences sociales étaient dans ce courant. Il faut le dire, ça plaisait bien aux prétentions d’assimilation des anglais, car tout ceci avait pour fin réelle de désarmer le Canada français. Le père Lévesque en soutenant la non-confessionnalité des coopératives, sous le principe qu’on éloigne ce faisant des gens qui pourraient être intéressés, par exemple les protestants ou juifs dans la coopération économique – nuisant au bien commun, car on se prive d’apports supposément bénéfiques -, déclare qu’il n’est pas toujours opportun de manifester le caractère catholique, afin de ne pas choquer, troubler l’ordre social, le bien commun. En affichant une étiquette catholique, on frustrerait les rapports économiques des coopératives. C’est « s’abstenir d’afficher extérieurement tout signe d’appartenance religieuse tout en adhérant intérieurement à la foi »

La revue Cité Libre allait dans le même sens, dès son numéro 1 : « Nous voulons d’un Québec chrétien mais chrétien par le dedans — ce qui est bien plus difficile — et non d’un État politico-religieux qui brime les consciences et caricature, aux yeux des voisins et de ses propres enfants, un catholicisme qui transcende l’Histoire et les régimes politique. Nous demandons un redressement des définitions. Nous demandons que le religieux se nomme le religieux, que le politique se nomme le politique. »
On voit ici la conjoncture. Le père Lévesque revendique ainsi des espaces publics étrangers au catholicisme, donc à notre caractère national de l’époque. Tout ceci arrive à l’époque de l’avant concile Vatican II, où ce qu’on nomme la « nouvelle théologie » avait apparu (retour du modernisme). Évidemment, tout ceci va se concrétiser à Vatican II. Sous ces principes, on évacue le caractère catholique canadien-français (que les Lévesque, abbés Dion et O’Neill, Trudeau et Laurendeau détestent profondément).

Ça nous donne notre Québec moderne. Tout cela, ce n’est qu’un seul élément de toute cette problématique. On peut aussi mentionner la mainmise par les gens de ces idées sur l’Action catholique, laquelle devait nous former une élite catholique, issue de la jeunesse canadienne-française. Fait à noter, le p. Lévesque a eu 3 procès à Rome pour hérésie. Son protecteur romain n’était nul autre que mgr Montini, futur « Paul VI ». Celui qui a fait la « Révolution en chape et tiare », selon les mots de la Haute Vente italienne (franc-maçonnerie). 
Par ailleurs, peut-on voir les premiers balbutiement du multiculturalisme ici ? On oublie qui nous sommes, au profit de qu’est l’autre ? Il y a une même identité entre modernisme et multiculturalisme.


 
Nomos-TV : « Quelle a été l'influence de la revue Esprit au Qc ? »

Tradition Québec :  
La revue Esprit d’Emmanuel Mounier a eu une influence considérable. La revue Cité Libre se faisait surnommé la petite sœur d’Esprit. Cette revue prône le personnalisme, dont je crois que tu as récemment parlé lors d’une vidéo. Elle a aussi influencé le journal le Devoir, l’ex-journal nationaliste fondé par Henri Bourassa. Elle a aussi influencé Radio-Canada, car les gens de Cité Libre, du Devoir et de Radio-Canada étaient à peu près les mêmes, s’invitant tour à tour. Une petite clique gauchiste, se lançant des éloges mutuels. Le personnalisme veut mettre la personne avant l’intérêt commun, le bien commun de la société. Esprit était lu par le père Lévesque et tous les révolutionnaires de l’époque.


Nomos-TV : « Le Devoir semble au centre des préoccupations de Rumilly. Pourquoi ? »

Tradition Québec : 
Effectivement, le journal le Devoir est au centre dans le premier livre. Celui-ci était aussi au centre de la contestation anti-duplessis, prônant des liens étroits avec les régimes socialistes ou communistes. Il était aussi allié avec les dénigreurs officiels de la province de Québec, lesquels versaient leur fiel dans les revues anti-Québec comme le McLean’s de Toronto. Le Devoir tissait les liens les plus forts avec la revue Esprit, afin de faire pénétrer ici les idées « nouvelles. » Le Devoir servait de relais et était beaucoup lu, même dans les presbytères, à cause que ce journal fut le journal nationaliste d’Henri Bourassa.

Nomos-TV : « Qu'est-ce qui a changé depuis la parution du livre? »

Tradition Québec :  
Le Canada français a cessé de lui-même de suivre son idéal de toujours, lequel était d’amener les gens d’Amérique à la connaissance du vrai Dieu. Nous avions aussi un rôle civilisateur, comme la France, fille aînée de l’Église l’a fait avant nous.

La foi catholique a quasiment disparu, en même temps que s’est installé (et maintenant que disparaît) la nouvelle religion issue de Vatican II.

Ce que Rumilly nommait le gauchiste – que nous appelons la Révolution – a pris le contrôle de tous les aspects de la vie en Canada français. Elle a pris le contrôle des institutions. Evidemment, par soucis d’enterrer une fois pour toute le Canada français, elle a nous a légué une histoire biaisée basée sur la haine anti-religieuse.

Au fond, le gauchisme nous a donné une nouvelle identité. Celle-ci, c’est l’anti-Québec, l’anti-Canada français,


Nomos-TV : « Assiste-t-on à un retour d'un autonomisme « de droite » contre une centralisation « de gauche » comme à l'époque de Duplessis ? »

Tradition Québec :  
Semble-t-il que nous retournons à cela. L’autonomisme de Duplessis, c’était le respect intégral du pacte de 1867. L’autonomisme aura été l’anti-chambre de l’indépendance, à mon avis.
Je pense qu’il y a une volonté de faire respecter les droits et intérêts du Québec. C’est bien, mais quels sont ces intérêts? Être plus à gauche que toutes les provinces? Être plus décadent?
Concernant l’immigration, il est juste qu’un territoire puisse contrôler qui rentre et combien vont rentrer. C’est le droit d’un état souverain.
Pour revenir complètement à cette époque, il faudrait revenir à quelque chose de plus précis. Car, ce que nous sommes devenus, ressemble à ce qu’on est un peu partout dans la modernité. Il n’y a pas de spécificité. Il y a la langue, mais pour combien de temps ?Autrement oui, la gauche veut recommencer a saisir le pouvoir fédéral pour contrer les législations du Québec (bonnes ou mauvaises). 

Nomos-TV : « Êtes-vous séparatiste ? »

Tradition Québec :  
Je préfère le terme indépendantiste. Oui, nous le revendiquons, par égard pour notre histoire, notre culture et notre religion. L’expérience nous a démontré que l’union des deux peuples anglais et français, ne peut tenir. Si nous voulons demeurer qui nous sommes, c’est la seule voie possible. 
C’est d’ailleurs une idée qui a germé sous l’hospice du catholicisme, pensons à Jules-Paul Tardivel et à son journal la Vérité. Il a écrit un roman patriotique, intitulé Pour la Patrie, lequel met en scène le Canada français qui doit faire un choix entre renouveler le pacte fédératif de 1867, lequel va assimiler les Canadiens-français à plus ou moins longue échéance. L’autre choix qui se propose est de créer un état catholique sur les rives du Saint-Laurent, l’État de la Nouvelle-France. Sa description fait d’ailleurs penser au fameux discours de l’abbé Groulx : « Notre état français, nous l’aurons ». Cet état se veut résolument enraciné. Pôle dynamique pour toute l’Amérique française. État français portant son âme sur son visage.