lundi 8 décembre 2014

IV. Le temps de la prière


1. A vrai dire, nous devons prier sans interruption, car Jésus-Christ demande que l’on « prie toujours et que l’on ne cesse jamais. »

 
Notre coeur doit ressembler à la lampe qui se consume dans l’église devant le S. Sacrement. Nous respirons continuellement, et devons aussi avoir notre esprit sans cesse élevé vers Dieu, selon l’exhortation de l’Apôtre: « Priez sans cesse. » (1 Thess. V, 17). Il nous est permis de parler à Dieu à toute heure; à la porte de son palais céleste il n'y a point de gardes pour nous repousser: nous n’avons qu’à appeler « Père », et les portes s’ouvriront aussitôt. (S. Chrys.) Celui qui cherche Dieu, le trouvera partout et toujours. (S. Alph.) Nous devons imiter les jeunes hirondelles qui par leurs cris incessants demandent leur nourriture à leurs parents. (Id.) La prière continuelle nous rend semblables aux anges qui contemplent éternellement la face de Dieu. (S. Fr. de S.) Celui qui prie toujours peut facilement tout obtenir de Dieu, comme ceux qui sont continuellement dans la société du roi en reçoivent facilement des faveurs. (S. Chrys.) — En priant sans cesse, on éloigne de nombreuses tentations, aussi Jésus-Christ disait-il au jardin des Oliviers: « Veillez et priez, afin de ne pas tomber en tentation. » (S. Matth. XXVI, 41).

La prière continuelle nous protège comme une forteresse contre le démon, comme une cuirasse à l’épreuve des traits de nos ennemis (Th. Kemp.), comme un port sûr où les tempêtes ne peuvent nous atteindre. (S. Chrys.) Le démon peut nous surprendre à tout instant: il faut donc toujours être prêt à la prière, comme les gens exposés sans cesse au danger du feu ont toujours de l'eau en réserve. (S. Chrys.) Le soldat ne va jamais à la guerre sans ses armes, le chrétien ne doit jamais sortir sans se munir de la prière. (S Gilles). C’est en priant constamment que nous persévérons le plus sûrement dans la grâce de Dieu jusqu'à la mort (S. Th. Aq.), et que comme un train toujours adhérent aux rails, nous arrivons promptement et avec sécurité à notre destination.

 
Cependant Dieu n’exige pas, ce serait d’ailleurs impossible, que nous soyons constamment à genoux; il faut joindre le travail à la prière.

Notre mot d’ordre doit être: « La main au travail, le coeur à Dieu! » Il faut unir la vie de Marthe — vie active — avec la vie de Marie — vie contemplative (S. Luc. XVIII, 40). La vie de Marthe était bonne, celle de Marie  meilleure; les deux jointes ensemble sont ce qu’il y a de plus parfait. (S. Bern.) Jésus-Christ qui est un modèle pour tous, unissait la prière au travail. (8. Gr. Gr.) En ce monde nous devons prier par les oeuvres et les actions (S. Fr. de S.), à la mort seulement les oeuvres cesseront, et la contemplation de la Majesté divine deviendra notre unique occupation. (S. Gr. Gr.) Celui qui prétexterait la prière pour ne pas travailler, ne devrait pas non plus manger, selon la sentence de S. Paul (II. Thess. III, 19).

 

Il faut commencer son travail avec la bonne intention d’honorer Dieu, et pendant ses occupations, faire souvent des oraisons jaculatoires.

C’est pour que nous pensions souvent à Dieu dans la journée que l’on a élevé des croix et des statues au bord des routes : en les apercevant, le voyageur se souvient de Dieu. Tous les saints ont pris l’habitude des oraisons jaculatoires.  Ste Thérèse avait dans sa cellule une image représentant Jésus-Christ au puits de Jacob: de temps à autre elle y jetait les yeux en disant: « Seigneur, donnez-moi de cette eau vive! » S. Ignace disait, comme oraison jaculatoire : « Tout pour la plus grande gloire de Dieu! » Sans les prières jaculatoires, notre repos deviendra de l’oisiveté, et notre activité ne sera plus que distraction et désordre. (S. Fr. de S.)

