mardi 11 décembre 2018

La centralisation fédérale soutenue par les réseaux gauchistes

Voici un extrait du cahier no. 3 de Robert Rumilly, Les socialistes dominent le réseau gauchiste (1959). Si Dieu veut, cet ouvrage sera réédité en 2019 aux Éditions de la Vérité.

-Tradition Québec


La Cour Suprême du Canada.
La démission sinon la trahison nationale des gauchistes se produit à un moment crucial. Car
l'offensive centralisatrice continue, régulière, méthodique, acharnée. C'est à la vie même du Canada français qu'on en veut.

La Cour Suprême joue un rôle important dans cette vaste manœuvre.

La Cour Suprême est une création fédérale, qui date de 1875. C'est le gouvernement libéral d'Alexander Mackenzie - le premier gouvernement libéral occupant le pouvoir à Ottawa depuis la Confédération - qui a réalisé cette première grande mesure centralisatrice. Il porta ainsi la première atteinte à l'autonomie des provinces.

La Cour Suprême est un tribunal fédéral, siégeant à Ottawa, à deux pas des ministères fédéraux, dans une atmosphère éminemment centralisatrice.

J'ai vécu à Ottawa pendant treize ans. Il y a peu, il y a très peu de fonctionnaires qui échappent à cette ambiance centralisatrice. Les hauts fonctionnaires sont les plus facilement emportés par le courant, pour cette raison que la centralisation fédérale augmente leur influence, leur pouvoir, le véritable contrôle qu'ils exercent sur toute la vie du pays. Le simple esprit de corps conduit les fonctionnaires fédéraux, consciemment ou inconsciemment, à désirer la puissance de leur administration, et partant la centralisation fédérale. La Cour Suprême, tribunal fédéral, siège à Ottawa, dans la serre chaude de la centralisation.

Est-il surprenant que la Cour Suprême semble - appliquer à démolir notre législation provinciale, à ébranler le prestige et la force de l'État québécois en abrogeant ses décisions ?

Les exemples abondent depuis quelques années. Ils se multiplient sur un rythme inquiétant. La Cour Suprême a cassé le règlement municipal exigeant l'observance des fêtes d'obligation par les magasins. La Cour Suprême, à la demande de l'avocat socialiste Jacques Perrault, président du Devoir, a brisé la Loi du Cadenas, gênante pour les seuls communistes. La Cour Suprême donne gain de cause au « Témoin de Jéhovah » Roncarelli contre le premier ministre et procureur général de la province. (Et l'abbé Gérard Dion l'approuve et s'en réjouit !) La Cour Suprême casse la décision de la Cour Supérieure qui déclarait la formule Rand - retenue obligatoire des cotisations syndicale - illégale dans notre province parce que contraire a l'esprit de notre Code civil.

La plupart de ces décisions de la Cour Suprême sont prises malgré la dissidence de ses membres canadiens-français. Tout se passe, répétons-le, comme si la Cour Suprême, puissant instrument d'assimilation, s'appliquait à démanteler l'État canadien-français de Québec.

Et nos gauchistes applaudissent. Ils poussent même la Cour Suprême à intervenir, ils la sollicitent d'intervenir. Nos gauchistes s'acharnent contre l'État provincial. comme s'ils voulaient briser les cadres dans lesquels et grâce auxquels les Canadiens français ont conservé leur originalité de peuple. Répétons, car c'est important, que Marcel Rioux, dans Cité Libre, reproche à « l'idéologie clérico-nationaliste » sa thèse favorite, qui est « de renforcer le gouvernement provincial du Québec ». Hier Jacques Perrault faisait abroger la loi du Cadenas. Aujourd'hui - fin avril 1959 - Antoine Geoffrion, l'avocat libéral de gauche qui a remis la Presse entre les mains de Jean-Louis Gagnon, demande l'abrogation de la loi québécoise donnant existence à la Cour des magistrats. L'oubli d'une formalité juridique oblige Antoine Geoffrion à renoncer, au dernier moment. Mais comment n'a-t-il pas honte de son geste !

Mgr Jean-François Hubert, évêque de Québec.
La manœuvre centralisatrice est presque aussi directe et tout aussi dangereuse, voire davantage, sur le terrain de l'éducation.

Le gouvernement libéral. ayant accaparé des sources de revenus qui devraient revenir aux provinces, a distribué des subventions aux universités et créé le Conseil canadien des Arts, pour s'occuper de matières réservées aux provinces par la constitution. Le gouvernement conservateur n'a supprimé aucun de ces empiétements. Il a même augmenté les subventions aux universités.

Le Conseil canadien des Arts, dans l'esprit des centralisateurs. n'est que le noyau, l'embryon d'une très grosse machine. Le Dr B. S. Keirstead, professeur à l'Université de Toronto, demande la création d'une université nationale à Ottawa.

Si l'on me permet de le rappeler, j'ai écrit il n'y a pas si longtemps dans L'infiltration gauchiste au Canada français :

« Nous revenons donc au fameux projet d'institution royale, qui apparaissait au fanatique Ryland, selon ses propres termes, comme « un moyen très puissant de modifier graduellement les sentiments politiques et religieux des Canadiens français ». Nous revenons même un peu plus en arrière, avec le projet d'université nationale, fort analogue au projet de l'évêque anglican Inglis, que Mgr Hubert fit échouer en 1789. Les centralisateurs et leurs instruments ou complices nous ont fait reculer de plus de cent cinquante ans.
« Si un grand sursaut ne secoue pas l'opinion canadienne-française, si nous continuons à glisser sur la double pente du gauchisme et de la centralisation, les étudiants d'aujourd'hui verront, avant la fin de leur carrière, l'instauration d'un ministère de l’Instruction publique à Ottawa. [NDLR : Rumilly visait juste, car ce ministère fut créé et se nomme le Ministère du patrimoine canadien] J'espère que les recteurs, professeurs et étudiants savent ce que cela impliquerait à plus ou moins longue échéance. »

Il y a deux ans que je faisais cette prédiction.

Or il circule aujourd'hui à Ottawa un projet de création d'un ministère de la Culture. Le Droit, bien placé pour savoir ce qui se passe à Ottawa, le signalait dès le 20 décembre dernier. Ce ministère engloberait Radio-Canada, le Conseil des Arts, le Musée National, l'imprimerie Nationale, le Conseil des Recherches et l'Office National du Film. Pour atténuer le coup, ou si vous voulez pour dorer la pilule, le premier titulaire de ce ministère serait un Canadien français. On mentionne Léon Baker ; on cite même Noël Dorion, ce qui est le comble de l'adresse puisque Noël Dorion passe à la fois pour l'un des plus brillants et des plus patriotes parmi nos députés fédéraux.

Le projet ne se réalisera peut-être pas tout de suite. Mais il est dans l'air. Il y a un peu plus de dix ans maintenant que j'en avertis les Canadiens français, mes compatriotes : le but ultime des centralisateurs est de s'emparer de l'éducation. Le jour où ils y réussiront, on pourra sonner le glas dans toutes les paroisses de Québec.

Les milieux atteints par le gauchisme cessent de combattre le mouvement centralisateur. Les gauchistes les plus effrontés le soutiennent. Mon confrère avait-il tort de déceler une trahison nationale ?



-Robert Rumilly, Les socialistes dominent le réseau gauchiste. Montréal. 1956. P. 149-153.