Celui qui au contraire élève de temps en temps son âme à Dieu par des oraisons jaculatoires, se retrouve facilement au milieu du tourbillon du monde, comme le matelot qui ne perd pas des yeux la boussole. Les prières jaculatoires ont une grande vertu; elles sont exemptes de distractions, parce qu’on les fait avec beaucoup de ferveur. « Une prière jaculatoire que l’on répète cent fois avec dévotion, a souvent plus de valeur que cent prières différentes que l’on ne dit qu’une fois. » (S. Fr. de S ) Au jardin des Oliviers,

Jésus-Christ a répété plusieurs fois les mêmes paroles, et S. François d’Assise aussi passait des nuits entières à répéter: « Mon Dieu et mon tout! » S. Paul nous adresse cette exhortation: « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (I. Cor. X, 31); il faut donc s’habituer à faire dès le matin la bonne intention et la renouveler brièvement avant chaque action.

 

Mais on fait encore mieux quand on consacre à la prière tous les moments libres.

« Priez donc! répondit un jour, le B. Clément Hofbauer à un homme qui, par désœuvrement se plaignait de ne savoir que faire » Les saints priaient dès qu’ils en avaient le loisir: l’Apôtre S. Jacques, évêque de Jérusalem, priait si souvent que la peau de ses genoux était devenue aussi dure que celle d’un chameau. (Jos. Flav.) Le vrai chrétien prie toujours, mais sans qu'on s’en aperçoive; il prie dans son coeur, même au milieu de ses relations avec le prochain, dans ses promenades, dans ses travaux et quand il se repose. (Clément Al.)

 A l’exemple de Jésus-Christ (S. Luc.VI, 12) les saints passaient une partie de leurs nuits en prière.

 

Il est utile aussi de contempler les choses visibles pour s’élever en esprit jusqu’aux choses invisibles.

C’est une pratique très facile, parce que la création visible et notre religion ont en beaucoup de points, comme oeuvres du même Créateur, beaucoup d’analogies. S. Grégoire de Nazianze considérait au bord de la mer les coquillages rejetés par les vagues et admirait la solidité de leur construction : la première observation lui rappelait les hommes qui ne savent pas se dominer; la seconde, ceux qui ne se laissent entraîner par aucune tentation. Puis il demandait à Dieu le don de force.

S. Fulgence vit à Borne le triomphe du roi Théodoric : il en conclut que le triomphe d’une âme entrant au ciel devait être encore plus magnifique. En apercevant une brebis, S. François d’Assise se souvenait de la douceur de Jésus Christ; S. Basile, à la vue d’une rose, songeait aux amertumes qui sont mêlées à toutes les joies du monde.

S. François de Sales, passant près d’une église se disait : « Nous aussi, nous sommes les temples de Dieu » ; en voyant des champs, il s’écriait : »Nous aussi, nous sommes les champs cultivés par Dieu et arrosés du sang de Jésus-Christ; en considérant une belle image. » Dans les anges et les hommes qui sont les images de Dieu, disait-il, nous voyons resplendir la Majesté divine. Un convive de Jésus-Christ avait déjà dit en voyant du pain: « Heureux qui mangera du pain dans le royaume de Dieu ! »

(S. Luc. XIV, 15). Il est facile de méditer ainsi, parce que toutes les choses  visibles nous rappellent la toute-puissance et la bonté de Dieu et nous excitent en quelque sorte à l’adorer. « Notre vie tout entière doit être une prière continuelle » (S. Hilaire), car il faut dégager notre esprit des choses terrestres et vivre déjà maintenant comme dans le ciel. (Phil. III, 20).

 
2. Nous devons en particulier prier le matin et le soir, avant et après les repas, et quand la cloche de l’église nous engage à la prière.


1. Le matin, nous devons remercier Dieu de nous avoir protégés pendant la nuit, et le prier de nous préserver pendant le jour de tout accident et du péché, et de nous donner ce qui est nécessaire à la vie.
 
Il faut autant que possible faire la prière du matin à genoux, et ne prendre son déjeuner qu'après avoir prié. (S. Jér.) Omettre sa prière du matin, c’est ressembler aux animaux sans raison; les petits oiseaux eux-mêmes saluent de leurs chants mélodieux le commencement du jour (S. Amb.) : l’alouette s’élève vers le ciel aussitôt qu’elle s’éveille, et redit son chant matinal, c'est seulement après, qu’elle cherche sa nourriture sur la terre.

Une bénédiction particulière est attachée à la prière du matin (Eccli. XXXII, 18), c’est à elle surtout que s’applique le proverbe : « L’heure matinale a de l’or sur les lèvres. » Les Israélites trouvaient la manne avant le lever du soleil, et nous, nous obtenons la bénédiction de Dieu, si nous l’adorons avant l’aube. (Sag. XVI, 28). Une jeunesse bien employée a une influence décisive sur le reste de la vie ; on peut en dire autant du matin de chaque jour, (Overberg). Les premières impressions que l’on ressent à l’approche d’un homme ne sont-elles pas souvent décisives sur la conduite que l’on tiendra envers lui? Dieu observe lui aussi avec attention notre conduite aux premières heures du jour. C’est au matin que l’on trouve Dieu le plus facilement (Prov. VIII, 17), aussi les premiers chrétiens se réunissaient-ils pour la prière avant le lever du jour.

Il ne subsiste plus de cette tradition que la coutume de sonner la cloche pour exhorter les chrétiens à la prière du matin. Se livrer immédiatement à ses occupations temporelles, sans avoir fait sa prière du matin, c’est monter dans un train qui n'est pas le bon, et part pour une tout autre direction que celle qu’on s’était proposée. Un compte où l’on se trompe aux premiers chiffres, est fautif tout entier. Quand un étudiant travaille mal la première année, il lui manque les principes et il fera peu de progrès ; il en est de même de celui qui néglige sa prière du matin : la bénédiction de Dieu n'accompagne point ses travaux. Si Tes fondations ne sont pas solides, la maison s’écroulera, et le travail de la journée sera sans fruit, si l’on omet la prière du matin.


2. Le soir, il faut remercier Dieu des bienfaits reçus dans la journée, lui demander de nous pardonner les fautes commises pendant le jour, et de nous protéger pendant la nuit.

 
Quand vous donnez un morceau de pain à un pauvre, il ne s’en va pas sans vous avoir mille fois remercié; et vous voudriez aller vous reposer sans remercier Dieu qui vous a nourri pendant toute la journée? (S. Bern.) N'oubliez pas que Jésus-Christ a souvent prolongé sa prière dn soir jusque bien avant dans la nuit. Comme c’est surtout pendant la nuit que la mort conduit les hommes au tribunal de Dieu, on doit avoir soin, dans la prière du soir, d'examiner sa conscience et de s’exciter à la contrition parfaite. Chaque joueur, chaque commerçant a soin, le soir, de faire ses comptes pour voir s’il est en perte ou en gain, bien qu’il ne s’agisse que d’un avantage temporel : ainsi chacun devrait, à la fin de la journée, examiner comment il a pourvu aux intérêts de son âme. (S. Eph.) Commencer le jour avec Dieu, le terminer avec Dieu, c'est l’idéal de la vie.

 
3. Avant et après le repas nous devons remercier Dieu de la nourriture qu’il nous donne, et le prier de nous préserver des péchés que l’on commet ordinairement dans les repas.

Avant le repas, Jésus-Christ rendait toujours grâces à son Père céleste. (S. Marc VIII, 6); ordinairement il levait les yeux au ciel, puis inclinait la tête, comme il le fit à la dernière Cène: il voulait dire par là: « Père, je vous remercie. »

« Quand vous aurez mangé, dit Moïse, et que tous vous serez rassasiés, prenez bien garde d’oublier le Seigneur. » (Deut. VI, 12). Daniel, dans la fosse aux lions, remercia Dieu sur le champ pour la nourriture qu’il lui avait envoyée. (Dan. XIV, 37). Celui qui ne prie ni avant ni après les repas, ressemble à l’animal sans raison. — Les péchés que l’on commet souvent à table sont: l’intempérance, la colère (parce que les aliments ne sont pas assez bons), la médisance; en outre, quand le corps est trop bien nourri, il s'élève en lui de nombreuses tentations de paresse, de colère, d'impureté, tentations auxquelles David et plusieurs autres ont succombé : motif de plus pour être exact à la prière avant et après les repas. En mangeant et en butant, n'oublions jamais Dieu.


4. La cloche nous avertit trois fois par jour, le matin, à midi et le soir de réciter l‘Angélus; le jeudi soir, de penser à l’Agonie de Jésus-Christ ; le vendredi à 3 heures, de nous souvenir de la mort du divin Sauveur; et de prier pour ceux qui viennent de mourir, et pour ceux que l'on enterre.

En plusieurs contrées, on sonne encore au moment de l'élévation, et quand on donne la bénédiction du 88. Sacrement. N’oublions pas de prier quand l’Eglise nous y invite, car c’est ici le cas de répéter les paroles de S. Augustin:  « Celui qui prie avec l’Eglise, prie de la manière la plus utile. » — La cloche ne nous avertit pas seulement de prier, mais elle appelle au service divin; elle nous fait penser aux solennités religieuses (tandis que dans la tristesse, elle se tait, comme au Vendredi  Saint).

Par exception, elle nous avertit aussi des dangers qui nous menacent, incendies, inondations, alarmes de guerre, orages.  Dans ces cas, elle nous engage à prier, et la consécration qu'elle a reçue de l'Eglise lui donne la vertu d'obtenir la bénédiction de Dieu; la cloche prend ainsi part aux joies et aux tristesses de l’homme ; elle est donc sa compagne pendant toute sa vie et puisqu'elle nous appelle à la prière et au service divin et nous rend des services comme une créature intelligente, on lui donne un nom à son baptême. E t comme la cloche remplit une fonction sacrée, ceux-là seuls avaient autrefois le droit de la sonner, qui étaient revêtus d'un ordre mineur.

Les cloches n'existaient pas dans l'antiquité; chez les Juifs, les prêtres se servaient de la trompette pour convoquer le peuple. Après les persécutions, les chrétiens se rassemblaient au son du cor ou au bruit de crécelles de bois. Ce n’est qu’au Moyen-âge que l'on se mit à appeler les fidèles en frappant un métal à coups de marteau et ensuite en sonnant les cloches.


3. Nous devons encore prier: dans la détresse, dans les tentations, avant des entreprises importantes, et quand nous nous y sentons particulièrement portés.

Un proverbe dit : « La détresse apprend à prier », et un autre : « Dans la détresse on rampe vers la croix. » Nous devons prier dans la détresse, parce que Dieu le veut. « lnvoquez-moi, dit-il, au jour de la tribulation; je vous délivrerai et vous m’honorerez. » (Ps. XLIX, 15). C'est à la prière qu’eurent recours les Apôtres dans la barque, les chrétiens pendant la captivité de S. Pierre. Hélas ! souvent dans la détresse on cherche du secours seulement auprès des hommes. — Dans les tentations aussi nous devons recourir à la prière. « Veillez et priez, dit Jésus-Christ, afin de ne pas tomber en tentation. » (S* Matth* XXVI, 41).

Dans la tentation nous devons agir comme les petits enfants qui, voyant arriver une bête sauvage courent aussitôt à leur père ou à leur mère. (S. Fr. de S ) Si Eve avait prié lorsqu’elle fut tentée, elle n ’aurait pas été séduite. Pour offrir un refuge aux personnes désespérées, l’église reste ouverte an peuple toute la journée et bien des suicides ont été évités par là. — On doit aussi prier avant des entreprises importantes. « Demande à Dieu qu’il dirige tes voies », disait Tobie (IV, 20), et Jésus-Christ pria aussi avant de choisir les Apôtres (S. Luc. VI, 12), avant de ressusciter Lazare (S. Jean XI, 41), et au jardin des Oliviers avant de commencer sa Passion. (S. Luc. XXII, 41). Les Apôtres prièrent avant d’élire S. Mathias (Act. I, 23), et S. Pierre avant de ressusciter

Tabitha. (Ibid. IX, 26). S. Jérôme demande encore davantage: «  Quand nous sortons, dit-il, armons-nous de la prière, et quand nous revenons, prions avant de nous rasseoir. »

Ayons soin aussi d’utiliser ces moments où nous nous sentons touchés par la grâce et pins portés à la prière, comme les matelots qui, sentant le vent favorable, se hâtent d’en profiter; et nous-mêmes, quand nous voulons faire un voyage, ne profitons-nous pas du temps propice? (Louis de Gren.) Hélas! que de gens dans les moments sérieux de la vie cherchent à se distraire plutôt par des divertissements mondains, par ces repas extraordinaires aux premières communions, aux mariages, etc., dans les grandes solennités, aux funérailles, etc. Quelle responsabilité!

Dans les moments sérieux on prie avec plus de dévotion - La prière alors vient du fond du coeur et n’est point sujette aux distractions : elle est comme un arbre bien enraciné, qui brave les plus violentes tempêtes. (S. Chrys.)

 
4. On doit prier au moment de la mort.

L’Eglise ordonne de recevoir les sacrements des mourants dans une maladie grave: elle désire alors qu’au moins on invoque le Nom de Jésus. Celui qui prie au moment de mourir fait comme l'alouette qui, frappée par le chasseur, continue, dit-on, son chant jusqu’à ce qu’elle tombe inanimée, comme le cygne, qui se met à chanter avant de mourir.
 
 
-François Spirago, Catéchisme catholique populaire